Septembre 2024
Au niveau européen, les textes en faveur de l’égalité sont nombreux : la convention des Nations unies[1] de 1979, le traité de l’Union européenne[2], le traité sur le fonctionnement de l’union européenne[3], la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne[4], le socle européen des droits sociaux… et la directive[5] 2006/54/CE. L’évaluation[6] de 2020, des dispositions de cette directive, constate[7] que l’application du principe d’égalité des rémunérations est entravée par le manque de transparence des systèmes de rémunération, le manque de sécurité juridique entourant la notion de travail de même valeur et des obstacles de nature procédurale rencontrés par les victimes de discrimination. En 2023, le Parlement et la Commission de l’Europe, s’emparent à nouveau du sujet pour davantage de transparence au service de l’égalité.
La directive européenne du 10 mai 2023 visant à renforcer l’application du principe de l’égalité des rémunérations entre les femmes et les hommes, pour un même travail ou un travail de même valeur, par la transparence des rémunérations et les mécanismes d’application du droit a été publiée au Journal Officiel de l’Union européenne du 17 mai 2023. Les Etats membres ont jusqu’au 7 juin 2026 au plus tard pour transposer cette directive dans le droit national. En France, avec l’Index égalité femmes-hommes (Index EFH), la publication d’indicateurs en matière d’égalité s’impose, depuis 2019, aux entreprises d’au moins 250 salariés et, depuis 2020, à celles d’au moins 50 salariés. Reste à savoir quel effet, la transposition de la directive du 10 mai 2023 aura sur l’Index EFH. En attendant, vous trouverez ci-dessous les principales mesures relatives à l’égalité prévues par cette directive.
A noter que le code du Travail français oblige déjà tout employeur à assurer, pour un même travail ou pour un travail de valeur égale, l’égalité de rémunération entre les femmes et les hommes[8].
Employeurs et salariés concernés
La directive s’applique aux employeurs du secteur public et du secteur privé[9].
Elle concerne tous les travailleurs [10] qui ont un contrat de travail ou une relation de travail (du secteur public et du secteur privé) qu’ils soient à temps plein ou à temps partiel, en contrat à durée indéterminée ou en contrat à durée déterminée, y compris les salariés intérimaires.
La directive s’applique également aux candidats à l’emploi[11].
La rémunération prise en compte
Selon l’article 3 de la directive, la rémunération est le salaire ou traitement ordinaire de base ou minima et tout autre avantage, payés directement ou indirectement, en espèces ou en nature (composantes variables ou complémentaires), par un employeur à un travailleur en raison de l’emploi de ce dernier.
Ainsi, la rémunération devrait englober[12] :
- Le salaire,
- Les composantes complémentaires ou variables de la rémunération.
Ces composantes complémentaires ou variables peuvent comprendre, sans s’y limiter :
- Les primes,
- La compensation des heures supplémentaires,
- L’indemnisation des déplacements,
- Les indemnités de logement et de repas,
- L’indemnisation de la participation à des formations,
- Les indemnités en cas de licenciement,
- Les indemnités légales de maladie (il semble que les indemnités journalières de sécurité sociale ne seraient pas à prendre en compte car elles sont versées par l’Etat),
- Les indemnités légales obligatoires et les pensions professionnelles.
Chaque État membre devra préciser chacune de ces composantes.
La notion de « rémunération » devrait inclure tous les éléments de la rémunération requis par la loi, par les conventions collectives et/ou par les pratiques de chaque État membre.
Les niveaux de rémunération devraient être exprimés sous la forme de la rémunération annuelle brute et de la rémunération horaire brute correspondante. De plus, le calcul des niveaux de rémunération devrait pouvoir être effectué sur la base de la rémunération réelle indiquée pour le travailleur, qu’elle soit annuelle, mensuelle, horaire ou autre [13].
Pour rappel, selon le code du Travail français, constitue une rémunération, le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum et tous les autres avantages et accessoires payés, directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l'employeur au salarié en raison de l'emploi de ce dernier [14].
Qu’est-ce qu’un travail de même valeur ?
