Performance et évolution

Le DRH, le talent vs l’effort et les soft skills !

La compétence tient plus à l'effort qu'au talent

« Il faut valoriser l’effort pas le talent » Nadia Boulanger[1]

Nadia Boulanger a été durant toute sa longue carrière de musicienne une pédagogue influente, ardente qui prodigua la notion de travail. Ce principe a conduit de grands musiciens tel que Leonard Bernstein[2], Quincy Jones[3], Daniel Barenboïm[4], Astor Piazzola[5], et bien d’autres générations de musiciens, par un enseignement éclairé et exigeant au sommet de leur art.

Comme nous le fait comprendre Georges Brassens[6] sur une musique d’Eugène Metehen[7] dans « Le mauvais sujet repenti » :

« Elle avait la taill’ faite au tour,
Les hanches pleines, Et chassait l’mâle aux alentours
De la Mad’leine...
A sa façon d’me dir’ : "Mon rat,
Est-c’que j’te tente?"
Je vis que j’avais affaire à
Un’ débutante...

L’avait l’don, c’est vrai, j’en conviens,
L’avait l’génie,
Mais sans technique, un don n’est rien
Qu’un sal’ manie...
Certes, on ne se fait pas putain
Comme on s’fait nonne.
C’est du moins c’qu’on prêche, en latin,
A la Sorbonne... ».

Le travail est l’indispensable facteur de la réussite.

Le DRH, le talent vs l’effort et les soft skills oui, mais quoi ?

« L’art, c’est le travail effacé par le travail » Alexis Gruss[8].

L’effort se définit dans le sens de l’expression de la mobilisation volontaire, de la détermination, de la volonté de réaliser quelque chose pour surmonter une résistance ou atteindre un objectif tout en déployant un travail aussi acharné qu’opiniâtre. A contrario le talent exprime une aptitude ou une capacité personnelle à réaliser des choses dans un domaine spécifique sans effort particulier. Le talent peut donner l’illusion d’une capacité issue d’un don particulier accordé par la nature ou une autre source selon les croyances de chacun.

L’exemple emblématique de l’effort vs le talent est concrétisé par les Beatles. Entre août 1960 et décembre 1962, les Beatles ont effectué cinq séjours à Hambourg[9], en Allemagne de l’Ouest. Ils se sont produits durant des centaines d’heures dans des clubs. Ils ont, durant cette période, appris devant un public difficile la rigueur et l’endurance. John Lennon dira plus tard « Nous sommes nés à Liverpool, mais nous avons grandi à Hambourg ». Le travail de la période hambourgeoise des Beatles a généré la légende du talent de « The Fab Four » de Liverpool. Ils ne se sont jamais vantés d’avoir fait beaucoup d’efforts.

Les exemples de l’effort, du travail transformés en talent pour afficher une facilité, une aisance fluide sont nombreux. Nous pouvons citer à foison, le cas de Zinedine Zidane[10] est emblématique. Il fut un enfant timide et introverti de La Castellane, quartier difficile de Marseille pour plus tard présenter un palmarès exceptionnel en tant que joueur 1 Coupe du monde, 1 Championnat d’Europe, 1 Ligue des champions, 2 Supercoupes d’Europe ; 2 Supercoupes nationales ; 2 Coupes Intercontinentales ; 3 Championnats nationaux, 1 Ballon d’or ; 3 fois Joueur FIFA de l’année et en qualité d’entraineur : 3 Ligues des Champions consécutives (2016, 2017, 2018). 2 Championnats d’Espagne ; 2 Supercoupes d’Espagne ; 2 Supercoupes d’Europe ; 2 Coupes du Monde des clubs. Ce résultat a été obtenu en deux temps. Pour commencer l’adolescent plus grand que les autres a passé des heures à perfectionner sa technique sur un petit terrain en béton, sa facilité est issue du labeur quotidien. Ensuite pour quitter sa posture de joueur introverti, Il entreprit de faire ses armes comme conseiller du président du Real Madrid puis entraineur du Real Madrid Castilla, l’équipe réserve du club. Cette activité loin des médias lui a permis de se forger une identité de coach. Il entreprit parallèlement des études théoriques sous l’égide de la Fédération Française de Football et pratique comme adjoint de Carlo Ancelotti[11]. Il a ainsi obtenu son diplôme d’entraîneur UEFA Pro en 2016. Ce double apprentissage académique et pratique l’a conduit à remporter 11 trophées majeurs en moins de 5 ans.

