Ça y est ! C’est officiel. Désormais, c’est vous le manager !

C’est plutôt une bonne nouvelle, vous êtes content. D’ailleurs vous avez tout lieu de l’être puisqu’on vous confie la responsabilité d’une équipe. Cela signifie qu’on croit en vous, qu’on investit en vous et qu’on vous suppose à la hauteur de la tâche qui vous incombe !

Seulement voilà… Dans cette belle équipe, il y a des collaborateurs qui, il y a quelques jours encore, étaient vos collègues ! A priori, vous vous dites que tout va bien se passer. D’ailleurs, vous aviez plutôt de bonnes relations avec eux. Il n’y a pas de raison que ça change !

À voir…

Et si vous commenciez d’abord par vous poser les bonnes questions ?

Ces questions dépendent notamment de votre expérience en tant que manager. Car si vous n’avez jamais managé auparavant, il va peut-être falloir commencer par vous former ! Cela semble évident et pourtant aujourd’hui, en France, dans les entreprises, nombreux sont les managers qui n’ont jamais reçu la moindre formation en management. Je peux le vérifier chaque jour dans les formations que j’anime ou lors des séances de coaching individuelles. J’entends constamment des professionnels me dire qu’ils ont appris… sur le tas.

Ils n’en sont d’ailleurs pas responsables. Souvent, on les nomme manager parce qu’ils ont une expertise confirmée dans leur domaine. On les nomme manager parce qu’on estime que leur expérience et leurs compétences techniques serviront de sésame au royaume du leadership. Souvent, ils acceptent parce que cette évolution professionnelle est envisagée comme un tremplin et qu’ils auraient tort de se priver de cette promotion servie sur un plateau.

Et pourtant, une fois nommés, c’est sur le terrain que les ennuis commencent. Car manager est un métier à part entière même s’il peut se décliner dans différents secteurs d’activité et recouvrir des réalités variées. Certains, grâce à leur intuition, à un sens aigu de l’observation des managers qu’ils ont eus et à une personnalité particulièrement adaptée vont s’en sortir mieux que d’autres.

Manager, ça n’est pas si simple !

Mais un manager est un chef d’orchestre qui doit jongler avec des savoirs, des savoir-faire et des comportements adaptés.

La dimension relationnelle est essentielle dans la fonction. Il s’agit de savoir écouter, se faire écouter, animer, motiver, savoir jouer avec le collectif mais également l’individuel. Être manager c’est aussi donner du sens, faire partager la vision de l’entreprise, sa propre façon de la traduire au quotidien par des actions et des objectifs. Manager, enfin, toujours sur le plan relationnel, c’est savoir apporter son soutien à l’équipe, et à chacun des membres, savoir lire les indicateurs comportementaux, détecter les signaux faibles et encourager et rassurer quand la situation le requiert.

Et vous, vous voulez faire tout ça, sans formation ? Vous êtes sûr ?

Manager ses anciens collègues, c’est un peu tout ce qui vient d’être énoncé avec un quotient de difficulté multiplié par 4 !

Certes, le nouveau positionnement sera facilité si vous êtes dans l’entreprise depuis longtemps, ou encore si vous êtes le plus ancien dans le service, si vous faîtes figure de référence, si vous êtes celui (ou celle) à qui on va systématiquement demander quand on rencontre une difficulté en se disant (en parlant de vous) « je vais aller lui demander. Il (elle) doit savoir ! ».

Si vous êtes dans ce cas de figure, votre nomination pourrait apparaître au sein de l’équipe comme une bénédiction. Savoir que c’est vous qui allez manager pourrait même les rassurer.

Souvent, on apprécie d’avoir au-dessus de soi une véritable autorité de compétences, même si chacun sait qu’il n’est pas rare qu’un manager ne sache pas toujours faire tout ce que chacun des membres de son équipe sait faire !

Si vous n’êtes pas dans le cas précédent, il va falloir rapidement démontrer que, même si vous ne savez pas tout faire, vous savez au moins gérer la situation !

