analyse

Loi de transposition des 3 ANI : l'entretien de parcours professionnel

Renforcé par la loi[1] du 5 mars 2014 et dont le système de sanction a été modifié[2] en 2019, l’entretien professionnel devient l’entretien de parcours professionnel depuis l’entrée en vigueur de la loi du 24 octobre 2025[3], portant transposition des accords nationaux interprofessionnels en faveur de l’emploi des salariés expérimentés et relatif à l’évolution du dialogue social. Derrière cette nouvelle dénomination, quelques réaménagements méritent l’attention des employeurs.

Trois accords nationaux interprofessionnels (ANI) alimentent la loi du 24 octobre 2025 : l'ANI du 14 novembre 2024 relatif à l’évolution du dialogue social, l'ANI du 14 novembre 2024 en faveur de l’emploi des salariés expérimentés et l'ANI du 25 juin 2025 en faveur des transitions et reconversions professionnelles. Ces deux derniers accords révisent les règles relatives à l'entretien professionnel qui devient l'entretien de parcours professionnel dans la loi du 24 octobre 2025. Depuis 2014, l'entretien professionnel[4] a pour objectif de permettre au salarié « d’être acteur de son évolution professionnelle ». A compter du 26 octobre 2025, l'entretien de parcours professionnel a pour ambition d'être aussi un outil de gestion des carrières.

Une nouvelle périodicité…

A l’embauche dès la première année

Jusqu’alors, le salarié était informé, à l'occasion de son embauche, qu'il bénéficiait tous les deux ans d'un entretien professionnel avec son employeur consacré à ses perspectives d'évolution professionnelle, notamment en termes de qualifications et d'emploi. 

La loi du 24 octobre 2025 prévoit qu’à l’occasion de son embauche, le salarié est informé qu’il bénéficie d’un entretien de parcours professionnel avec son employeur au cours de la première année suivant son embauche.

Tous les 4 ans

Une fois passée cette première année suivant l’embauche, la périodicité sera de 4 ans. Ainsi, tout salarié restant employé dans la même entreprise bénéficie d’un entretien de parcours professionnel tous les 4 ans et non plus tous les deux ans.

… à défaut d’accords collectifs

L’article L. 6315-1 du Code du travail prévoit déjà qu’un accord collectif d'entreprise ou, à défaut, de branche peut prévoir une périodicité des entretiens professionnels différente.

Pour rappel, l’accord collectif d’entreprise ou, à défaut, de branche peut aussi définir un cadre, des objectifs et des critères collectifs d'abondement par l'employeur du compte personnel de formation des salariés. Il peut également prévoir d'autres modalités d'appréciation du parcours professionnel du salarié.

La loi du 24 octobre 2025 conserve ces possibilités de déroger par accord mais avec une limite en matière de périodicité : un accord collectif d'entreprise ou, à défaut, de branche peut prévoir une périodicité des entretiensde parcours professionnels différente des 4 ans, sans que celle‑ci excède 4 ans. En somme, au maximum, la périodicité doit être de 4 années.

Par ailleurs, il est prévu que les entreprises ou, à défaut, les branches ayant conclu un accord en application de la version antérieure de l’article L. 6315-1 du Code du travail, engagent une négociation en vue de réviser ces accords pour les rendre conformes à la nouvelle rédaction de l’article L. 6315-1.

La loi du 24 octobre 2025 laisse un délai pour engager cette négociation si bien que l’article L. 6315‑1 du code du travail, dans sa nouvelle version s’appliquera à compter du 1er octobre 2026 aux accords collectifs d’entreprise ou de branche en cours de validité à cette date portant sur la périodicité des entretiens professionnels.

Entretien de retour de longue absence sous condition

De même il est toujours prévu d’organiser un entretien à l’issue de certaines absences, en revanche cet entretien de parcours professionnel ne sera proposé systématiquement que si le salarié n’a bénéficié d’aucun entretien de parcours professionnel au cours des douze mois précédant sa reprise d’activité. Cette mesure permet une certaine souplesse en termes d’organisation.

Ainsi, si le salarié n’a bénéficié d’aucun entretien de parcours professionnel au cours des douze mois précédant sa reprise d’activité, cet entretien est proposé systématiquement au salarié qui reprend son activité à l'issue :

  • D’un congé de maternité[5],
  • D’un congé parental d'éducation[6],
  • D’un congé d'adoption[7],
  • D'un congé sabbatique[8],
  • D’une période de mobilité volontaire sécurisée[9],
  • D’une période d'activité à temps partiel dans le cadre du congé parental d’éducation[10],
  • D’un arrêt longue maladie[11]
  • Ou à l'issue d'un mandat syndical[12].

Cet entretien est proposé systématiquement, avant et après un départ en congé de proche aidant, sous réserve que le salarié n’ait bénéficié d’aucun entretien de parcours professionnel au cours de douze mois précédant sa reprise d’activité[13].

A noter que l’article L. 3142-11 du Code du travail prévoit également que cet entretien est proposé systématiquement avant et après un congé de solidarité familiale. Il semble que la même réserve devrait s’apliquer.

