« La performance est un art que l’on n’atteint que par l’exercice constant. Nous sommes ce que nous faisons de manière répétée. La performance n’est donc pas une action, mais une habitude ». D’après Aristote[1].

La définition de la performance[2] empruntée, par l'intermédiaire de l'anglais performance, « résultat d'un cheval de course », de l'ancien français performance, « accomplissement, exécution », lui-même dérivé du latin performare, « former entièrement ». Appliqué à la démarche qualité, cela conduit à considérer que la performance commerciale par la qualité est la conjonction d’une double compétence comportementale est administrative pour être « former entièrement ».

Commerciale se définit comme un rapport au commerce, dont il est indispensable d’en rappeler la signification : « Commerce, on entend par ce mot, le sens général, une communication réciproque. Il s’applique plus particulièrement à la communication que les hommes se font entre eux des productions de leurs terres & de leur industrie ».[3] Cette définition historique se résume par : « faire du commerce, faire des affaires » et « être de bon commerce, de commerce agréable ».

La performance commerciale, la qualité oui, mais quoi ?

« On appelle défauts ce qui, chez les gens, nous déplaît, et qualités ce qui nous flatte ».Pierre Reverdy[4]

Les facteurs de la performance par la qualité, par le comportement relèvent de connaissances et de l’état d’esprit. Les connaissances comprennent les définitions, l’histoire et les processus.

Définition du mot qualité. « Donnons aux choses le sens qu’elles méritent » Dupont-Moretti[5]. L’usage du mot qualité appelle une précision fondamentale pour lever toute ambiguïté, tout risque de confusion, toutes possibilités d’incompréhension. Le mot qualité, d’origine latine « qualitas » signifie manière d’être. L’usage oriente cette lecture du mot dans deux directions différentes :

  • Qualité : manière d’être orienté pour évaluer une chose, une personne, une situation… selon des valeurs personnelles, valeurs de conviction non comparables entre elles. Dans ce cas il est utilisé des valeurs absolues exprimées par les mots : bien, mal, bon, mauvais, beau, laid…
  • Qualité : manière d’être orienté pour évaluer une chose, une personne, une situation… selon des valeurs établies, valeurs de responsabilités pour comparer à une référence. Dans ce cas il est utilisé des valeurs relatives exprimées par les mots : conforme, écart, différence, anomalie…

Dans le cadre de la qualité utilisée dans les organisations, seule la seconde définition est applicable à l’exclusion de la première qui ne permet pas de créer un système de référence univoque entre les acteurs.

La qualité en entreprise est une discipline régie par une grammaire et des règles simples que certains experts, tels les médecins de Molière, ont tendance à compliquer pour donner l’illusion de leur expertise. La qualité se présente alors simplement comme la démarche destinée à supprimer l’écart entre l’attendu et le vécu pour provoquer un sentiment de satisfaction.

Historique de la qualité. « Ho, tu sais, quand les types de 130 kilos disent certaines choses, ceux de 60 kilos les écoutent » Michel Audiard[6]. Dans le cadre de la qualité, les clients sont « les types de 130 kilos » et l’entreprise « ceux de 60 kilos », dont Audiard parle dans le film 100 000 $ au soleil. La difficulté rencontrée par les types de 130 kilos en question réside dans le fait qu’ils sont maintenant éloignés physiquement de leurs interlocuteurs de 60 kilos. Ils ne se font plus entendre comme par le passé. Cette situation est à l’origine de la démarche qualité de l’ère moderne.

La qualité est une activité aussi ancestrale que permanente. La première référence est sans doute le livre de la Genèse, premier document biblique qui décrit : « Dieu nomma la lumière jour et l'obscurité nuit. Le soir vint, puis le matin ; ce fut la première journée ». C'est peut-être le premier contrôle qualité : « Dieu constata que la lumière était une bonne chose ». Il s’agit de la responsabilisation des acteurs par l'autocontrôle.

Plus concrètement l’organisation de Arsenal Nuovo de Venise entre 1450 et 1530 permettait la production d’une galère de 100 rameurs par jour, notamment par l’utilisation des pratiques héritées des ancêtres, les retraités devaient donner des cours aux jeunes, loi de 1402.