Selon l’article 4 de la directive, les Etats membres prennent les mesures nécessaires pour que les employeurs disposent de structures de rémunération garantissant l’égalité des rémunérations pour un même travail ou un travail de même valeur.
« Afin de respecter le droit à l’égalité des rémunérations, les employeurs doivent disposer de structures de rémunération garantissant qu’il n’y a pas de différences de rémunération fondées sur le sexe entre des travailleurs accomplissant le même travail ou un travail de même valeur qui ne soient pas justifiées par des critères objectifs non sexistes [15]».
Les critère objectifs devraient inclure 4 facteurs : compétences, efforts, responsabilités et conditions de travail. Seuls les critères pertinents au regard du poste sont à retenir. Des critères supplémentaires peuvent également être pris en compte lorsqu’ils sont pertinents et justifiés.
Les États membres devraient veiller à ce qu’une formation, des outils et méthodes spécifiques soient disponibles pour soutenir et guider les employeurs dans l’évaluation de ce qui constitue un travail de même valeur. Aussi, les Etats membres devraient confier l’élaboration de ces outils et méthodes spécifiques aux partenaires sociaux, ou les mettre au point en coopération avec les partenaires sociaux ou après les avoir consultés[16]. Le cas échéant, la Commission peut mettre à jour les lignes directrices à l’échelle de l’Union relatives aux systèmes non sexistes d’évaluation et de classification des emplois, en consultation avec l’Institut européen pour l’égalité entre les hommes et les femmes (EIGE).
Transparence des rémunérations avant l’embauche[17]
Tout d’abord, selon la directive, les employeurs devraient veiller à ce que les offres d’emploi et les dénominations de postes soient non sexistes et à ce que les processus de recrutement soient menés de façon non discriminatoire de manière à ne pas compromettre le droit à l’égalité des rémunérations pour un même travail ou un travail de même valeur.
Ensuite, les candidats à un emploi auraient le droit de recevoir, de l’employeur potentiel, des informations relatives à :
- La rémunération initiale ou la fourchette de rémunération initiale, sur la base de critères objectifs non sexistes, correspondant au poste concerné ;
- Le cas échéant, les dispositions pertinentes de la convention collective appliquées par l’employeur en rapport avec le poste.
Ces informations seraient communiquées de manière à garantir une négociation éclairée et transparente en matière de rémunération, par exemple dans un avis de vacance d’emploi publié, avant l’entretien d’embauche ou d’une autre manière.
A noter que l’employeur ne serait pas autorisé à demander aux candidats leur historique de rémunération au cours de leurs relations de travail actuelles ou antérieures.
Transparence des rémunérations pour les salariés
Informer sur les critères déterminant la rémunération[18]
Les employeurs devraient mettre à la disposition de leurs travailleurs, d’une manière facilement accessible, les critères qui sont utilisés pour déterminer la rémunération, les niveaux de rémunération et la progression de la rémunération des travailleurs. Ces critères sont objectifs et non sexistes.
Les États membres peuvent exempter les employeurs de moins de 50 travailleurs de l’obligation de communiquer sur les critères relatifs à la progression de la rémunération.
Droit à l’information des travailleurs
Les travailleurs auraient le droit de demander et de recevoir par écrit, des informations sur leur niveau de rémunération individuel et sur les niveaux de rémunération moyens, ventilées par sexe, pour les catégories de travailleurs accomplissant le même travail qu’eux ou un travail de même valeur que le leur [19].
Les employeurs fourniraient ces informations dans un délai raisonnable et en tout état de cause dans un délai de deux mois à compter de la date de la demande [20].
Les employeurs informeraient tous les travailleurs, une fois par an, de leur droit à recevoir ces informations ainsi que des mesures que ceux-ci devraient prendre pour exercer ce droit[21].
Les travailleurs auraient la possibilité de demander et de recevoir ces informations par l’intermédiaire de leurs représentants, ou par l’intermédiaire d’un organisme pour l’égalité de traitement. De plus, si les informations reçues sont inexactes ou incomplètes, les travailleurs auraient le droit de demander, personnellement ou par l’intermédiaire de leurs représentants, des précisions et des détails supplémentaires raisonnables concernant toute donnée fournie et de recevoir une réponse circonstanciée [22].