Sans changement, cet entretien peut avoir lieu, à l'initiative du salarié, à une date antérieure à la reprise de poste.

Le contenu de l’entretien

La loi du 24 octobre 2025 prévoit donc que tout salarié restant employé dans la même entreprise bénéficie d’un entretien de parcours professionnel tous les 4 ans.

Celui-ci est consacré :

  • Aux compétences du salarié et aux qualifications mobilisées dans son emploi actuel ainsi qu’à leur évolution possible au regard des transformations de l’entreprise ;
  • A sa situation et à son parcours professionnel, au regard des évolution des métiers et des perspectives d’emploi dans l’entreprise ;
  • A ses besoins de formation qu’ils soient liés à son activité professionnelle actuelle, à l’évolution de son emploi au regard des transformations de l’entreprise ou à un projet personnel ;
  • A ses souhaits d’évolution professionnelle. L’entretien peut ouvrir la voie à une reconversion interne ou externe, à un projet de transition professionnelle, à un bilan de compétences ou à une validation des acquis de l’expérience ;
  • A l’activation par le salarié de son compte personnel de formation, aux abondements de ce compte que l’employeur est susceptible de financer et au conseil en évolution professionnelle.

Sans changement, l’entretien parcours professionnel ne porte pas sur l’évaluation du travail du salarié.

Il est organisé par l’employeur et réalisé par un supérieur hiérarchiqueou un représentant de la direction de l’entreprise.

L’entretien de parcours professionnel se déroule pendant le temps de travail et donne lieu à la rédaction d'un document dont une copie est remise au salarié.

Les mesures d’accompagnement

La loi du 24 octobre 2025 ajoute des mesures d’accompagnement.

Dans les entreprises de moins de 300 salariés, le salarié peut, pour la préparation de cet entretien, bénéficier d’un conseil en évolution professionnelle.

L’employeur, pour la préparation de ce même entretien, peut bénéficier d’un conseil de proximité assuré par l’opérateur de compétences dont il relève. L’employeur peut également être accompagné par un organisme externe lorsqu’un accord de branche ou d’entreprise le prévoit.

Etat des lieux récapitulatifs

Tous les 8 ans (et non plus tous les 6 ans), l'entretien de parcours professionnel fait un état des lieux récapitulatif du parcours professionnel du salarié.

Lorsqu’il s’agit du premier état des lieux après l’embauche, il peut être réalisé 7 ans après l’entretien de parcours professionnel réalisé au cours de la première année suivant l’embauche.

Cette durée s'apprécie par référence à l'ancienneté du salarié dans l'entreprise (sans changement).

Ce bilan, qui donne également lieu à la rédaction d'un document dont une copie est remise au salarié, permet de vérifier que le salarié a bénéficié au cours des 8 dernières années des entretiens de parcours professionnels et d'apprécier s'il a :

  • 1° Suivi au moins une action de formation ;
  • 2° Acquis des éléments de certification par la formation ou par une validation des acquis de son expérience ;
  • 3° Bénéficié d'une progression salariale ou professionnelle.

L’état des lieux récapitulatifs n’est donc pas modifié dans son contenu, seule la périodicité est augmentée.

Sanction : sans changement

Comme c’était déjà le cas, seules les entreprises d’au moins 50 salariés sont susceptibles d’être sanctionnées.

Ainsi, dans les entreprises d'au moins 50 salariés, lorsqu'au cours de ces 8 années, et non plus 6, le salarié n'a pas bénéficié des entretiens prévus et d'au moins une formation « non-obligatoire »[14] au sens du plan de développement des compétences, le compte personnel de formation du salarié est abondé.

Pour rappel, le calcul de l’effectif et du franchissement du seuil de 50 salariés, se fait selon les modalités prévues par le Code de la sécurité sociale[15].

En cas de négligence sur les entretiens de parcours professionnel, le montant de l’abondement dit « correctif »[16] au compte personnel de formation n’est pas modifié : il est toujours de 3000 € par salarié. Lorsque l’entreprise verse la somme correspondante sur le compte personnel de formation du salarié, ce dernier est informé.

Des aménagements pour la fin de carrière

Le texte de loi ajoute deux mesures afin de préparer la deuxième partie de carrière :

  • L’entretien parcours professionnel à organiser dans les 2 mois à compter de la visite médicale de mi-carrière ;
  • L’entretien parcours professionnel intervenant au cours des 2 ans précédant le 60ème anniversaire du salarié.

Entretien parcours professionnel et visite médicale de mi-carrière :

Cet entretien de parcours professionnel est organisé dans un délai de deux mois à compter de la visite médicale de mi‑carrière (devant être réalisée, à défaut d’accord de branche, dans l’année civile du 45ème anniversaire ou anticipée dans les deux ans avant l’échéance). L’employeur ne peut pas avoir accès aux données de santé du salarié (et donc aux résultats de la visite médicale).

Les mesures d’aménagement proposées, le cas échéant, par le médecin du travail sont évoquées au cours de cet entretien.

