Selon les entreprises, les revues de personnel portent sur des enjeux différents. S’agit-il de revues de performance, de revues de salaires, de revues de carrière ou d’un assemblage ? Dans les deux premiers cas, l’objectif sera d’harmoniser et de mettre en cohérence les décisions des différents managers. Les revues de carrière viseront à renforcer la capacité d’anticipation et de préparation de l’entreprise.

Tous les choix quant aux enjeux à traiter se défendent, du moment que l’entreprise a clarifié en amont ses attendus et qu’elle ne cible pas de trop nombreux sujets. Nous nous centrerons ici sur les revues de carrière.

Permettre à l’entreprise de disposer demain du meilleur profil dans chaque fonction, contribuer à ce que chacun puisse exprimer tout son potentiel dans son parcours : la valeur ajoutée des revues de carrière n’est plus dans ce cas à démontrer. Sous réserve de respecter plusieurs conditions.

La structuration amont

Se projeter pour identifier ce que serait à terme la meilleure adéquation entre profils et postes nécessite de disposer d’éléments sur ce que sera l’organisation à cette échéance. Un travail de prospective organisationnelle doit avoir été mené. À défaut, l’entreprise pourrait affecter des ressources de qualité à des fonctions qui, le jour venu, auront disparu. C’est en ce sens que toute revue de carrière se doit d’être une revue du personnel et de l’organisation. La première partie de la réunion est alors dédiée à un échange sur l’organisation future telle que travaillée en amont. Cet exercice de projection de l’organisation peut avoir pris la forme d’une démarche de Strategic Workforce Planning.

Par ailleurs, la situation future de tous les collaborateurs et de tous les postes n’a pas à être couverte de façon uniforme lors de la revue de carrière. Pour permettre ce traitement différencié, l’entreprise doit avoir construit ses réponses à deux types de questions :

- Quelles sont les catégories de populations qui constituent pour elle des ressources stratégiques et dont il faut gérer les parcours avec une attention particulière (talents, potentiels, experts, etc.) ? Quels sont pour chacune de ces populations les critères et le processus de sélection ?

- Quels sont les postes clés sur lesquels l’entreprise doit affecter les profils les plus adaptés ?

Les échanges durant la revue de carrière

Abordons maintenant la qualité de la revue de carrière. Elle sera directement proportionnelle à celle des informations portant sur le collaborateur. Celles qui sont requises pour travailler sur son parcours futur (performance, potentiel, etc.) doivent être argumentées sur la base de faits. C’est la qualité de la pratique managériale qui est ici questionnée, et donc en arrière-plan l’enjeu de montée en compétences de ce manager via le travail des RH qui l’accompagnent.

La revue de carrière fait intervenir différents acteurs, et notamment d’autres managers que celui qui a la responsabilité du collaborateur. Ils ont un rôle à jouer dans la définition de ce que pourrait être le futur du collaborateur, ne serait-ce que parce qu’ils pourraient être directement concernés. Il est donc essentiel de poser une règle du jeu quant à ce que doivent être les échanges lors de la revue de carrière, avec un effort d’écoute, de compréhension, de prise en compte de la parole de l’autre.

Les RH auront également pour responsabilité de décrypter, puis d’intervenir sur les jeux d’acteurs de certains (volonté de garder ses meilleurs, manque de sincérité sur ses « bras cassés », etc.) pour garantir que les décisions adoptées sont les meilleures pour l’entreprise. Le rôle et la posture des RH sont donc essentiels à travailler pour permettre à la revue de carrière d’apporter toute sa valeur ajoutée.

La première clé de réussite d’une revue de carrière relève bien de cette question : aux différentes étapes, la fonction RH joue-t-elle pleinement son rôle d’accompagnement, de développement et de régulation ?

Les outputs de la revue de carrière

Qui assurera telle fonction ? Quelle fonction occupera telle personne ? Les plans de succession vont capturer les réponses qu’apporte l’entreprise en se projetant aux échéances qu’elle a choisies (dix-huit mois et quatre ans, par exemple).

Mais cette approche prévisionnelle est soumise à de multiples aléas. Un collaborateur envisagé à terme sur une fonction peut ne pas confirmer son potentiel, ou quitter l’entreprise, ou même se voir proposer une autre opportunité. Pour que l’exercice de la revue de carrière soit néanmoins utile, l’entreprise doit adopter une approche multi-scénarios :

- Pour chacun des collaborateurs dont le parcours est projeté, quelles sont les trois fonctions les plus pertinentes et comment hiérarchiser ces trois possibilités ?

- Pour chacun des postes clés, quels sont les trois collaborateurs qui ont le profil le plus adapté et comment hiérarchiser ces trois possibilités ?

Cette approche « fléchant » plusieurs scénarios permettra de maximiser l’utilité de la revue de carrière.

Celle-ci doit par ailleurs déboucher pour chaque profil étudié sur un plan d’action à mettre en œuvre d’ici la prochaine revue de carrière. Ces actions doivent dériver des scénarios à partir d’une question : que faut-il faire pour préparer la personne ? Certaines compétences doivent être développées, des périodes d’immersion peuvent être envisagées, des missions ponctuelles peuvent être confiées.

Dernier output, et non des moindres : la revue de carrière doit s’accompagner d’un engagement collectif des acteurs présents sur les décisions adoptées à l’issue des échanges. La caractéristique de cet exercice est bien d’avoir un caractère transversal, donc collectif. Sans cet engagement de tous, il n’aura été que de pure forme.

Illustrons notre propos d’un exemple. L’Office National des Forêts est un organisme en forte mutation, avec un enjeu commercial majeur et de multiples transformations de ses métiers. La revue de carrière a pour objectif de s’assurer que l’établissement dispose des ressources adéquates sur les fonctions de management et d’expertise. Il s’agit d’envisager de manière collective, anticipée et transparente les évolutions des collaborateurs concernés.

Centré sur ces deux populations clés de managers et d’experts, le dispositif a été construit avec une équipe-projet mixte RH-managers. Le référentiel de management de l’ONF a été repensé à cette occasion. Le dispositif a été conçu pour répondre aux enjeux opérationnels de l’Office : staffing, organigrammes de remplacement, identification des potentiels. Les RRH ont été développés sur les compétences requises par l’animation du processus.

Deux types de revues de carrière existent désormais au sein de l’Office, avec d’une part une logique « verticale » classique, permettant d’aborder chaque structure (DG, DT, DR, agence, etc.) successivement en s’achevant par une revue nationale, d’autre part une logique « horizontale » pour traiter les enjeux propres à certaines filières d’expertises. Un plan de développement individuel pour chaque collaborateur rassemble les actions en matière de parcours professionnel, de mobilité, de formation et développement.

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