« Quoi de neuf ? Molière » . Sacha Guitry [1]

Monsieur Jourdain . Quoi ? Quand je dis : "Nicole, apportez-moi mes pantoufles, et me donnez mon bonnet de nuit", c'est de la prose ?

Le maître de philosophie . Oui, Monsieur.

Monsieur Jourdain . Par ma foi ! Il y a plus de quarante ans que je dis de la prose sans que je n’en susse rien et je vous suis le plus obligé du monde de m'avoir appris cela… [2]

Il en est de même de la Responsabilité Sociétale des Entreprises, que de la démarche de Molière ou l’art de décrire ce qui a toujours existé.

La RSE oui, mais quoi ?

« Ce qui bloque les systèmes est l’absence de normes » L’auteur

La similitude existe entre les définitions de la RSE et le sentiment de ceux qui sont convaincus d’avoir inventé l’eau tiède par un mélange savant d’eau chaude et d’eau froide, ce qui est réalisé avec constance et détermination depuis la maitrise du feu, soit depuis environ 450 000 ans.

Pour La RSE c’est la même chose, la norme ISO 26000 de 2010, lignes directrices relatives à la responsabilité sociétale définit la RSE par les paramètres suivants :

  1. La gouvernance de l’organisation
  2. Les droits de l’homme
  3. Les relations et conditions de travail
  4. L’environnement
  5. La loyauté des pratiques
  6. Les questions relatives aux consommateurs
  7. Les communautés et le développement local.

Mais pourrait-il en être autrement, peut-on imaginer une seule seconde, dans notre environnement socialisé, une entreprise qui :

  1. Ne maitriserait pas la gouvernance de son organisation
  2. Ne respecterait pas les droits de l’homme
  3. Ne gérerait pas les relations et conditions de travail
  4. Ne s’occuperait pas de l’environnement
  5. Ne serait pas loyale dans ses pratiques
  6. Ne tiendrait pas compte des questions relatives aux consommateurs
  7. Ne s’inscrirait pas dans les communautés et le développement local.

Les sociétés irresponsables existent, pourquoi doit-on les rappeler au sens commun, au bon sens et surtout pourquoi une norme sur le sujet ? Il est indispensable pour instrumentaliser la situation de rappeler ce qu’est une norme. Une norme définit la situation d’usage, par exemple :

  • Si les Britanniques roulent à gauche c’est l’habitude des cavaliers pour laisser leur bras droit libre de se battre.
  • Si les Français roulent à droite c’est l’habitude de l’esprit de contradiction de Napoléon.
  • Si les trains roulent à gauche c’est l’habitude des ingénieurs anglais appliquée à la construction des chemins de fer en France.
  • Si le métro roule à droite c’est l’habitude de contradiction de Fulgence Bienvenue [3] .
  • SI le RER roule à gauche c’est l’habitude d’utiliser les anciennes voies de chemin de fer.

Ces exemples permettent de comprendre que la normalisation est la sacralisation des habitudes. Si les habitudes sont identifiées, si les principes sont établis et si les résultats ne sont pas obtenus, il faut chercher ailleurs les raisons de l’immobilisme des entreprises face à leurs responsabilités sociétales. Une piste est possible par l’analyse du comportement des acteurs avec l’identification précise de leurs états d’esprit.

La RSE oui, mais comment ?

« Le client : Vous les consultants, vous prenez notre montre pour nous vendre l’heure.

Le consultant : C’est normal, car vous ne savez pas la lire. » L’auteur [4] .

Cet aphorisme illustre, démontre ce qui a été énoncé précédemment. Les entreprises ont utilisé, utilisent et utiliseront les paramètres de leurs responsabilités sociétales en phonétique à l’instar de Monsieur Jourdain et la prose. Elles sont dans l’absolu nécessité de rencontrer leur Maître de philosophie prompte à leur faire comprendre leur réalité devant laquelle elles perdent leur lucidité.

C’est ainsi que la littérature, les études, les publications, les définitions et les référentiels et les experts énonces les évidences quotidiennes de la vie des entreprises. Il reste à trouver les réponses aux difficultés de mise en œuvre de la RSE. Ces solutions sont évidentes, elles sont clairement énoncées dans la définition de la RSE qu’en donne l’Union Européenne depuis 2011.

