Management et leadership en entreprise
Le manager, acteur clé de la transformation effective
Qu’elles soient économiques, technologiques, sociologiques, démographiques ou sociétales, les transformations de l’environnement de l’entreprise sont notre quotidien. Nos organisations aussi vivent en permanence au rythme de leurs propres transformations, ayant intégré l’approche de Darwin selon laquelle « Les espèces qui survivent ne sont pas les espèces les plus fortes, ni les plus intelligentes, mais celles qui s’adaptent le mieux aux transformations de leur environnement. »
L’action du manager conditionne la réussite de ces transformations : il est l’acteur de proximité, celui qui peut agir sur l’intégration par son équipe de ce qui doit changer. Mais son rôle est fondamentalement différent selon l’approche adoptée pour mener la transformation.
Le management traditionnel de la transformation
Encore très présente dans nos organisations, la méthode que nous a léguée le modèle néo-taylorien est basée sur une dichotomie forte entre décideurs et exécutants. Le principe et la finalité de la transformation sont décidés par les dirigeants, ce qui est légitime quelle que soit l’approche de la transformation. Mais ses modalités détaillées sont également formalisées par ces décideurs.
L’ensemble est ensuite communiqué pour exécution en se centrant sur ce doit être mise en place (les « comment »). Un chef de projet, un calendrier, des KPIs, des outils. Aujourd’hui encore, l’approche est celle qui est poussée par les grands cabinets anglo-saxons. En arrière-plan, une logique simple : une fois la transformation définie, « l’intendance suivra ».
Dans ce cadre, le manager a pour responsabilité de relayer la décision de la Direction et de garantir qu’elle est mise en œuvre par tous selon les modalités prédéfinies. Dans cette recherche d’alignement, les compétences managériales requises renvoient à l’autorité, au contrôle et à la sanction, avec une posture descendante de type parent-enfant.
Cette approche de la transformation peut être efficace lorsqu’une rupture est nécessaire. Mais elle souffre de nombreuses limites : elle ne correspond plus au modèle d’autorité dominant dans notre société ; elle est décalée par rapport au niveau global de compétence des collaborateurs ; elle va annihiler leur initiative.
C’est la raison pour laquelle des résistances vont émerger. Et c’est alors que sera brandi l’alibi facile de la « résistance au changement », fondé sur un postulat, celui du conservatisme dans les habitudes individuelles. Il dédouanera les décideurs de leur responsabilité dans l’échec sans s’interroger sur ses causes.
Le management participatif de la transformation
Cette approche de la transformation à caractère participatif est souvent présentée comme la seule alternative. Là aussi les dirigeants décident du principe et de la finalité de la transformation, qui sont ensuite largement partagés. Puis des collaborateurs sont sollicités pour détailler les modalités, via des groupes de travail dédiés, des managers ou de l’ensemble des salariés. Il y a enfin regroupement et sélection des propositions, puis communication pour déploiement.
Le manager a alors pour mission de veiller à la compréhension par ses collaborateurs de la finalité de la transformation, de recueillir leurs idées et de les faire remonter, puis de partager les décisions prises in fine par le sommet et enfin d’animer la mise en œuvre. Il doit alors combiner un haut niveau d’exigence et un haut niveau de bienveillance.
Une telle approche a une vertu majeure : elle permet d’enrichir la réflexion sur les modalités de mise en œuvre par les éléments proposés par les collaborateurs. Mais elle comprend également un volet descendant, puisque la décision sur les modalités retenues relève là-aussi des dirigeants. Elle reste donc basée sur la dichotomie entre décideurs et exécutants, avec des risques de résistance au changement tout aussi forts. La dimension participative peut alors n’être perçue que comme une diversion.
Le management engageant de la transformation
Il existe une troisième approche de la transformation, encore très peu présente dans nos organisations et pourtant d’une efficacité sans pareil pour opérer certaines mutations : les dirigeants décident de la nature de la transformation, mais s’interdisent d’intervenir sur ses modalités. Les « pourquoi » de la transformation à mener sont présentés, débattus et éclairés pour garantir que tous se les approprient. L’objectif est alors de démontrer la nécessité et la valeur ajoutée de cette transformation, en explicitant les déterminants. Cette phase est un investissement de nature « pédagogique ».
Puis, et c’est là que réside la rupture dans l’approche, l’ensemble des salariés sont invités à la prise d’initiative pour que la transformation se matérialise concrètement : chaque collaborateur, chaque équipe décide des actions à mener pour alimenter la transformation ciblée, dans une logique de contribution. Ayant adopté les « pourquoi », les collaborateurs choisissent eux-mêmes les « comment », sans sélection ou validation préalable de ces actions.
Cette approche a démontré son efficacité pour opérer une transformation de la culture de l’entreprise, comme le développement d’une culture client. Elle est opérante pour définir le détail du plan stratégique de l’entreprise, une fois les axes stratégiques majeurs formalisés par les dirigeants. Nous avons accompagné de nombreuses entreprises avec cette approche pour matérialiser de façon effective leur raison d’être dans le quotidien.
Le rôle du manager est alors de donner le sens, d’animer la prise d’initiative, d’encourager et de valoriser, en ne portant jamais de jugement et en accompagnant la dynamique pour la renforcer. Cela suppose pour lui de pousser jusqu’au bout avec les collaborateurs une relation adulte-adulte, en adoptant une posture de « manager ressource ». La bascule vers un tel positionnement requiert un accompagnement de la DRH, au regard de l’héritage culturel qui est souvent le nôtre quant aux formes de la relation managériale.
La mise en œuvre de cette approche de la transformation renforce l’engagement, les collaborateurs étant acteurs et promoteurs de cette mutation. Elle garantit la pertinence des réponses au regard des réalités vécues par tous. Elle suppose de développer l’esprit de responsabilité des collaborateurs et de transformer notre rapport à l’erreur. En arrière-plan, elle appelle un processus de construction et de renforcement de la confiance, loin des approches traditionnelles de contrôle managérial.
Peut-on encore aborder les transformations dans l’entreprise en oubliant que l’enjeu premier est d’impacter effectivement la réalité ? Et donc qu’il s’agit en premier lieu de générer une dynamique de mobilisation des acteurs qui auront à faire vivre cette transformation ? Le partage de cette conviction devrait naturellement amener les organisations à adopter la troisième approche et à accompagner leurs managers pour qu’ils jouent pleinement leur rôle dans ce cadre.