Descartes[7] apporta sa contribution à la démarche qualité par les préceptes de la règle de la méthode[8] d’approche systémique d'une situation en 4 points :

  • Le premier était de ne recevoir jamais aucune chose pour vrai...
  • Le second, de diviser chacune des difficultés que j'examinerais…
  • Le troisième, de conduire par ordre de mes pensées…
  • Et le dernier, de faire partout des dénombrements si entiers.

Au XVIIe siècle, Colbert[9] présenta un rapport à Louis XIV, mentionnant que « Si nos fabriques imposent, à force de soin, la qualité supérieure de nos produits, les étrangers trouveront avantage à se fournir en France et leur argent affluera dans les caisses du Royaume ».

Le 12 Messidor an II (30 juin 1794) le Comité de salut public créa l'atelier national de précision des jauges, mesures et matériel d'inspection pour définir les mesures de fabrication du matériel de guerre par l’utilisation du système métrique décimal appliqué à partir du 01 01 1840 sous l’autorité de Claude-Antoine Prieur Duvernois[10].

Les grands principes sont en place : l’autocontrôle, la transmission, la stratégie systémique et les unités de mesure univoque. Il reste à établir le phénomène de l’éloignement du client du fournisseur. *

L’origine du modèle actuel de la qualité tient à deux points complémentaires : 1er la visite aux abattoirs de Chicago dans les années 1880 de Winslow Taylor[11]. Cela lui a permis de découvrir le travail à la chaine. Chaque boucher enlevait la même pièce de viande de la carcasse qui défilait devant lui. Il proposa à Henri Ford[12] de faire le contraire pour la fabrication des automobiles. Chaque ouvrier ajoute une pièce sur la voiture qui défile devant lui. Cette conception de la fabrication a eu pour effet direct d’éloigner le client de l’opérateur. Depuis la nuit des temps le client était aux côtés de l’opérateur, tels le commanditaire religieux et le tailleur de pierre lors de la construction de la cathédrale. 2e le contrôle de la qualité par l’échantillon : le prélèvement d’une poignée de haricots blancs et noirs dans un sac est-il de la même proportion que celle du sac ? La réponse est la création de la mesure de comparaison par prélèvement. Les industriels ont développé cette pratique pour éviter de contrôler l’ensemble de la production.

La maitrise de la connaissance de l’histoire de la qualité influence favorablement les compétences comportementales des acteurs de la qualité aussi bien chez le client que chez le fournisseur. La posture produit un comportement directement conduit par l’état d’esprit qui accepte les exigences de la démarche qualité.

La performance commerciale, la qualité oui, mais comment ?

« La maîtrise de la qualité commence par la formation ». Ishikawa[13].

La formation à la qualité se présente comme une démarche dont les étapes sont aussi nécessaires qu’indispensables.

Etape 01 : Comprendre et accepter l’origine : Le remplacement du client auprès du fournisseur en général et de l’opérateur en particulier ; le contrôle par prélèvement.

Etape 02 : Utiliser le vocabulaire conforme : Différencier les deux définitions de la qualité : la qualité valeur absolue, la qualité valeur relative. Les habitudes du langage populaire génèrent une source d’incompréhension, par exemple de dire : « faire de la qualité » laisse entendre la quête de l’absolu telle la ligne d’horizon qui s’éloigne au fur et à mesure que l’on s’en approche. Les collaborateurs ont le sentiment de devoir en faire plus alors qu’ils pensent être à leur maximum. Il suffit de faire à la place, de faire autrement.

Etape 03 : Conformer le triptyque organisation, produit et individu : La démarche qualité s’applique pour les organisations, les produits et les individus. Dans les organisations, la démarche qualité signifie le respect de la demande du client, la conformité, sans manques non-qualité par défauts, sans superflus non-qualité par excès Elle s’applique indifféremment dans le cadre de la relation client fournisseur à l’interne comme à l’externe.