La première crainte de vos anciens collègues sera de ne plus trop savoir sur quel pied danser désormais avec vous. Ils pourraient appréhender des changements de comportements de votre part et se questionner. « Maintenant qu’il est le chef, est-ce qu’on va se dire les mêmes choses ? » « Est-ce qu’on va avoir la même liberté d’expression devant lui, avec lui ? » « Est-ce qu’il va nous considérer différemment ? », « Est-ce qu’il faut à présent qu’on se méfie de lui ? ». Et puis, avant votre nomination, il y avait ceux avec qui vous vous entendiez particulièrement bien. Les autres sont en droit de se demander « ne risque-t-il pas de favoriser ses anciens petits camarades ? » Et ces mêmes petits camarades ne risquent-ils pas, eux-mêmes de se demander « et s’il était plus sévère avec nous, de peur de passer pour un manager faisant du préférentisme ? ».

Vous l’aurez compris, il vous appartient pleinement d’identifier et de recenser l’ensemble des questions qui sont susceptibles de se poser.

A charge ensuite d’anticiper, en clarifiant dès le départ, votre positionnement. A vous de montrer que vous savez très bien ce qui se passe dans les esprits et que vous allez dès le début clarifier les choses. En d’autres termes, au lieu de laisser gonfler un éventuel abcès et d’attendre qu’il soit bien mûr pour le percer, faites en sorte qu’il n’y ait pas du tout d’abcès !

De façon collective (en réunion) et de façon individuelle (en entretien de face-à-face) n’hésitez pas à répéter les mêmes messages. N’oubliez pas que la pédagogie passe toujours par la répétition.

Vous n’êtes pas une autre personne

Ne changez pas vos habitudes du jour au lendemain. J’ai entendu des témoignages de collaborateurs reprochant à leur ancien collègue devenu leur manager de ne plus déjeuner avec eux. Rien n’empêche un manager de déjeuner avec qui il veut ! Vous n’avez pas de raison, tout à coup, de fuir les membres de votre équipe et de considérer qu’appartenant désormais à une caste d’un autre ordre vous ne pouvez plus partager l’huile et le vinaigre avec eux !

Vous n’êtes pas une autre personne. C’est seulement votre fonction qui a changé !

Et en même temps, il vous faudra assumer votre nouveau positionnement ! Plus qu’aucun autre manager vous devrez faire preuve d’une grande rigueur ! Vous n’êtes pas à l’abri de devoir recadrer un membre de votre équipe et l’on vous attendra peut-être au tournant lorsqu’il s’agira d’un collègue qui vous tapait dans le dos.

Il essayera peut-être de vous amadouer en jouant sur l’affect et sur les bases de cette relation antérieure qui vous relie « allez… on se connaît depuis longtemps, on va pas se la jouer… ». Ne cédez pas à la tentation d’entériner trop rapidement, cela risquerait de vous revenir comme un boomerang.

On apprécie avant tout d’un manager son sens de l’équité mais sa capacité à dire ce qu’il va faire et à faire ce qu’il a dit. Il vous faudra souvent reformuler les règles de fonctionnement et faire en sorte qu’elles soient respectées. Être manager de ses anciens collègues ne veut pas dire pour autant être psychorigide ! Comme tout manager qui se respecte, il vous faudra trouver l’art de l’équilibre entre droiture et souplesse.

Manager oui, schizophrène, non !

En essayant d’éviter de devenir schizophrène, il vous faudra assumer d’être simultanément l’ancien collègue et le nouveau manager, et que c’est avec cette dernière posture que vous fixez les objectifs, que vous motivez les troupes, que vous recadrez et que vous évaluez.

Mais n’oubliez pas qu’un manager peut aussi –et c’est même recommandé ! – mettre de la convivialité dans le quotidien, être le garant d’une bonne ambiance de travail si souvent convoitée par les collaborateurs, une tendance qui ne fait que s’amplifier avec les nouvelles générations.

Avec un peu de vigilance, de bon sens, de rigueur, de formation ou de coaching, vous devriez vous en sortir et pouvoir dire, avec un peu de recul : « Chouette, je manage mes anciens collègues ! ».

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