Performance et évolution

Le DRH, justifier ou réagir et les soft skills !

Se justifier ou réagir ?

« Ceux qui manquent de courage trouveront toujours une philosophie pour le justifier » Albert Camus[1].

« Agir, voilà la vraie intelligence » Victor Hugo[2].

Le dictionnaire précise la portée de l’intention. Justifier consiste à trouver juste, excuser l'acte, le comportement de quelqu'un, mais de son propre point de vue socioculturel. Réagir conduit à manifester un changement d'attitude, de comportement vis-à-vis de quelque chose avec l’intention de traiter la situation.

Ces définitions me font souvenir l’histoire de ce chercheur confirmé, mais parfaitement oublieux. En 1928, il travaillait dans un grand désordre au grand dam de ses collègues. Il oublia, pendant ses congés, ses travaux sur les staphylocoques. Ils étaient dans un triste état, et se questionnait sur fallait-il se « justifier ou réagir » ?

Fleming[3] ne perdit pas de temps à justifier sa maladresse, sa réaction le dirigea jusqu'à la découverte de la pénicilline instable dans un premier temps et stabilisée et purifiée en 1939, à Oxford, par Florey[4] et Chain[5]. Ainsi la septicémie trouva son maitre pour le grand bonheur des matadors et des blessés de la Seconde Guerre mondiale.

Ce n’est pas une légende, ce chercheur désordonné devint Sir Alexander Fleming par la grâce d’Elisabeth II, Reine du Royaume-Uni et des autres royaumes du Commonwealth, Prix Nobel de médecine en 1945 attribué par l’Académie suédoise, l’Académie royale des sciences de Suède et Karolinska Institutet en compagnie de Howard Florey et Ernst Chain.

L’utilisation des soft skills, des compétences sociocognitives sont une source inépuisable de justifications ou de réactions, il est opportun d’y réfléchir.

Justifier ou réagir oui, mais quoi ?

« Justifier, c’est comme accepter la fatalité ; réagir, c’est comme dire ce que cela devrait être. » L’auteur.

Justifier ou réagir ? Les enfants ont le réflexe spontané de se justifier s’ils sont pris dans une situation non conforme à ce que la bonne conduite exige. Ils développent alors des explications visant à démontrer que cela n’est pas de leur faute, qu’ils ne l’ont pas fait exprès, que c’est à cause des autres, ouvrant une imagination débordante, avec à la clé une promesse formelle de ne pas recommencer.

Ce qui prête à sourire chez un enfant devient brutalement inacceptable dans la posture de l’adulte et formellement inadmissible dans un comportement professionnel.

Les soft skills, les compétences sociocognitives

Elles présentent le moyen pratique d’analyser, de comprendre et de mettre en œuvre la relation : justifier et réagir. La posture contient le raisonnement de l’application de ce principe. Il s’agit des valeurs de conviction et des valeurs de responsabilités définies par Max Weber[6].

Les exemples de justifications sont monnaie courante. Justifier ou l’art de rendre l’inacceptable acceptable est présent dans l’actualité où des autorités de toute nature expliquent à qui veut l’entendre que ce fait de société se justifie par les habitudes, la tradition, l’importance sociale des individus, le risque de trouble à l’ordre public et bien d’autre justification. Chacun aura reconnu dans cette liste, des systèmes d’enseignements confessionnels, des activités sportives, des personnages médiatiques, politiques ou religieux.

Les exemples de réaction le sont aussi avec des situations qui forcent le respect. Rosa Parks[7] refusa la justification de sa couleur de peau. Le 1er décembre 1955, à Montgomery, Alabama, elle ne céda pas sa place à un passager blanc dans un bus, comme l’exigeait la loi de ségrégation raciale en vigueur. Ce refus, simple, mais puissant, conduit à son arrestation et à une amende. En réaction, Martin Luther King Jr[8]. et d’autres leaders organisent un boycott de la compagnie de bus, qui dura 380 jours. Ce mouvement pacifique mobilise des milliers de personnes. Le 13 novembre 1956, la Cour suprême des États-Unis déclare la ségrégation dans les bus anticonstitutionnelle, mettant fin à cette pratique discriminatoire.

Et la dissonance cognitive dans tout ça ?

Selon les travaux de Festinger[9] et de Vaidis[10] la différence existante entre justifier et réagir peut présenter un état contradictoire entre deux cognitions (pensées, croyances, attitudes, comportements). Les individus cherchent alors à réduire cette tension pour retrouver une cohérence interne. La posture entre conviction et responsabilité demande un arbitrage pour accepter, réduire ou supprimer la différence. Les exemples d’habitudes tutoyant l’addiction les plus courants concerne le tabac, la nourriture, l’activité physique… proposent soit d’accepter de changer ou de justifier sur le thème : « ce n’est pas si grave que ça… ».

