Management et leadership en entreprise
Le care management : une belle opportunité de repositionnement pour les DRH
Le care management : une belle opportunité pour les DRH
A l’heure de la remise en cause des politiques Diversité & Inclusion ou celles en faveur de la planète sous l’influence de l’administration Américaine depuis début 2025, les DRH sont en droit de s’interroger sur leur positionnement dans un contexte qui témoigne d’une régression sans précédent depuis des décennies[1]. Face à ce mouvement, une nouvelle opportunité s’ouvre à eux pour se repositionner avec le développement du care management. Longtemps marginalisée, moquée ou reléguée à la périphérie des réflexions stratégiques, la question du « prendre soin » s’impose aujourd’hui comme un impératif pour les DRH et tous les dirigeants[2].
Dans beaucoup d’entreprises, on sent aujourd’hui en effet comme un souffle nouveau. Une intuition, encore fragile mais tenace : la transformation se joue d’abord dans la manière dont on prend soin des femmes et des hommes qui font l’organisation. C’est là que naît le care management. Non pas une méthode de management de plus, mais une manière de tenir ensemble ce que l’entreprise a longtemps séparé : la performance, l’attention, la responsabilité et le sens. Le care management apparait lors comme une belle opportunité pour les DRH de se repositionner face aux incertitudes liées notamment aux discours régressifs sur la diversité et la planète venant d’outre-Atlantique et celles qui sont les conséquences de l’usage croissant des technologies et plus particulièrement les IA génératives partout dans l’entreprise. En définitive, la care management constitue à la fois un socle mais aussi peut fournir aux DRH des leviers pour leur permettre de se repositionner en acteurs majeurs de la transformation des entreprises.
Un socle pour le repositionnement des DRH
Dans une période où les repères s’effacent et où l’IA s’invite dans chaque geste professionnel, les dirigeants redécouvrent que la ressource la plus précieuse n’est pas technologique mais humaine. Cette prise de conscience est une nouvelle chance pour les DRH de faire reconnaître leur contribution stratégique. Le care management raconte une histoire : celle d’organisations qui comprennent que leur durabilité dépend d’une écologie humaine solide, vivante, capable d’accueillir le changement sans s’y briser.
Au cœur de la RSE, le care management propose une lecture profondément « human centric ». Il relie la politique RH, la qualité de vie au travail, l’inclusion et la stratégie dans un même mouvement : celui de la considération. Les DRH peuvent y trouver un renouveau de la politique RSE si malmenée depuis début 2025. Lorsque l’entreprise en effet reconnaît les personnes qui la composent, elle renforce sa responsabilité sociale, certes, mais aussi son efficacité. Car prendre soin n’est pas un supplément d’âme : c’est une manière de rendre possible la coopération, l’innovation et l’engagement durable.
Par ailleurs, ce récit commence toujours par un geste simple : prendre soin de soi pour mieux prendre soin des autres. Un manager, un collaborateur, une équipe, chacun porte un équilibre qui conditionne la qualité de ses relations. Dans de nombreux témoignages, ce n’est jamais une grande réforme qui transforme une culture, mais une succession d’attentions quotidiennes : un temps d’écoute, une parole qui apaise, une décision qui protège, un soutien qui arrive au bon moment. Ces gestes discrets sont le langage du care. Et ce langage, une fois partagé, change la manière de travailler. Dans cette perspective, les DRH peuvent y trouver une ressource nouvelle pour piloter les transformations.
L’arrivée de l’IA rend ce changement plus nécessaire encore. Car si l’IA automatise des tâches, elle ne remplace ni l’intuition, ni le jugement, ni l’intelligence émotionnelle. Elle exige même qu’on les renforce. C’est un paradoxe : plus les technologies progressent, plus les compétences humaines deviennent stratégiques[3]. Le care management aide les DRH à rouvrir les chantiers qui stimulent le capital humain d’innovation pour la performance à long terme de l’entreprise : la créativité, le courage, la curiosité, la capacité à coopérer dans l’incertitude.
Dans un monde où tout semble accélérer, le care management rappelle une vérité simple : une entreprise ne devient durable que lorsqu’elle protège ce qui est vivant en elle. Lorsque l’intelligence humaine est nourrie, l’IA trouve naturellement sa place. Lorsque les équipes sont reconnues, elles innovent. Lorsque le soin circule, l’organisation se transforme. Et c’est peut-être là la plus grande promesse du care management : faire de la performance un acte profondément humain. Le message est ici fort pour les DRH qui ont été longtemps mis à l’écart des débats dans des Comex sur la performance avec le seul argument qu’ils ne représentaient qu’une simple fonction support loin d’une position de création de valeur.
Les leviers du repositionnement des DRH par le care management
Plusieurs leviers sont à disposition des RH pour se repositionner par le développement d’une stratégie de care management : une politique RH revisitée, une nouvelle vision de la RSE, une approche rénovée pour agir sur la santé mentale et la charge cognitive, la prise en compte de la vulnérabilité comme une force.
Une politique RH revisitée par le care management
Le care management apparaît comme une approche concrète pour structurer de nouvelles politiques RH. Il aide à (1) mieux reconnaître le travail de chacun, (2) renforcer les compétences relationnelles (écoute, coopération, gestion des tensions) (3) développer des managers capables de soutenir leurs équipes dans les moments difficiles (4) valoriser les talents parfois invisibles. Mais au-delà de ces impacts positifs, une orientation marquée vers le care management est susceptible de conduire les DRH à revisiter les pratiques de recrutement, de formation, de gestion des carrières, d’évaluation et de rémunérations pour ne citer que les éléments les plus importants de la chaîne de valeur RH. Dans cette perspective, les RH deviennent un moteur d’engagement et de performance.