Les travailleurs, qui souhaiteraient faire appliquer le principe de l’égalité des rémunérations, ne devraient pas être empêchés de divulguer leur rémunération en vue de l’application de ce principe. En particulier, les États membres doivent mettre en place des mesures visant à interdire les clauses contractuelles qui empêchent les travailleurs de divulguer des informations sur leur rémunération. En contrepartie, les employeurs pourraient exiger des travailleurs ayant obtenu des informations autres que celles concernant leur propre rémunération ou niveau de rémunération qu’ils ne les utilisent pas à des fins autres que l’exercice de leur droit à l’égalité des rémunérations [23].
Par ailleurs, la communication de ces informations ne devrait pas conduire à divulguer la rémunération d’un travailleur identifiable en vertu de la protection des données personnelles (RGPD). Dans le cas contraire, l’accès à ces données pourrait être limité aux représentants du personnel, à l’inspection du travail ou à l’organisme en charge de l’égalité de traitement[24].
A noter que le format de ces informations devrait être accessible et adapté aux personnes handicapées[25].
Obligation de calculer et de communiquer sur les écarts de rémunération
Les indicateurs à calculer[26]
Les États membres devront veiller à ce que les employeurs fournissent les informations suivantes :
- L’écart de rémunération entre les femmes et les hommes ;
- L’écart de rémunération entre les femmes et les hommes au niveau des composantes variables ou complémentaires ;
- L’écart de rémunération médian entre les femmes et les hommes ;
- L’écart de rémunération médian entre les femmes et les hommes au niveau des composantes variables ou complémentaires ;
- La proportion de travailleurs féminins et de travailleurs masculins bénéficiant de composantes variables ou complémentaires ;
- La proportion de travailleurs féminins et de travailleurs masculins dans chaque quartile ;
- L’écart de rémunération entre les femmes et les hommes par catégories de travailleurs, ventilé par salaire ou traitement ordinaire de base et par composantes variables ou complémentaires.
A ce stade, les indicateurs demandés se concentrent sur la rémunération. En France, l’Index EFH fournit également des données RH notamment sur les promotions.
La directive indique que les États membres peuvent compiler eux-mêmes les informations ci-dessus, mais uniquement pour les points a) à f), sur la base de données administratives telles que celles fournies par les employeurs aux autorités fiscales ou de sécurité sociale. Ces informations seraient rendues publiques afin de permettre une comparaison entre les employeurs, les secteurs et les régions de l’Etat membre concerné.
Consultation préalable des représentants du personnel
L’exactitude des informations serait confirmée par la direction de l’employeur, après consultation des représentants des travailleurs. Les représentants des travailleurs auraient accès aux méthodes appliquées par l’employeur[27]. T00
En France, concernant l’Index EFH, les représentants du personnel ont également accès aux méthodes utilisées par l’employeur via la base de données économiques, sociales et environnementales. En revanche, la consultation préalable des représentants du personnel ne concerne que l’indicateur 1 sur les écarts de rémunération, lorsque l’employeur souhaite répartir la population éligible selon la classification conventionnelle ou selon un système de cotation propre à l’entreprise.
Comment communiquer ces indicateurs [28]?
Les employeurs fourniraient l’ensemble de ces informations, à tous leurs travailleurs et aux représentants des travailleurs.
Sur demande, les employeurs fourniraient les informations, à l’inspection du travail et à l’organisme pour l’égalité de traitement. Les informations concernant les quatre années précédentes, si elles sont disponibles, seraient également fournies sur demande.
Les travailleurs, les représentants des travailleurs, les inspections du travail et les organismes pour l’égalité de traitement auraient le droit de demander aux employeurs des éclaircissements et des précisions supplémentaires sur toutes les données communiquées, y compris des explications concernant toute différence de rémunération constatée entre les femmes et les hommes. Les employeurs devraient y répondre dans un délai raisonnable en fournissant une réponse circonstanciée. Lorsque la différence de rémunération entre les femmes et les hommes n’est pas justifiée par des critères objectifs non sexistes, les employeurs devraient remédier à la situation dans un délai raisonnable, en étroite coopération avec les représentants des travailleurs, l’inspection du travail et/ou l’organisme pour l’égalité de traitement.