Les exemples de référence sont aussi nombreux que variés :

Simone Veil[12] : déportée à Auschwitz à 16 ans, devenue magistrate, ministre, présidente du Parlement européen. Ce qui transparaît rarement, c’est l’incroyable force intérieure qu’il lui a fallu pour se reconstruire et porter ses combats.

Georges Sand[13] : romancière prolifique écrivait jour et nuit. Figure libre du XIXe siècle elle a publié sous un pseudonyme masculin et a été chef de famille. Le « talent » n’aurait rien produit sans cette discipline farouche.

Louise Michel[14] : figure de la Commune de Paris, institutrice, militante anarchiste, déportée. Sa résistance repose sur un travail intellectuel profond, une éducation constante, un engagement total qui lui a coûté la liberté, la santé, parfois la sécurité.

Philippe Etchebest[15] : apprenti, devenu chef il décroche des étoiles au Michelin. En l’an 2000, après un entrainement intensif de plusieurs mois, parfois 14 heures par jour, il obtient le prestigieux titre de Meilleur Ouvrier de France (MOF).

Omar Sy[16] : après des études en Bac pro mais sans diplôme, son travail l’a conduit à devenir l’un des acteurs français les plus aimés. Le film Intouchable fit 19,44 Millions d’entrées. A l’international il tourne des blockbusters et des séries.

La liste des personnages qui présentent de l’aisance avec la pudeur de ne jamais faire état de la puissance de travail dont ils ont apporté la preuve pourrait se poursuivre longtemps.

Le DRH, le talent vs l’effort et les soft skills oui, mais comment ?

« L’entraînement n’est pas la chose que l’on fait une fois que l’on est bon. C’est la chose que vous faites qui vous rend bon. » Malcolm Gladwell[17].

Les limites du talent

Malcolm Gladwell démontre « Pourquoi les qualités personnelles et le talent ne suffisent pas à expliquer le succès » dans son livre Outliers[18] The Story of Success. Son raisonnement repose sur une remise en question des idées reçues autour du succès. Plutôt que de l’attribuer uniquement au talent, il démontre que la réussite exceptionnelle est souvent le fruit d’un enchaînement de circonstances culturelles, sociales, historiques et même temporelles. De plus il démontre que les réussites sont obtenues par l’accumulation de milliers d’heures de pratiques. Il présente des personnages symboliques de la réussite qui ont fabriqué ce qui apparait comme du talent tel que :

  • K. Rowling[19] a écrit dans des cafés, pour être au chaud.
  • Beyoncé suit un entraînement quotidien exigeant.
  • Bill Gates[20] a programmé intensément dès l’adolescence.
  • Walt Disney[21] a longuement dessiné dans une chambre de bonne.
  • Les Beatles ont joué à Hambourg des centaines d’heures.

Les exemples lui permettent d’établir des règles, des principes dont la principale est celle des 10 000 heures selon le principe : « Ce n’est pas la volonté de réussir qui compte, tout le monde l’a. C’est la volonté de se préparer à réussir qui fait la différence. ». Cette théorie s’appuie sur les recherches du psychologue Anders Ericsson[22], qui a étudié les trajectoires de musiciens, d’athlètes et d’autres experts qui proposent pour atteindre un niveau d’expertise dans n’importe quel domaine : musique, sport, programmation, etc. il faudrait environ 10 000 heures de pratique délibérée[23][24]. Voici les grands axes de son raisonnement :

  • L’importance du contexte montre que les personnes qui réussissent bénéficient ou construisent un environnement favorable.
  • Le seuil de compétence est le niveau auquel le talent, les capacités ne suffisent plus. La règle des 10 000 heures doit prendre le relais. Il est déterminant de choisir un domaine où l’on peut s’engager sur le long terme, le pratiquer avec intention et rechercher du feedback régulier pour progresser plus vite.
  • Les opportunités cachées pour les découvrir il est nécessaire de se placer dans des cercles où les opportunités circulent (réseautage, mentorat, stages) d’être attentif aux périodes favorables pour se lancer dans un domaine.
  • L’héritage culturel porte les valeurs et les comportements qui influencent profondément les chances de réussite. Il faut identifier les forces et les limites que la culture transmet et adapter sa posture selon les contextes.