Le care management au cœur de la RSE : prendre soin pour durer
Le care management porte une nouvelle vision de la RSE qui ne parle pas seulement d’écologie ou d’éthique : elle parle aussi de la manière dont l’entreprise prend soin des personnes qui y travaillent. Le care management permet de (1) prévenir la fatigue mentale et les risques humains, (2) installer un climat de confiance, (3) s’assurer que les décisions tiennent compte de l’impact sur les équipes. Quand l’entreprise prend soin des personnes et des équipes, elle devient plus durable et plus solide comme le montre l’exemple célèbre de HCL technologies en Inde, forte aujourd’hui de plus 220.000 « ideapreneurs », qui depuis 20 ans n’a cessé d’être l’une des entreprises les plus performantes mais aussi les plus orientées vers le care management sous l’influence de son dirigeant emblématique Vineet Nayar qui l’a dirigée entre 2005 et 2013 mais dont la philosophie vers le care « Employés d’abord, clients ensuite »[4] a perduré jusqu’à aujourd’hui.
Pour une approche rénovée des actions sur la santé mentale et la charge cognitive
La santé mentale n’est plus un sujet “à côté” : elle est au cœur du travail. Le care management agit sur (1) la prévention : repérer quand quelqu’un décroche, fatigue, s’isole,
(2) le soutien : offrir un vrai espace de parole, adapter la charge, accompagner et (3) la régulation : parler des tensions avant qu’elles ne deviennent des conflits. En définitive
Quand les équipes se sentent en sécurité, elles travaillent mieux et innovent davantage.
Avec le care management les DRH peuvent également agir sur la charge cognitive en aidant les managers à alléger, simplifier et clarifier les missions confiées à leurs collaborateurs notamment avec une utilisation « intelligente » de l’IA. Aujourd’hui, beaucoup d’entre eux sont submergés : trop d’infos, trop de réunions, trop de changements. Agir avec une posture de care management permet aux managers de mettre en œuvre des actions simples : (1) clarifier les priorités, (2) limiter le bruit mental inutile, (3) créer des temps de respiration dans la journée, et (4) simplifier les processus. Quand la tête est moins saturée, la créativité remonte.
Inclure les vulnérabilités : transformer des fragilités en forces
Les vulnérabilités font partie de la vie : parentalité, maladie, handicap, charge mentale, neuroatypies…Les DRH peuvent être des acteurs majeurs de transformation de l’entreprise dans un contexte où les fragilités deviennent des forces[5] grâce au développement du care management. Celui-ci permet en effet (1) d’adapter le travail selon les situations de vie, (2) d’accueillir les fragilités sans jugement, (3) utiliser les singularités comme sources de richesse et d’innovation, (4) de créer un esprit de solidarité dans l’équipe. Quand les personnes se sentent accueillies telles qu’elles sont, elles peuvent donner le meilleur d’elles-mêmes. On peut citer l’exemple des personnes autistes dont les compétences uniques sont reconnues par un nombre grandissant d’entreprises pour accomplir des tâches intellectuelles complexes comme le montre le magnifique film sorti en 2025 « Différente » de Lola Doillon.
Pour conclure : une vraie chance pour les DRH d’apparaitre sous un jour nouveau !
Le care management devient le réacteur de la transformation des organisations. Un réacteur silencieux, mais puissant, où l’on nourrit l’énergie humaine pour que l’entreprise ne se contente pas d’adopter les technologies comme l’IA, mais les transforme en leviers de progrès. Pour les DRH, le care management n’idéalise pas l’humain : il le reconnaît dans toute sa complexité et en fait une force. Il leur permet de créer les conditions d’une sécurité psychologique où les talents osent tenter, dire, inventer[6]. Dans ces environnements, l’erreur devient apprentissage, et l’innovation cesse d’être une injonction pour devenir un mouvement naturel.
On comprend alors que le care management n’est pas une nouvelle mode managériale. C’est une écologie – une manière d’habiter l’entreprise. Une manière de relier technologie et humanité sans les opposer. Une manière de faire de la responsabilité sociale un moteur de performance, et non une contrainte. Une manière de s’assurer que l’innovation ne soit pas guidée par la peur, mais par la confiance. En définitive, une vraie chance pour les DRH d’apparaitre sous un jour nouveau !
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[1]https://www.hbrfrance.fr/strategie/le-piege-des-politiques-regressives-en-entreprise-60961
[2] Ardillier P. & Moreau C. : Le temps du care management, L’Harmatan, Coll. Rencontres et Interférences, 2025.
[3] https://www.hbrfrance.fr/innovation/ia-generatives-en-entreprise-l-humain-au-coeur-du-succes-60769
[4] Nayar, V : Employés d’abord, clients ensuite, (2e ed), Diateino,2018.
[5]https://www.fr.adp.com/rhinfo/articles/2024/09/handicap-et-entreprise-quand-la-vulnerabilite-devient-une-force.aspx
[6]https://www.hbrfrance.fr/strategie/promouvoir-la-securite-psychologique-pour-developper-les-competences-du-21eme-siecle-60639