De plus, les 6 premières informations a) à f) visées ci-dessus seraient à communiquer à l’autorité chargée de compiler et publier ces informations. L’employeur pourrait aussi publier ces 6 indicateurs sur son site internet ou les mettre à la disposition du public d’une autre manière.
Chaque Etat devra déterminer l’organisme pour l’égalité de traitement ainsi que l’autorité de traitement chargée de compiler et publier les indicateurs a) à f) visés ci-dessus.
Selon quelle échéance [29]?
Les employeurs dont les effectifs comptent 250 travailleurs ou plus devront fournir au plus tard le 7 juin 2027 et chaque année par la suite les informations ci-dessus concernant l’année civile précédente.
Les employeurs dont les effectifs comptent entre 150 et 249 travailleurs devront fournir au plus tard le 7 juin 2027 et tous les trois ans par la suite les informations ci-dessus concernant l’année civile précédente.
Enfin, les employeurs dont les effectifs comptent entre 100 et 149 travailleurs devront fournir au plus tard le 7 juin 2031 et tous les trois ans par la suite les informations ci-dessus concernant l’année civile précédente.
La directive précise que les États membres ne doivent pas empêcher les employeurs dont les effectifs comptent moins de 100 travailleurs de fournir, à titre volontaire, les informations ci-dessus. D’ailleurs, les États membres peuvent, en vertu de leur droit national, exiger des employeurs dont les effectifs comptent moins de 100 travailleurs qu’ils fournissent des informations sur les rémunérations.
Evaluation conjointe des rémunérations[30]
Les employeurs soumis à l’obligation de communication de données sur les rémunérations devraient coopérer avec les représentants du personnel pour réaliser une évaluation conjointe des rémunérations, lorsque toutes les conditions suivantes sont réunies :
- Les données communiquées concernant les rémunérations révèlent une différence de niveau de rémunération moyen d’au moins 5 % entre les travailleurs féminins et les travailleurs masculins quelle que soit la catégorie de travailleurs ;
- L’employeur n’a pas justifié cette différence de niveau de rémunération moyen par des critères objectifs non sexistes ;
- L’employeur n’a pas remédié à cette différence injustifiée de niveau de rémunération moyen dans un délai de six mois à compter de la date de communication des données sur les rémunérations.
L’évaluation conjointe des rémunérations est effectuée pour recenser, corriger et prévenir les différences de rémunération entre les travailleurs féminins et les travailleurs masculins qui ne sont pas justifiées par des critères objectifs non sexistes.
L’évaluation conjointe comporte les éléments suivants :
- Une analyse de la proportion de travailleurs féminins et de travailleurs masculins au sein de chaque catégorie de travailleurs ;
- Des informations sur les niveaux de rémunération moyens des travailleurs féminins et des travailleurs masculins et sur les composantes variables ou complémentaires pour chaque catégorie de travailleurs ;
- Toutes les différences de niveaux de rémunération moyens entre les travailleurs féminins et les travailleurs masculins pour chaque catégorie de travailleurs ;
- Les raisons de ces différences de niveaux de rémunération moyens fondées sur des critères objectifs non sexistes, pour autant qu’il en existe, telles qu’elles ont été déterminées conjointement par les représentants des travailleurs et l’employeur ;
- La proportion de travailleurs féminins et de travailleurs masculins qui ont bénéficié d’une augmentation de leur rémunération à la suite de leur retour d’un congé de maternité ou de paternité, d’un congé parental ou d’un congé d’aidant, si une telle augmentation est intervenue dans la catégorie de travailleurs concernée au cours de la période pendant laquelle le congé a été pris ;
- Des mesures visant à remédier aux différences de rémunération si celles-ci ne sont pas justifiées par des critères objectifs non sexistes ;
- Une évaluation de l’efficacité des mesures résultant de précédentes évaluations conjointes des rémunérations.