En plus des sujets abordés lors de l’entretien parcours professionnel « classique », dans le cadre de celui en lien avec la visite médicale de mi-carrière, sont également abordés, s’il y a lieu :

  • L’adaptation ou l’aménagement des missions et du poste de travail,
  • La prévention des situations d’usure professionnelle,
  • Les besoins en formation,
  • Les éventuels souhaits de mobilité ou de reconversion professionnelle du salarié.

À l’issue de l’entretien, le document écrit récapitule, sous forme de bilan, l’ensemble des éléments abordés.

Entretien parcours professionnel et 60ème anniversaire :

Lors du premier entretien de parcours professionnel qui intervient au cours des 2 années précédant le 60ème anniversaire du salarié, sont abordées, en plus des sujets abordés lors de l’entretien parcours professionnel « classique » :

  • Les conditions de maintien dans l’emploi,
  • Les possibilités d’aménagements de fin de carrière, notamment les possibilités de passage en temps partiel ou de retraite progressive. 

Des impacts sur la BDESE, la communication des mesures d’aménagement du poste et le Plan de développement des compétences

Contenu de la BDESE

La base de données économiques, sociales et environnementales (BDESE) rassemble l'ensemble des informations nécessaires aux consultations et informations récurrentes que l'employeur met à disposition du comité social et économique.

Ces informations comportent en particulier l'ensemble des indicateurs relatifs à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, notamment sur les écarts de rémunération et de répartition entre les femmes et les hommes parmi les cadres dirigeants et les membres des instances dirigeantes, et les informations sur la méthodologie et le contenu des indicateurs.

La loi du 24 octobre 2025 ajoute que ces informations comportent également un bilan de la mise en œuvre des actions de formation entreprises à l’issue des entretiens de parcours professionnels ou des périodes de reconversion[17].

Mesures d’aménagement du poste de travail et entretien de parcours professionnel

Le médecin du travail peut proposer, par écrit et après échange avec le salarié et l'employeur, des mesures individuelles d'aménagement, d'adaptation ou de transformation du poste de travail ou des mesures d'aménagement du temps de travail justifiées par des considérations relatives notamment à l'âge ou à l'état de santé physique et mental du travailleur[18].

La loi du 24 octobre 2025 précise que la mise en œuvre de ces mesures est abordée lors de l’entretien de parcours professionnel lorsqu’elles sont formulées à l’issue de certaines visites médicales organisées après la visite médicale de mi-carrière[19].

Il s’agit de la visite d’information et de prévention[20], de l’examen médical d’aptitude dans le cadre du suivi renforcé[21] et de l’examen de reprise.

Autrement dit, si la visite médicale de mi-carrière a déjà eu lieu, la mise en œuvre des mesures d’aménagement proposée par le médecin du travail à l’issue de ces visites médicales organisée après celle de mi-carrière, devra être abordée lors de l’entretien de parcours professionnel.

Entretien de parcours professionnel et plan de développement des compétences

La loi du 24 octobre 2025 prévoit la prise en compte des conclusions des entretien parcours professionnel dans l’élaboration du plan de développement des compétences[22].

Entrée en vigueur

Mise à part les dispositions propres aux accords d'entreprise et de branche consacrés à la périodicité de l'entretien de parcours professionnel, aucune date d'échéance spécifique n'est stipulée dans le texte de loi.

En conséquence, les autres dispositions relatives à l’entretien de parcours professionnel ainsi que les dispositions sur la périodicité, en l’absence d’accord d’entreprise ou de branche, s’appliquent dès le lendemain de la publication de la loi au Journal Officiel, soit le 26 octobre 2025.

Muriel Besnard

Consultant Juridique

[1] Loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale, Journal Officiel du 6 mars 2014

[2] Loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, Journal Officiel du 6 septembre 2018 et décret n° 2018-1171 du 18 décembre 2018 relatif aux modalités d'abondement du compte personnel de formation, Journal Officiel du 20 décembre 2018

[3] Loi n° 2025-989 du 24 octobre 2025 portant transposition des accords nationaux interprofessionnels en faveur de l’emploi des salariés expérimentés et relatifs à l’évolution du dialogue social

[4] Article L. 6315-1 du Code du travail

[5] Article L. 1225-27 du Code du travail

[6] Article L. 1225-57 du Code du travail

[7] Article L. 1225-37 du Code du travail

[8] Article L. 1225-46 du Code du travail

[9] Article L. 1222-12 du Code du travail

[10] Article L. 1225-47 du Code du travail

[11] Article L. 324-1 du Code de la sécurité sociale

[12] Article L. 2141-5 du Code du travail

[13] Article L. 3142-23 du Code du travail

[14] C’est à dire une action de formation autre que celle mentionnée à l’article L. 6321-2 du Code du travail

[15] Selon les dispositions de l’article L. 130-1 du Code de la sécurité sociale

[16] Articles L. 6323-13 et R. 6323-3 du Code du travail

[17] Article L. 2312-18 du Code du travail

[18] Article L. 4624-3 du Code du travail

[19] Mentionnée à l’article L. 4624-2-2 du Code du travail

[20] Article L. 4624-1 du Code du travail

[21] Article L. 4624-2 du Code du travail

[22] Article L. 6312-1 1° du Code du travail

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