« l’intégration volontaire des préoccupations sociales et écologiques des entreprises à leurs activités commerciales et leurs relations avec leurs parties prenantes ».

Et par la norme l’ISO 26000

« la responsabilité d’une organisation vis-à-vis des impacts de ses décisions et activités sur la société et sur l’environnement, se traduisant par un comportement éthique… ».

Cela veut dire en creux que la RSE se doit d’être mise en œuvre à partir du comportement des acteurs, de leurs compétences comportementales, de leurs soft skills.

Sachant que le répertoire des définitions du fonctionnement d’une entreprise existe déjà sous toutes les formes nécessaires, indispensables et suffisantes, le point de blocage existe ailleurs que dans les référentiels. Chacun sait choisir la vitesse de son automobile, mais alors pourquoi les limites sont-elles franchies ? La réponse à cette question se trouve dans l’état d’esprit de celui qui décide de la vitesse par le respect ou l’irrespect des valeurs. Max Weber [5] est une nouvelle fois disponible pour nous fournir les instruments d’analyse de la situation. Si on lui demande gentiment, il nous fait comprendre la différence entre les valeurs de convictions et les valeurs de responsabilités [6] . Il nous parle d’éthique [7] .

Conclusion

« La pensée complexe est issue de la prise en compte d’une situation holistique » d’après Edgard Morin [8] , Henri Laborit [9] et Jan Christian Smuts [10]

L’origine de la difficulté de traitement de la Responsabilité Sociétale des Entreprises vient du constat qu’il s’agit d’une situation holistique : « Doctrine ou point de vue qui consiste à considérer les phénomènes comme des totalités [11] ». Un apport de lucidité, de compétence et d’expertise externe est indispensable pour que la pensée complexe de traitement de la situation dans son ensemble soit en état de produire les effets attendus.

Les entreprises se concentrent sur le respect des procédures, l’application des référentiels, des normes. L’action des managers se concentre sur les objectifs matériels par le respect des définitions de fonctions. L’aspect technologie étant déjà traité par la compétence des individus aux exigences de leurs postes de travail, de leurs fonctions, il reste autre chose à faire pour obtenir le développement de la RSE.

La mise en œuvre dans une organisation de la Responsabilité Sociétale des Entreprises est avant tout une démarche qui dépend de la maitrise de la sociologie pour agir sur la mentalité des acteurs, en d’autres termes par la modification des comportements, des attitudes de l’état d’esprit. Un regard extérieur est souvent utile, indispensable pour permettre une observation neutre et une analyse permettant d’identifier la différence en la responsabilité et la conviction.

L’attention des responsables doit être portée sur le fait que 75% des collaborateurs d’entreprise ignorent [12] ce que sont les compétences comportementales. Le développement de la RSE doit être recentré sur la posture, le comportement, l’attitude issus des valeurs de responsabilités et pour se faire suivre la démarche :

  • Information pour mettre à disposition des référentiels comportementaux.
  • Formation pour faire acquérir les connaissances.
  • Education pour décupler les effets de la formation par les valeurs des responsabilités.
  • Stimulation pour permettre d’atteindre l’accomplissement de soi-même par la prise de conscience des résultats obtenus sans attendre la récompense décernée par les autres.

La responsabilité sociétale des entreprises est d’abord sa responsabilité sociétale en qualité d’acteur de l’entreprise.


[1] Alexandre Guitry, dit Sacha Guitry, 1885 – 1957 Auteur, acteur, réalisateur français.

[2] Le bourgeois gentilhomme comédie-ballet Molière 1671

[3] Fulgence Bienvenüe 1852-1936 Polytechnicien français, créateur et maitre d’œuvre du métropolitain de Paris surnommé « Père du métro ».

[4] Dialogue avec un client

[5] Max Weber 1864 – 1920 sociologue et économiste allemand

[6] Le Savant et le Politique 10/18 2002

[8] Edgar Nahoum, dit Edgar Morin, 1921 sociologue et philosophe français, Science avec conscience , seuil 1990

[9] Henri Laborit 1914 – 1995 neurobiologiste français, spécialiste du comportement

[10] Jan Christian Smuts 1870-1950 Homme politique Sud-Africain

[12] Focus sur les soft skills Résultats d’enquête. Réalisée en janvier 2020 / Centre Inffo / Orientation pour tous / harris interactive / Epoka

 

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