Les employeurs devraient mettre l’évaluation conjointe des rémunérations à la disposition des travailleurs et des représentants des travailleurs et la communiquer à l’organisme de suivi. Ils la mettraient sur demande à la disposition de l’inspection du travail et de l’organisme pour l’égalité de traitement.
Ensuite, l’employeur devrait mettre en œuvre les mesures résultants de l’évaluation conjointe dans un délai raisonnable afin de remédier aux différences de rémunération injustifiées. Cette étape se ferait en étroite coopération avec les représentants des travailleurs conformément au droit national et/ou aux pratiques nationales. A noter que l’inspection du travail et/ou l’organisme pour l’égalité de traitement pourrait être invité à participer au processus.
La mise en œuvre des mesures comprendrait notamment une analyse des systèmes non sexistes d’évaluation et de classification des emplois existants ou la mise en place de tels systèmes afin d’exclure toute discrimination directe ou indirecte en matière de rémunération fondée sur le sexe.
Autres moyens pour lutter contre les discriminations liées au sexe
La directive aborde d’autres mesures permettant de lutter contre les discriminations liées au sexe.
Prévoir des mesures correctives en cas d’écart
- Comme vu précédemment, en cas de désaccord entre employeur et représentants des travailleurs sur le critère objectif permettant de justifier un écart d’au moins 5% dans une catégorie de travailleurs donnée, il convient de procéder à une évaluation conjointe[31].
- Permettre, via la négociation collective d’avancer sur les questions d’égalité des rémunérations[32].
- Veiller à ce que les systèmes d’évaluation et de classification des emplois soient non-sexistes[33]. En cas d’écarts, parmi les mesures correctives, les autorités compétentes ou les juridictions nationales devraient, par exemple, pouvoir exiger d’un employeur qu’il révise le mécanisme de fixation des rémunérations sur la base d’une évaluation et d’une classification non sexiste[34].
- Définir un plan d’action visant à éliminer les différences constatées et à réduire les écarts de rémunération injustifiés ;
- Informer et sensibiliser des travailleurs au sujet de leur droit à l’égalité des rémunérations ;
- Mettre en place une formation obligatoire, pour le personnel des ressources humaines, sur l’égalité des rémunérations et sur l’évaluation et la classification non sexistes des emplois[35].
Encourager les employeurs à davantage de transparence
La directive du 10 mai 2023 propose de mettre en place un label de transparence des rémunérations pour les employeurs, non soumis à ces obligations qui déclareraient volontairement les rémunérations[36].
Aussi, il est prévu que les États membres apportent un soutien, sous la forme d’une assistance technique et d’une formation, aux employeurs dont les effectifs comptent moins de 250 travailleurs et aux représentants des travailleurs concernés, afin de faciliter le respect par ceux-ci des obligations énoncées dans la directive[37].
A l’inverse : sanctionner en cas de violation des dispositions nationales
Les États membres devraient prévoir des sanctions effectives, proportionnées et dissuasives en cas de violation des dispositions nationales adoptées en vertu de la directive ou des dispositions nationales déjà en vigueur à la date d’entrée en vigueur de la directive et qui concernent le droit à l’égalité des rémunérations. Ces sanctions devraient comprendre des amendes qui pourraient être fonction du chiffre d’affaires annuel brut de l’employeur ou de sa masse salariale totale. Il conviendrait également de tenir compte de toute autre circonstance aggravante ou atténuante susceptible de s’appliquer aux circonstances de l’espèce[38].
Aussi, les États membres devraient appliquer des sanctions spécifiques en cas de violations répétées de tout droit ou obligation relatif à l’égalité des rémunérations entre les femmes et les hommes pour un même travail ou un travail de même valeur, afin de refléter la gravité de la violation et de décourager davantage de telles violations[39].
Par ailleurs les États membres devraient veiller à ce que les opérateurs économiques disposent, dans l’exécution d’un marché public ou d’un contrat de concession, de mécanismes de fixation des rémunérations qui n’induisent pas d’écart de rémunération entre les femmes et les hommes pour toute catégorie de travailleurs accomplissant un même travail ou un travail de même valeur ne pouvant se justifier par des critères non sexistes[40].
