Lorsqu'il existe un litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, la preuve revient aussi bien à l'employeur qu'au salarié. Les heures supplémentaires font l'objet de nombreux litiges entre employeur et salarié. Cependant, malgré les pouvoirs qu'il possède, l'employeur se doit de respecter un cadre légal relatif au travail dissimulé et aux limites du temps de travail lorsque le salarié doit réaliser des heures supplémentaires.

Consulter le premier article ICI : I) La preuve des heures supplémentaires

II) Pouvoirs, obligations et responsabilités de l'employeur

A) La preuve des heures supplémentaires et du travail commandé par l'employeur

Un salarié peut-il obtenir le paiement d'heures supplémentaires alors qu'il n'a pas suivi la procédure, dont l'autorisation préalable de l'employeur ? En principe, la décision de recourir aux heures supplémentaires est une prérogative de l'employeur. Il n'y a d'heures supplémentaires que s'il s'agit d'un travail commandé.

Ainsi, seules les heures supplémentaires accomplies à la demande de l'employeur ou avec son accord devraient pouvoir être rémunérées. La Cour de cassation l'a ainsi établi (Chambre sociale, 19 Avril 2000, n°98-41071).

Un salarié licencié saisit le conseil de prud'hommes d'une demande en paiement d'heures supplémentaires et est débouté par la Cour d'appel de Paris au motif qu'il n'a pas respecté la procédure prévue par l'employeur pour l'accomplissement de ces heures. Leur paiement est subordonné à l'accord préalable de l'employeur, donné après une demande d'exécution d'heures supplémentaires présentée par le responsable du service. Les juges d'appel considèrent que les fiches de pointage du salarié ne suffisent pas à établir qu'il avait cet accord.

Ainsi, seules les heures supplémentaires accomplies à la demande de l'employeur ou avec son accord devraient pouvoir être rémunérées.

B) Les heures supplémentaires et le respect des plafonds de durée du travail

Une série d’arrêts du 20 février 2013 (Chambre sociale, 20 Février 2013, n°11-28811) posent des garde-fous quand à l'utilisation des heures supplémentaires. L'employeur qui entend demander des heures supplémentaires à son salarié est tenu par :

  • Le respect des limites de 10 heures quotidiennes (article L.3121-34 du Code du travail) ;
  • Le respect des 48 heures hebdomadaires de travail (article L.3121-35 du Code du travail) ;
  • Le respect du temps de pause de 20 minutes applicable au travail quotidien d'au moins 6 heures (article L.3121-33 du Code du travail).

Parallèlement aux règles régissant les heures supplémentaires et les taux de majorations qui leur sont applicables, le Code du travail fixe un temps de pause minimum et plusieurs limites maximales de travail.

Il y'a donc des durées quotidiennes maximale et des limites hebdomadaires maximales qui ne peuvent pas être dépassées.

En matière de durée du travail, traditionnellement, la charge de la preuve est partagée entre l’employeur et le salarié. Les arrêts du 20 février 2013 marquent une cassure : elles font clairement peser sur l’employeur la preuve du respect des limites maximales de travail et du temps de pause.

En effet, la Cour de cassation met cela en avant via les arrêts du 20 Février 2013 : « les dispositions de l'article L 3171-4 du code du travail relatives à la répartition de la charge de la preuve des heures de travail effectuées entre l'employeur et le salarié ne sont applicables ni à la preuve du respect des seuils et plafonds prévus par le droit de l'Union européenne ni à la preuve de ceux prévus par les articles L 3121-34 et L 3121-35 du code du travail, qui incombe à l'employeur ».

En cas de litige sur le temps de pause ou les limites maximales de travail, l’employeur doit donc fournir au juge les éléments indiscutables permettant de s’assurer du respect de ces dispositions.

Clairement, la Cour de cassation invite les employeurs à formaliser par écrit le respect des temps de pause et des limites maximales de travail afin d'éviter divers soubresauts.

III) Le contrôle par l'employeur de la durée du travail

A) La protection des libertés individuelles

Il est clairement établi que la preuve des heures effectuées ne saurait pas plus être mise à la charge de l'employeur (Chambre sociale, 15 octobre 2002, n° 00-40.728). En effet,l'article L. 212-1-1 du Code du travail exclue la possibilité pour le salarié d'obtenir réparation de la perte d'une chance de prouver le nombre d'heures supplémentaires, en raison de la carence de l'employeur dans la fourniture des éléments de nature à justifier des horaires accomplis par le salarié.

La chambre sociale de la Cour de cassation a toujours souhaité protéger la liberté individuelle des citoyens salariés, au-delà des intérêts réels ou supposés de tiers et notamment de l'employeur.

En effet, les conditions dans lesquelles un employeur peut contrôler l'activité de ses salariés ont toujours été encadrées. L'exigence de loyauté absolue que doit montrer l'employeur dans ses relations de travail interdit notamment tout recours à des dispositifs clandestins de contrôle de l'activité des salariés, d'une manière générale.

Régulièrement, la chambre sociale de la Cour de cassation rappelle que si l'employeur peut contrôler et surveiller l'activité de ses salariés pendant le temps de travail, le recours a des dispositifs clandestins qui n'ont pas été portés à la connaissance du salarié est interdit et toute preuve recueillie au moyen d'un tel dispositif est irrecevable.