La compétence illimitée

Subir les limites de son talent ou maitriser les quatre facteurs de la théorie de Gadwell et du précepte d’Ericsson est un ambitieux challenge de la vie quotidienne. Cela revient à se prendre en main par sa capacité à devenir son propre mentor pour proposer les compétences comportementales, les soft skills, attendues par les interlocuteurs de notre fonction. Les deux facteurs sur lesquels l’intervention est rapide, puissante et source de résultats significatifs sont le seuil de compétence qu’il faut reculer et l’héritage culturel qu’il faut enrichir. La pratique des 10 000 heures si elle est trop ambitieuse peut être ramenée à 1 000 ou 100 heures permet d’accepter l’effort nécessaire à l’apprivoisement des soft skills. La pratique quotidienne proposée utilise le modèle de l’Education de Soi-Même en 7 Clés, edsm7c pour devenir son propre mentor :

L’application aux soft skills par la méthode edsm7c, Education de Soi-Même en 7 Clés pour devenir son propre mentor est réaliste avec comme objectif 10 000 h ; 1 000 h ou 100 h pour réduire l’écart entre ce que l’on promet et ce que l’on réalise, et plus largement entre ce qui est attendu et ce qui est vécu, en développant ses soft skills pour devenir son propre mentor.

Clé 1 – Apprendre à apprendre consiste à enrichir ses compétences et transmettre efficacement ce que l’on comprend, en lisant, synthétisant et expliquant un concept à quelqu’un pour acquérir des connaissances, les transformer en compétences, et consolider les bases d’un esprit curieux, adaptatif et transmissible.

Clé 2 – Posture signifie adopter une attitude cohérente avec ses valeurs et ses fonctions, en choisissant les valeurs à incarner selon le contexte pour inspirer confiance, renforcer sa crédibilité et répondre aux attentes de ses interlocuteurs.

Clé 3 – Obtenance vise à fluidifier les échanges et obtenir avec justesse, en se concentrant sur un paramètre à la fois jusqu’à automatisation pour améliorer ses capacités de négociateur dans toutes les sphères de vie.

Clé 4 – Stress implique de transformer le mauvais stress en bon stress selon les situations vécues, en apprenant et testant les outils de régulation pour identifier celui qui permet de réagir avec justesse et renforcer sa résilience.

Clé 5 – Management consiste à mobiliser les autres avec aisance en adaptant son style à chaque environnement, en expérimentant les rôles d’expert, leader, manager ou dirigeant pour apprendre à faire faire, inspirer et déléguer dans ses fonctions sociales, familiales ou professionnelles.

Clé 6 – Art oratoire permet d’exprimer ses idées avec clarté et impact pour renforcer son autorité et son charisme, en construisant des interventions selon les règles de rhétorique et en analysant les discours pour affiner sa communication.

Clé 7 – Qualité vise à réduire les écarts entre attentes et réalisations pour générer de la satisfaction durable, en validant les demandes, auditant et ajustant ses actions tout en recueillant du feedback pour mieux répondre aux besoins de son environnement.

La rigueur de l’application de ce plan permet au fil des jours, par la mise en œuvre du contenu de chaque clé par le fait d’apprendre et de faire apprendre dans le cadre des fonctions sociales, professionnelles, familiales et intimes permet d’acquérir les automatismes indispensables à son confort de vie.

Se concentrer uniquement sur les incompétences, c’est éviter les erreurs mais rester moyen.Se concentrer uniquement sur les talents, c’est briller par endroits mais rester vulnérable ailleurs.La performance durable naît de la combinaison : sécuriser les bases par l’effort et amplifier les forces par le développement du talent.

Conclusion

« Les gens ne naissent pas géniaux. Ils le deviennent grâce à des circonstances, des opportunités et une pratique délibérée. » Karl Anders Ericsson.

Talent vs effort mérite d’analyser les capacités qu’offre le talent. Il trouve son illustration dans la chanson composée et écrite par Charles Aznavour[25] ou le talent présente ses vertus et ses vices. Il a la vertu de provoquer de l’enthousiasme « Je m’voyais déjà en haut de l’affiche, En dix fois plus gros que n’importe qui mon nom s’étalait… » et le vice de générer de la frustration : « On ne m’a jamais accordé ma chance - D’autres ont réussi avec peu de voix et beaucoup d’argent - Moi j’étais trop pur ou trop en avance - Mais un jour viendra, je leur montrerai que j’ai du talent. »

Le talent est une valeur aussi absolue que subjective, une denrée limitée, conditionnée par ce je ne sais quoi d’appréciations abstraites en positif ou en négatif. Il est utilisé par les mères en quête d’amour absolu pour glorifier leur progéniture dont le talent est immense. Il est entretenu par les pères en quête d’autorité despotique pour qualifier leur héritier de crétin irrévocable par l’absence de talent. La littérature et les chroniques judiciaires décrivent à la perfection ces situations.

