Faire son bilan de compétences autrement
Révéler son potentiel en explorant l'archipel des compétences [1]
Lorsque Narcisse s’interroge dans le miroir argenté de la rivière, est-ce bien son visage qu’il voit ? l’image figée qu’il regarde n’est-elle qu’une apparence ? elle le fascine autant qu’elle le paralyse. L’impasse de Narcisse comme de certains bilans de compétences est d’oublier que nous existons par nos réalisations et l’énergie que nous mettons dans notre activité plutôt que par ce que nous sommes. L’histoire de Narcisse nous apprend qu'il ne suffit pas d'avoir un « beau corps » ou un « beau CV », encore faut-il s'engager dans l'action où là seulement on approchera ce que l'on est.
Nombreux sont ceux qui ont fait un bilan de compétences, une fois l’expérience terminée, expriment une frustration. Certains témoignent d’une impression de démarche trop psychologisante, éloignée de la réalité concrète du travail. D’autres regrettent un processus statique qui les enferme dans une photographie figée de leurs acquis plutôt que de les projeter dans leur avenir. Enfin, plusieurs pointent le manque de lien avec les dynamiques réelles de l’emploi, qui évoluent vite et exigent des approches plus agiles.
Les limites des approches traditionnelles
- Elles réduisent la compétence à du « stock », à un patrimoine détenu, alors que chacun est aussi porteur de façons d’agir, de valeurs et d’expériences uniques : ce ne sont pas les connaissances, les techniques et les qualités (soft skills) qui sont intéressantes, mais l’alchimie qui est en jeu, l’énergie, la liberté qu’elles offrent, lorsque l’on domine la règle.
- Elles risquent le décalage entre ce que les tests indiquent et ce que le bénéficiaire ressent réellement, ou entre les conclusions du bilan et ce que l’employeur actuel propose ou ce que le marché de l’emploi recherche.
- Elles placent le bénéficiaire en position passive plutôt que d’acteur. En partant de l’expérience et des compétences acquises, l’approche se veut plus dynamique et ancrée dans le réel. Elle veut rendre l’individu « acteur » de son parcours. Parce qu’évoluer, c’est comprendre ses principales ressources et apprendre à les mobiliser dans des contextes professionnels concrets
C’est à partir de ces constats qu’il convient d’utiliser une méthode plus vivante, plus incarnée, qui invite chacun à explorer son parcours comme on explore un archipel. Plutôt qu’un dossier rempli de tests, il s’agit de se mettre en mouvement pour reconnaître ses talents, revisiter ses expériences, identifier ses moteurs et construire son futur professionnel comme un projet de vie.
L’archipel des compétences : une méthode alternative
Dans cette démarche, la compétence n’est pas vue comme un bloc figé, mais comme un processus, un ensemble d’îles reliées entre elles :
- Chaque île représente un talent, l’archipel regroupe un ensemble de compétences (ex. : Gérer-Organiser, Rechercher-Imaginer, Guider-Ecouter…) qu’une personne mobilise de manière plus ou moins facile en situation de travail. (Ses dispositions)
- Les courants qui l’entraînent vers certaines îles plutôt que d’autres (ses dispositions) reflètent ses principaux moteurs qui le poussent à agir ainsi (La sécurité, l’intégrité, l’efficacité, le plaisir…). (Ses aspirations)
L’ensemble forme un archipel en mouvement : certaines îles s’agrandissent, d’autres émergent après un projet réussi ou une reconversion. C’est une cartographie vivante, dynamique, qui reflète la richesse et la singularité de chaque individu.
Une méthode en deux temps et trois mouvements :
Objectif 1 : (Re)dessiner son profil, objectif 2 : (Re)inventer son projet
ETAPE 1. Se découvrir différemment :
Apprendre à se connaître en dessinant l’anatomie de ses compétences
La personne part de ses expériences vécues, en particulier celles qui ont été pour elle, inspirantes, marquantes ; moments de réussite, de dépassement, d’apprentissage. En décryptant sa manière de faire, la personne dégage la singularité de son profil, son processus cognitif, elle formalise son archipel des compétences. Celui qui maîtrise une compétence possède un potentiel d’action pouvant être ensuite mobilisée de manière concrète dans une infinité de situations. Par exemple, le vendeur qui a reçu de nombreux clients, qui a rencontré des situations variées, qui a exercé sa compétence commerciale pendant plusieurs années, aura sans doute développé une capacité fondamentale et plus transversale : l’empathie ; talent qui pourra être déployé dans d’autres domaines (santé, social…).
ETAPE 2. Relier ses compétences à ses moteurs
Apprendre à se situer en cartographiant ses compétences
Une compétence n’est puissante que si elle est reliée à une motivation. Dès qu’une personne est dans son élément en assurant une mission, ce qu’elle fait est cohérent avec ce qu’elle est. Elle est « alignée » parce qu’elle agit en harmonie avec ses idées, ses valeurs, ses croyances ; alors elle ne peut pas être « aliénée », ni à son métier ni à l’organisation qui l’emploie.
Comme les grands courants marins qui influencent grandement, mais discrètement, le déplacement des bateaux, nos moteurs profonds, nos désirs occupent une fonction similaire dans la construction de nos réussites ; ils orientent nos itinéraires professionnels. Peu visibles, rarement explicités, ils agissent néanmoins en profondeur pour régler notre investissement professionnel et pour guider nos actions.
ETAPE 3. Projeter son archipel dans l’avenir
Apprendre à s’orienter en découvrant sa Méta-compétence
« Jouer des compétences », c’est disposer d’une capacité de recul et de décalage qui permet de mieux saisir l’enjeu d’une situation de travail et comment on peut agir autrement qu’en ravivant de vieux schémas. Plutôt que de rester à la simple description de leur itinéraire professionnel, il faut pouvoir raconter une histoire ; par exemple une métaphore permet de valoriser son profil, de situer l’enjeu de son parcours professionnel ; elle révèle une part de nous-mêmes, car nous inventons notre identité en développant nos compétences.
Conclusion : s’autoriser un voyage intérieur pour révéler son potentiel
Sortir des sentiers battus pour révéler son potentiel, c'est s'autoriser à regarder son parcours autrement, comme un archipel à explorer, vivant et en mouvement : explorer ses îles, en tracer les contours, découvrir les passerelles entre elles, puis lever l’ancre vers de nouvelles destinations. Un bilan de compétences efficace ne se résume pas à un inventaire figé de savoirs ou savoir-faire, il s'appuie sur l'expérience, l'action, et les moteurs profonds qui animent chacun ; il invite à se (re)découvrir autrement, à tracer un cap professionnel en accord avec ses valeurs et ses aspirations. Ce double regard, sur ce que l'on fait et sur ce qui nous fait agir, est la clé pour conjuguer performance et bien-être dans son travail. Alors pourquoi ne pas vous lancer dans ce voyage intérieur ? Faire un bilan, c'est moins un point d'arrivée qu'un acte qui vous engage vers un avenir choisi et aligné. L’Archipel des compétences est une invitation au voyage afin de trouver une activité qui vous ressemble.
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[1] « L’Archipel des compétences » - Jean-Marie Breillot - GERESO Éditions