Etape 04 : Certifier la démarche : La certification exonère le client de valider la conformité de la prestation du fournisseur. Les avantages sont aussi nombreux pour le client que pour le fournisseur, établissement de la confiance, simplification des relations techniques et commerciales, ajustement de la production de la prestation au cahier des charges. Il existe 3 niveaux :

  • Certification de première partie, dite par ‘’auto proclamation’’, elle se présente comme une référence si la réputation est établie ou comme de la prétention dans le cas contraire.
  • Certification de seconde partie, dite ‘’par mandat’’, le client donne mandat à son fournisseur. Cela fonctionne très bien pour le sceau : « By Appointment to Her Majesty the Queen » pour la marmelade d’orange.
  • Certification de tierce partie, dite ‘‘tiers de confiance’’, réalisée par un organisme étranger au client et au fournisseur. La certification est garantie si l’organisme est accrédité par le COFRAC, Comité français d’accréditation, destiné à évaluer « la compétence et l’impartialité des organismes de certification pour vous donner confiance dans leurs prestations ».

Etape 05 : Utiliser les 4 étapes Il existe une forte congruence entre la démarche qualité et la stratégie marketing. La coïncidence est frappante, les deux paradigmes parlent de la même chose en termes différents, les deux ont le même objectif, ils travaillent dans le même but, satisfaire le client interne et/ou externe à l’organisation. Leurs actions communes produisent les effets attendus « supprimer l’écart entre l’attendu et le vécu et produire un sentiment de satisfaction ».

Etape 06 : Epilogue Il existe une démarche managériale pour placer le client à la tête de l’entreprise, car c’est lui qui embauche ou qui débauche le personnel par son achat ou son absence d’achat. Cette approche managériale a été notamment pratiquée par Carlzon[14], le président de la compagnie aérienne SAS, au début des années 1980 et a prouvé son efficacité opérationnelle. La pyramide inversée de Carlzon est plus que jamais d’actualité. Les entreprises se doivent de transformer les besoins du marché en marge nette, pour y parvenir la mobilisation des compétences comportementales, par l’entremise de la démarche qualité s’impose.

Conclusion

« Vous améliorez rarement la qualité en réduisant les coûts, mais vous pouvez souvent réduire les coûts en améliorant la qualité ». Karl Albrecht[15]

L’expérience accumulée durant mes années de travail dans l’univers de la qualité[16] auprès de l’Afnor, par la création d’un organisme certificateur et avec mes travaux de recherche m’a appris que la démarche qualité est souvent inconnue et/ou interprétée. D’abord avec une farouche conviction de remplacer les carences managériales sur le thème ce n’est pas moi qui vous le demande c’est la qualité. Ensuite, pire encore d’être une procédure administrative aussi rétrograde que tatillonne, à laquelle il suffit de satisfaire en plaçant les bonnes lettres, les bons mots et les bons chiffres dans les bonnes cases pour obtenir le tampon magique qui fera des miracles.

Il n’est rien de cela, la démarche qualité est la lecture de conformité de la prestation du fournisseur au regard de la demande du client, rien d’autre.

Les acteurs de la qualité depuis l’ISO, l’Afnor, les organismes certificateurs, les consultants jusqu’aux auditeurs ont pour vocation d’éduquer le marché, les fournisseurs, les organisations officielles à la démarche qualité par le respect des territoires concernés, par l’application des valeurs de responsabilité et non celles de conviction. Cette démarche conduit à un état d’esprit qui permet d’afficher les compétences comportementales attendues aussi bien pour les relations clients externes qu’internes.

La démarche qualité fournit aux acteurs la réponse à la conclusion de la thèse de doctorat de l’auteur[17] sur les facteurs de la performance commerciale et leur taux d’influence :

La thèse propose 2 facteurs de succès : la démonstration de l'expertise (87%) et le développement du climat de confiance (90%), portée par 4 principaux paramètres :

  1. La compréhension du problème du client (95%)
  2. L'implication (91%)
  3. La réalisation d'actions similaires (86%)
  4. La démonstration des méthodes utilisées (77%).

Cela se résume par les 4 phrases : J’ai compris / J’ai très envie de le faire / J’ai déjà réalisé des actions similaires / Je possède les bonnes pratiques sur le sujet.