Le vice caché du talent est de mener un raisonnement qui conduit à se désocialiser. Le double phénomène indique que si l’on en a, il est possible de se sentir supérieur, imbu de sa personne, si l’on n’en a pas, il est possible d’être frustré et jaloux. Par nature il semble réservé à ceux qui croient en ce qualificatif.

Le talent vs l’effort mérite d’analyser les capacités qu’offre l’effort. L’effort prend naissance par une simple décision, sa mise a disposition est gratuite et limitée par son degré de motivation. Les vertus de l’effort sont illimitées, les vices restent à inventer. Le rapport efforts / bénéfices offre un taux de résultat dont les 3 mois consacrés à une étude d’orchestration à destination d’un ballet qui reprend 18 fois le thème permis de créer un bénéfice artistique et économique sans comparaison possible à Maurice Ravel[26]. L’effort prodigué pour créer le Boléro est un mélange de contraintes extérieures, de défis personnels et d’un esprit de rigueur pour un résultat de 17 minutes.

Je laisse soin de conclure l’affrontement talent vs effort à Karl Anders Ericsson « Personne n'est limité par son talent. Nous créons les limites de nos capacités » sans pouvoir m’empêcher d’ajouter : « A vous de devenir votre propre mentor pour faire reculer vos limites ».
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[1] Juliette Nadia Boulanger, 1887 – 1979, femme de musique française.

[2] Leonard Bernstein, né Louis Bernstein, 1918 – 1990, musicien américain. 

[3] Quincy Delight Jones Jr., dit Quincy Jones, surnommé « Q », 1933 – 2024, musicien américain. 

[4] Daniel Barenboïm,1942 – , musicien israélo-argentin-palestinien.

[5] Ástor Piazzolla, 1921 – 1992, musicien argentin.

[6] Georges Brassens, 1921 - 1981, artiste français.

[7] Eugène Louis Henri Météhen, 1866 – 1952, musicien français.

[8] Alexis Gruss, 1944 – 2024, homme de cirque français.

[9]https://www.les-docus.com/les-beatles-et-leurs-debuts-a-hambourg/

[10] Zinédine Zidane, 1972 - , footballeur et entraineur français.

[11] Carlo Ancelotti, 1959 - , Footballeur, entraineur italien. Note de l’auteur : est considéré comme l'un des meilleurs techniciens du monde et de l'histoire, actuellement sélectionneur du Brésil.

[12] Simone Veil, née Simone Jacob, 1927 – 2017, femme d’état française.

[13] George Sand, nom de plume, née Aurore Dupin, mariée Baronne Dudevant, 1804 – 1876, femme de lettre française.

[14] Louise Michel, alias « Enjolras », 1830 – 1905, femme politique française.

[15] Philippe Etchebest, 1966 - , chef cuisinier français.

[16] Omar Sy : 1978 - , artiste français.

[17] Malcolm Gladwell, 1963- , homme de lettre britannique.

[18] Les prodiges, Malcolm Gladwell Titre original : Outliers: The Story of Success Éditeur (version française) : TC Média Livres Inc. / Les Éditions Transcontinental Année de publication : 2009 ISBN : 978-2-89540-436-6

[19] Beyoncé, nom de scène de Beyoncé Giselle Knowles, épouse Carter, 1981 - , artiste et femme d’affaires américaine.

[20] Bill Gates nom d’usage de William Henry Gates III, (3ème du nom) 1955 - , entrepreneur américain.

[21] Walt Disney, nom d’usage de Walter Elias Disney, 1901 – 1966, artiste et homme d’affaires américain.

[22] Karl Anders Ericsson, 1947 – 2020, chercheur suédois.

[23] Peak : La Science de s'améliorer dans presque tout - la vérité derrière la règle des 10 000 heures (titre original en suédois : Peak: vetenskapen om att bli bättre på nästan allt – sanningen bakom 10 000-timmarsregeln),

[24]https://www.dixmilleheures.fr/articles/la-theorie-pour-devenir-un-expert-quest-ce-que-la-regle-10-000-heures et https://volante.se/bocker/peak/

[25] Charles Aznavour nom de scène de Charles Aznavourian, 1924 – 2018, artiste français.

[26] Maurice Ravel, 1875 – 1937, compositeur français.

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