Du point de vue de la dissonance cognitive, les notions de justifier et réagir prennent une dimension psychologique essentielle : elles traduisent la manière dont un individu gère l’inconfort mental provoqué par des contradictions internes.

Justifier ou réagir oui, mais comment ?

« On ne naît pas femme : on le devient » Simone de Beauvoir[11].

La célèbre profession de foi et de conviction de Simone de Beauvoir exprimée dans Le Deuxième Sexe (1949) stimule une réflexion sur la nécessité de cesser de penser et d’accepter que la justification de la place sociale des femmes soit issue de la fatalité de leur condition physiologique de naissance. Ce propos est une réflexion profonde sur la réaction que doivent construire les femmes pour exister dans un univers construit par les hommes.

Justifier revient à décrire ou défendre les mécanismes qui font « devenir femme » selon les normes sociales. Réagir consiste à contester ces mécanismes, à les transformer ou à s’en affranchir.

Méthode : De justifier à réagir

Pour évoluer de justifier à réagir, la méthode consiste de remplacer l’usage des valeurs de conviction au profit des valeurs de responsabilités.

  1. Identifier: Prendre conscience de la situation, c’est le point de départ. Il s’agit d’identifier le problème, le conflit ou l’incohérence entre ce que l’on pense, ce que l’on ressent et ce que l’on fait. Cette étape implique lucidité et honnêteté intellectuelle.
  2. Accepter: Reconnaître la dissonance ou la responsabilité. Accepter que quelque chose n’aille pas ou que l’on a une part de responsabilité dans la situation. Cela suppose de sortir du déni et d’ouvrir la voie à une transformation.
  3. Expliquer: Faire comprendre avec clarté et cohérence, formuler les raisons de son comportement ou de sa décision. Cela peut inclure des contraintes, des intentions, des valeurs ou des circonstances. L’explication permet de poser les bases d’une compréhension partagée.
  4. Impliquer: S’engager dans une démarche de changement Passer d’une posture défensive à une posture active. S’impliquer, c’est reconnaître que l’on peut agir sur la situation, que l’on est acteur et non simple spectateur.
  5. Action: Réagir concrètement, mettre en œuvre une réponse adaptée. Cela peut être une correction, une réparation, une communication ou une décision. L’action traduit l’engagement et la volonté de cohérence.
  6. Régulation: Ajuster et maintenir l’équilibre, évaluer les effets de l’action, ajuster si nécessaire, et intégrer les apprentissages pour éviter de reproduire les mêmes dissonances. La régulation permet de stabiliser la posture et de renforcer la cohérence entre pensée et comportement.

Cette méthode permet de transformer une posture réflexive en une posture active, en respectant une logique éthique, constructive et responsable. Elle est applicable dans toutes les fonctions rencontrées sociales, professionnelles, familiales, intimes.

Conclusion

« L’échec est simplement l’opportunité de recommencer, cette fois plus intelligemment » Henry Ford[12].

Henry Ford nous apprend qu’il est inutile et chronophage de passer son temps à se justifier, a contrario de prendre le temps et l’énergie indispensables pour recommencer avec l’intelligence qui sied au traitement de la situation.

Il est établi que justifier est aussi enfantin que stérile, il s’agir en fait de l’expression de la protection illusoire du passé. Réagir est constructif par la réalité du présent au service du futur. Evoluer de la justification à la réaction est la démonstration, par un argument d’autorité, de la preuve de sa maturité.

Dans un monde de justification la réaction est libératoire, le spectateur justifie, l’acteur réagit.
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[1] Albert Camus, 1913 – 1960, homme de lettres français.

[2] Victor Hugo, 1802 – 1885, homme de lettres français.

[3] Sir Alexander Fleming médecin, 1881 - 1955, biologiste et pharmacologue britannique.

[4] Howard Florey, 1898 – 1968, pathologiste et pharmacologue australien.

[5] Ernst Boris Chain, 1906 – 1979, biochimiste, allemand naturalisé britannique.

[6] Max Weber, 1864 – 1920, sociologue, économiste et juriste allemand né prussien.

[7]Rosa Parks, née Rosa Louise McCauley, 1913 – 2005 couturière américaine

[8] Martin Luther King Jr., 1929–1968, pasteur baptiste américain.

[9] Leon Festinger, 1919 - 1989, psychologue américain

[10] David Vaidis professeur des universités en psychologie sociale, français.

[11] Simone de Beauvoir, 1908 - 1986, femme de lettres, française.

[12] Henry Ford, 1863 – 1947, industriel américain. =

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