Une reprise de burn-out
NDLR : ce texte est extrait, avec l’aimable autorisation des Editions EMS, des pages 61 à 64 du livre de François Chauvin, paru en 2025 : Faire avec la fragilité. Plaidoyer pour un management conscient. C’est le troisième d’une série de 9 épisodes sur RH info.
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Le burn-out n’est pas en soi une fragilité existentielle, mais j’ai observé que le passage par un burn-out remet en cause de nombreux éléments par rapport à la définition de son engagement professionnel. Que dire à un manager qui aurait à accompagner une personne en reprise de travail après un burn-out ?
Peggy a fait un burn-out il y a 4 ans. Maintenant coach, elle se consacre en partie à l’accompagnement de personnes ayant fait un burn-out.
Parole d’experte, Peggy Coute
Le burn-out est un phénomène relativement complexe, ce qui rend sa gestion encore plus difficile pour la personne qui le vit. Décrit de la manière la plus simple possible, il s’agit d’un effondrement qui fait suite à une phase d’effort prolongé. Pendant cette phase d’effort, la personne se fragilise et à la suite d’un événement soudain, elle s’effondre.
Il y a plusieurs éléments de complexité :
C’est une rencontre entre une situation professionnelle pathologique, dans laquelle plusieurs facteurs de risques psychosociaux sont à l’œuvre (charge de travail dépassant les capacités, harcèlement moral) et un terrain personnel qui rend la personne plus sensible à cette situation professionnelle. C’est systémique, il n’y a pas de causalité univoque, ce qui rend l’analyse et l’interprétation difficile aussi bien pour la personne que pour son environnement.
Il y a des formes très distinctes d’épuisement professionnel. Il y a environ 170 symptômes, certains relevant du mental d’autres du corps. Ainsi, un effondrement avec pour conséquence une crise cardiaque ou un AVC ne sera pas qualifié de burn-out alors qu’il en est bien la cause.
La reconnaissance du burn-out en tant que pathologie reste complexe à appréhender. Par un arrêt du Conseil d’État de 2022, un médecin peut prescrire un arrêt pour cause de burn-out, mais cela ne met pas en cause a priori la responsabilité de l’employeur. Cette jurisprudence est très récente et mal connue.
Un burn-out n’est pas considéré comme un accident du travail en soi, mais peut être reconnu comme une maladie professionnelle sous réserve d’une incapacité permanente d’au moins 25 % et d’un lien de causalité entre le travail et le burn-out.
Enfin, le burn-out est un terme qui peut être galvaudé. Peggy perçoit des personnes douées, talentueuses et engagées, comme particulièrement sujettes au burn-out. À noter que ce terme est aussi la porte d’entrée, dans une société qui se judiciarise pour résoudre des contextes conflictuels.
Toute cette complexité dans les représentations du burn-out, pour la personne et pour son entourage rend encore plus difficile la reconstruction après un burn-out.
Existe-t-il un terrain particulier pour un burn-out ?
De ce qu’observe Peggy, il concerne très certainement les femmes, sans distinction d’âge, pour qui la nécessité d’être forte ou d’être parfaite est importante dans le cadre du travail. Dans sa vision, ce sont plutôt des personnes engagées, investies et talentueuses. Cela rend pour elles la période qui précède un burn-out très difficile à détecter ou à admettre. Un autre élément important est la sensibilité au regard des autres qui donne plus de prise à des relations professionnelles de type harcèlement ou violence psychologique. Du côté de l’entreprise, les injonctions contradictoires et le déséquilibre entre la charge de travail et les ressources de la personne sont en général présentes.
Que peut faire un manager s’il détecte des signes avant-coureurs d’épuisement professionnel chez un salarié ?
Il peut se mettre en relation avec la médecine du travail ou avec les services ressources humaines. Il est malheureusement rare que les signaux d’alarme provenant du milieu professionnel ou personnel soient pris en compte. La personne a le plus souvent un besoin d’arrêt complet de son activité professionnelle, ce qui est inconcevable pour elle. Les alertes données sont certainement utiles a posteriori dans le cadre d’une reconstruction.
Qu’est-ce qu’il est possible de faire pour accueillir une personne après un burn-out ?
Dans une première phase dont la durée est réellement incertaine, pouvant aller jusqu’à plusieurs mois, il est impossible d’envisager un accompagnement professionnel. L’enjeu est pour la personne de pouvoir récupérer ses capacités de base.
Dans une deuxième phase, l’idéal serait de pouvoir alterner entre des phases d’accompagnement individuel et collectif à l’extérieur de l’entreprise et une mise à disposition de ressources qui permettraient à la personne de se reconstruire à son propre rythme.
La troisième phase correspond de manière plus précise à la reprise du travail et c’est là où l’employeur et le manager peuvent intervenir. Une personne après un burn-out est fragile et court un véritable risque de rechute. Lorsque c’est le même employeur, la première responsabilité de l’entreprise est de prendre en compte les causes relationnelles et organisationnelles du premier burn-out. Souvent, le burn-out est l’occasion de changements professionnels parfois profonds, puisqu’il peut amener à sortir du salariat.
Est-ce qu’il peut y avoir des besoins spécifiques pour accompagner la personne après un burn-out ?
La reprise après un burn-out passe en général par un travail important sur soi, sur le sens au travail, sur la découverte de sa sensibilité, sur un besoin d’authenticité par rapport à son engagement professionnel et dans ses relations avec son entreprise. La personne après un burn-out peut être amenée à faire des demandes précises par rapport à ces différents domaines. Par ailleurs, la récupération des facultés cognitives de la mémorisation de la capacité à absorber une charge de travail peut être progressive et pas forcément linéaire, ce qui demande de faire des points fréquents avec la personne.