Ainsi la certification qu’elle soit sur l’organisation, les prestations ou les personnes démontre, prouve l’expertise et développe la confiance. Elle dispense, par nature, les acteurs d’énoncer et d’entendre des discours fondés sur l’autosatisfaction de leurs auteurs. La communication commerciale se trouve simplifiée par une rhétorique en 4 phrases, ce qui répond à la demande des acteurs du marché : la performance commerciale et la qualité par les soft skills. Ainsi, il est démontré sans autre forme de procès que le prestataire est enclin à satisfaire la demande dans les meilleures conditions possibles.

« La qualité signifie faire conformément les choses » Henri Ford[18].

Envoi[19] aux acteurs de la qualité

Je laisse aux propos de Julia de Funès[20] « Travailler pour travailler, courir pour courir, manager pour manager… on est dans l’absurde, on fait d’un moyen une fin... » le soin de présenter cet envoi « Faire de la qualité une procédure pour une procédure… est dans l’absurde, ce n’est que le moyen ! ». Le sens de la qualité n’est pas traité, la performance commerciale. L’article déjà paru sur ce thème Le DRH, le sens, le moyen et les soft skills ! (adp.com) détaille le principe de cette confusion usuelle, pour ne pas dire permanente entre le sens et le moyen. Le moyen de la qualité est sa procédure administrative. Le sens profond de qualité est sa performance commerciale.

PS : L’Afnor créé en 1926, reconnue d’utilité publique en 1943 se définit par « …au service de l’intérêt général et du développement économique… »
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[1] Aristote 384 – 322 av. J.-C. philosophe grec

[2] D’après CNRTL Centre National de Ressources Textuels et Lexicales. 

[3] Encyclopédie ou dictionnaire raisonné des sciences des arts et des métiers, Diderot, d’Alembert et Jaucourt 1751 1772 http://enccre.academie-sciences.fr/encyclopedie/.

[4] Pierre Reverdy 1889-1960 poète français

[5] Eric Dupont-Moretti 1961 Garde des sceaux, ministre de la justice, français

[6] Michel Audiard 1920-1985, homme de lettres français

[7] René Descartes 1596 – 1650 philosophe et homme de sciences français

[8] Discours de la méthode, Pour bien conduire sa raison, & chercher la vérité dans les sciences. Edité à 1637 Leyde Ian Maire publication non signé par Descartes.

[9] Jean-Baptiste Colbert, 1619-1683, ministre de Louis XIV.

[10] Claude-Antoine Prieur-Duvernois dit Prieur de la Côte d'O, 1763-1832, homme politique français, cofondateurs l’école Polytechnique.

[11] Frederick Winslow Taylor, 1856-1915, ingénieur américain,

[12] Henry Ford, 1863-1947, industriel américain

[13] Kaoru Ishikawa 1915 – 1989, théoricien de la démarche qualité, japonais

[14] Jan Gösta Carlzon n é Karlsson 1941, homme d’affaires suédois, président de SAS Group. 1981-1994, auteur de Riv pyramiderna ! 1985 Bonnier Sweden, Tear Down the Pyramids Harper Perennial 1987. Renversons la pyramide 1999 Interedition.

[15] Karl Albrecht, 1920-2014, homme d’affaires allemand, cofondateur des super marché Aldi

[16] Président de la Commission Générale AFNOR Formation Professionnelle 1994-2004 ; Fondateur de l'Institut de Certification des Professionnels de la Formation (I.C.P.F.) 1996. Président de la Commission de Normalisation AFNOR : NF X50-769, septembre 2012, Formation professionnelle - Processus de réalisation d'une action de formation

[17] Thèse soutenue le 27 juin 2016 au Cnam. https://machuret.fr/wp-content/uploads/2016/11/Machuret-th%C3%A8se-doctorat-int%C3%A9grale-V-16-10-27.pdf

[18] Henri Ford 1863-1947 industriel américain

[19] Envoi, formule littéraire, sorte de dédicace

[20] Julia de Funès, 1979, docteur en philosophie française, https://www.cadremploi.fr/editorial/actualites/cadremploi-tv/julia-de-funes-le-but-de-la-vie-c-est-la-vie-et-plus-du-tout-le-travail.

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