Faciliter l’action en justice en cas d’inégalité
La directive du 10 mai 2023 préconise de mettre à disposition du travailleur des moyens de comparaison de sa rémunération ainsi que des moyens pour lui permettre d’agir en justice.
Ainsi parmi l’ensemble des recommandations :
- Mettre à disposition davantage d’information permettant d’établir une discrimination :
- Désigner une personne de référence : les travailleurs pourraient ainsi démontrer qu’ils ont été traités de manière moins favorable qu’une personne de référence de sexe différent exerçant le même travail ou un travail de même valeur[41].
- Utiliser des statistiques ou autres informations disponibles présumant l’existence d’une discrimination[42].
- La comparaison pourrait se faire avec des hommes et des femmes travaillant pour d’autres employeurs dès lors que les situations sont identiques et comparables [43].
- Les employeurs devraient mettre à disposition des travailleurs les critères qui sont utilisés pour déterminer les niveaux de rémunération et la progression de la rémunération (performance individuelle, développement des compétences, ancienneté…) [44].
- A la demande des travailleurs, les employeurs devraient fournir des informations sur leur niveau de rémunération individuel et sur les niveaux moyens de rémunération, ventilées par sexe, pour la catégorie de travailleur accomplissant le même travail qu’eux ou un travail de même valeur que le leur. Chaque année les employeurs devraient informer les travailleurs de ce droit ainsi que des mesures à entreprendre pour l’exercer. Cela dit, l’employeur peut aussi fournir ces informations sans que les travailleurs aient besoin d’en faire la demande [45]. Inclure les personnes handicapées impose à l’employeur de communiquer ces informations de manière adéquate en fonction du handicap [46].
- Les employeurs d’au moins 100 travailleurs devraient communiquer régulièrement des données sur la rémunération en les publiant sur leur site internet ou en les incluant dans leur rapport de gestion (sans divulguer des informations sur un travailleur identifiable)[47]. Les Etats membres sont autorisés à augmenter la fréquence des rapports, rendre obligatoire la communication régulière de ces données et/ou abaisser le seuil des 100 travailleurs[48]. Les employeurs pourraient accompagner ces données de commentaires et explications.
- Les Etats membres pourraient également choisir de collecter et croiser les données nécessaires, déclarées par les employeurs auprès de l’administration, afin de calculer les écarts et dans ce cas les employeurs n’auraient plus besoin de communiquer les informations de leur côté[49].
- Faciliter l’accès à la justice afin de rendre effectif le droit à l’égalité des rémunérations [50].
- Limiter les frais de justice si le plaignant qui n’obtient pas gain de cause avait des motifs légitimes pour agir[51] (article 22 de la Directive).
- Faire en sorte que la charge de la preuve soit transférée au défendeur dès lors qu’il existe une apparence de discrimination[52].
- En cas de violation des droits prévus par la Directive, prévoir un délai de prescription d’au moins 3 ans pour l’introduction d’un recours[53].
- Bénéficier de la protection en cas de plainte envers l’employeur contre tout traitement qui ne respecterait pas le droit à l’égalité de rémunérations[54].
Mise en œuvre de la directive et suivi
Mise en œuvre
La Directive fixe des exigences minimales[55]. Si bien que les Etats membres peuvent être plus favorables aux travailleurs [56]. La directive ne remet pas en question le droit national qui serait au moins aussi favorable[57].
La mise en œuvre et le suivi du droit à l’égalité des rémunérations nécessitent que les Etats membres mettent en place ou désignent un organisme de suivi spécifique [58].
Les États membres peuvent confier la mise en œuvre de la directive aux partenaires sociaux, conformément au droit national et/ou aux pratiques nationales relatifs au rôle des partenaires sociaux, à condition de prendre toutes les mesures nécessaires pour que les résultats recherchés par la directive soient garantis à tout moment. Les tâches de mise en œuvre confiées aux partenaires sociaux peuvent comprendre[59] :
- La mise au point d’outils ou de méthodes analytiques[60] ;
- Des sanctions financières équivalant à des amendes, pour autant qu’elles soient effectives, proportionnées et dissuasives.