L’article L.1222-4 du Code du travail dispose clairement qu'aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n'a pas été porté préalablement à sa connaissance.

La question posée à la Cour de cassation dans l'arrêt du 10 janvier 2012 (n°10-23.482 ) était de savoir si ce principe devait s'appliquer lorsque le manquement du salarié à ses obligations contractuelles aurait pu être constaté par des caméras de vidéosurveillance installées chez un client de la société où les salariés intervenaient pour exécuter leur travail quotidien ?

La Cour de cassation confirme que l'employeur ne peut être autorisé à utiliser comme mode de preuve les enregistrements d'un système de vidéosurveillance installé sur le site d'un client permettant le contrôle de leur activité si les intéressés n'ont pas été préalablement informés non seulement de l'existence de ce dispositif de contrôle mais également du fait que ce dispositif pourrait être utilisé pour contrôler leur activité et leurs horaires de travail.

Dans un arrêt rendu quelques mois plus tôt (Chambre sociale, 3 novembre 2011, n° 10-18.036), la Cour de cassation a jugé que l'utilisation par l'entreprise d'un système de géolocalisation d'un véhicule, à d'autres fins que celles qui avaient été portées à la connaissance du salarié était illicite et constituait un manquement suffisamment grave justifiant pour le salarié la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur.

Au cas d'espèce, l'entreprise aurait du préciser par écrit au salarié que ce système, qui était destiné à optimiser les visites auprès de clients et à améliorer le processus de production, pouvait également servir à contrôler ses activités et son temps de travail.

Les employeurs sont donc soumis à une grande prudence : ils sont invités à vérifier à nouveau que les procédures de mise en place de tous les systèmes susceptibles de permettre un contrôle de l'activité des salariés ont bien été portés à la connaissance de chacun d'eux, de même que la finalité de ces dispositifs. A défaut, l'employeur s'expose à de sérieuses désillusions dans la mesure où la preuve d'un manquement, le cas échéant grave, tel qu'un vol par exemple, sera tout simplement irrecevable !

A titre d'exemple, les informations collectées par un système de traitement automatisé de données personnelles avant sa déclaration à la CNIL constitue un moyen de preuve illicite(Chambre sociale, 8 Octobre 2014, n° 13-14.991).

L’employeur ne peut donc utiliser un moyen de preuve illicite au soutien d’un licenciement : un système qui collecte des données personnelles nominatives est illicite tant qu’il n’a pas été déclaré à la CNIL. L’employeur ne pouvait donc reprocher à la salariée une utilisation abusive de la messagerie de l’entreprise à des fins personnelles en octobre et novembre 2009 (607 et 621 messages) dès lors que le procédé n’avait été déclaré à la Cnil que le 10 décembre 2009. La jurisprudence n’admet d’exception à la règle de la déclaration préalable que lorsque l’employeur est tenu de collecter des informations via un système de contrôle obligatoire, comme le chronotachygraphe.

B) La preuve des heures supplémentaires et le travail dissimulé

La dissimulation d’heures supplémentaires constitue du travail dissimulé (Chambre sociale, 24 Avril 2013,n°11-28961). Le fait de faire travailler sciemment un salarié au-delà de 35 heures, sans le rémunérer de l’intégralité de ses heures, constitue du travail dissimulé.

Le salarié peut obtenir à ce titre :

  • L’indemnité spécifique prévue par l’article L.8223-1 du Code du travail (6 mois de salaire en cas de rupture du contrat de travail) ;
  • Des rappels de salaires pour heures supplémentaires.

Il est rappelé que le travail dissimulé est un délit puni notamment de 3 ans d’emprisonnement et de 45.000 € d’amende (L.8224-1 à l.8224-3 du Code du travail).

La règle selon laquelle nul ne peut se forger de preuve à soi même ne s’applique pas pour étayer une demande en paiement d’heures supplémentaires (Chambre sociale, 18 septembre 2013, n° 12-10025).Une entreprise avait été condamnée à verser à l’un de ses salariés une somme au titre d’heures supplémentaires de travail. L’employeur estimait que nul ne pouvant se constituer de preuve à soi-même, le juge ne peut, pour décider qu’un salarié apporte des éléments de preuve suffisants pour étayer sa demande, se fonder sur des documents unilatéralement établis par celui-ci. La Cour de cassation rejette cette argumentation.

Conclusion

Les salariés d’un atelier, d’un service ou d’une équipe ne travaillent pas selon le même horaire collectif de travail affiché. L’employeur peut enregistrer quotidiennement les heures de début et de fin des périodes de travail, ainsi que la récapitulation du nombre d’heures effectuées par chaque salarié dans la semaine.

Il est aussi possible d'user d'un système de pointage : pointeuse mécaniqueou numérique, badgeuse, pointeuse mobileet pointeuse biométrique. La feuille de pointageconstitue l'enregistrement papier ou numérique des données.

Il faudra au préalable réaliser une déclaration auprès de la CNIL mais aussi consulter les instances représentatives du personnel. C'est ce qu'a rappelé la Cour de cassation dans un arrêt du 2 novembre 2016 (n° 15-20540). À défaut, le système est illicite et les informations qui en résultent ne peuvent pas être produites en justice (à l'appui d'un licenciement par exemple).

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