En matière de transposition[61] dans le droit national, les États membres mettent en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la directive du 10 mai 2023, au plus tard le 7 juin 2026. Ils en informeront immédiatement la Commission.
Suivi et sensibilisation[62]
Enfin, la directive impose aux États membres de mettre en place un suivi des mesures ainsi fixées et une sensibilisation au sujet de l’égalité.
Ainsi, les États membres devront veiller au suivi et au soutien cohérents et coordonnés de l'application du principe de l'égalité des rémunérations ainsi qu'à l'application de toutes les voies de recours disponibles.
Dans cet objectif, chaque État membre désignera un organisme de suivi qui :
- Sera chargé de suivre et de soutenir des mesures nationales mettant en œuvre la directive et prendre les dispositions nécessaires à son bon fonctionnement.
- Fera partie d'un organisme ou d'une structure existant au niveau national.
Muriel Besnard
Consultant Juridique
[1] Article 11
[2] Article 2 et article 3, paragraphe 3
[3] Articles 8, 10 et 157, paragraphe 1
[4] Article 21
[5] Directive 2006/54/CE du 5 juillet 2006 relative à la mise en œuvre du principe de l'égalité des chances et de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d'emploi et de travail (refonte)
[6] https://commission.europa.eu/document/download/1eed931e-eb8b-488c-baa0-924817af554b_en?filename=swd-2020-50_en.pdf
[7] Considérant 11 de la directive 2023/970 du 10 mai 2023
[8] Article L. 3221-2 du code du Travail
[9] Article 2 de la Directive
[10] Considérant 18 et article 2 de la Directive
[11] Considérant 19 et article 2 de la Directive
[12] Considérant 21 de la directive
[13] Article 3 et considérant 22 de la Directive
[14] Article L. 3221-3 du code du Travail
[15] Considérant 26 de la Directive
[16] Considérant 30 et article 4 de la Directive
[17] Article 5 de la Directive
[18] Article 6 de la Directive
[19] Article 7 de la Directive
[20] Article 7 de la Directive
[21] Article 7 de la Directive
[22] Article 7 de la Directive
[23] Article 7 de la directive
[24] Article 12 de la Directive
[25] Article 8 de la Directive
[26] Article 9 de la Directive
[27] Article 9 de la Directive
[28] Article 9 de la Directive
[29] Article 9 de la Directive
[30] Article 10 de la Directive
[31] Considérant 43 de la Directive
[32] Considérant 45 et article 13 de la Directive
[33] Considérant 31 de la Directive
[34] Considérant 51 de la Directive
[35] Considérant 51 de la Directive
[36] Considérant 42 de la Directive
[37] Article 11 de la Directive
[38] Considérant 55 et article 23 de la Directive
[39] Considérant 56 et article 23 de la Directive
[40] Considérant 57 et article 24 de la Directive
[41] Considérant 28 et article 19 de la Directive
[42] Considérant 28 et article 19 de la Directive
[43] Considérant 29 et article 19 de la Directive
[44] Considérant 35 de la Directive
[45] Considérant 36 de la Directive
[46] Considérant 37 de la Directive
[47] Considérant 44 de la Directive
[48] Considérant 38 de la Directive
[49] Considérants 40 et 41 de la Directive
[50] Considérants 46, 47, 48, 49, 50 et articles 14, 15, 16, 17 de la Directive
[51] Article 22 de la Directive
[52] Considérant 52 et articles 18 at 20 de la Directive
[53] Considérant 53 et article 21 de la Directive
[54] Considérant 58 et articles 25 et 27 de la Directive
[55] Considérant 60 de la Directive
[56] Considérant 60 de la Directive
[57] Considérant 60 de la Directive
[58] Considérant 61 et article 29 de la Directive
[59] Article 33 de la Directive
[60] Article 4 de la Directive
[61] Article 34 de la Directive
[62] Article 29 de la Directive