Parmi les mesures de plan de relance visant à lutter contre le chômage, le gouvernement a prévu plusieurs aides à l’embauche. Deux aides à destination des jeunes sont déjà opérationnelles : l’aide exceptionnelle pour la première année d’exécution du contrat d’apprentissage et l’aide exceptionnelle pour l’embauche d’un jeune de moins de 26 ans. Tout en reprenant le principe de cette dernière, c’est au tour de l’aide à l’embauche à destination des travailleurs handicapés d’entrer en vigueur[1].  

En période de crise, ce sont souvent les populations qui ont, en temps normal, le plus de mal à s’insérer sur le marché du travail, qui sont les premières touchées. Nombre de jeunes, actuellement, ont du mal à trouver une entreprise dans le cadre de leur formation en alternance. Les travailleurs handicapés ne font pas exception. Le Coronavirus contraint les employeurs et la tendance est de restreindre les perspectives d’embauches au strict minimum. Afin d’inciter les employeurs à se mobiliser envers ces populations, des aides à l’embauche sont prévues dans le cadre du plan de relance. Le décret du 6 octobre 2020[2] met en œuvre l’aide à l’embauche des travailleurs handicapés.

Les salariés et employeurs concernés par l’aide

Cette aide concerne les travailleurs bénéficiant de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé[3]. Cette condition s’apprécie à la date de conclusion du contrat de travail.

Quant aux employeurs, il s’agit de ceux établis sur tout le territoire et qui répondent aux caractéristiques suivantes :

  • Tous les employeurs soumis à l’obligation d’affilier leurs salariés à l’assurance chômage, les associations sont donc concernées[4] ;
  • Les entreprises inscrites au répertoire national des entreprises contrôlées majoritairement par l'Etat[5] ;
  • Les chambres de métiers, les chambres d'agriculture[6] ;
  • Les groupements d'employeurs pour l'insertion et la qualification (Geiq)[7] ;
  • Les employeurs de pêche maritime[8] ;
  • La société anonyme La Poste[9].

En revanche, les établissements publics administratifs (EPA, par exemple les hôpitaux ou Lycées), les établissements publics industriels et commerciaux (EPIC), les sociétés d'économie mixte, l’Etat, les collectivités territoriales et les particuliers employeurs ne peuvent prétendre à l'aide.

Un questions-réponses[10], publié sur le site du ministère du Travail apporte des précisions sur la mise en œuvre de cette aide. Ainsi, le groupement d’employeur est une entreprise et il peut, dès lors qu’il remplit les conditions d’éligibilité, bénéficier de l’aide. Les contrats de travail dont il est tenu compte pour l’attribution de l’aide sont à la fois ceux des salariés permanents du groupement et ceux des salariés mis à disposition au sein des entreprises adhérentes du groupement.

L’aide s’applique aussi aux entreprises des département d’outre-mer.

Par ailleurs, dans le cas particulier d’une reprise d’une entreprise qui s’inscrit dans le cadre de l’article L. 1224-1 du code du travail, la modification de la situation juridique de l’entreprise (reprise d’entreprise, rachat de fonds de commerce par exemple), entraîne la poursuite des contrats de travail en cours chez le nouvel employeur. Il ne s’agit donc pas de nouvelles embauches au sens du décret instaurant l’aide à l’embauche des travailleurs handicapés. En revanche, si des contrats donnant accès au bénéfice de l’aide ont été conclus par l’entreprise avant sa reprise, l’aide continuera d’être versée à l’entreprise reprenant l’activité de celle-ci.

Les conditions pour bénéficier de l’aide

Cette aide est attribuée, à ces employeurs, pour l'embauche d'un salarié bénéficiant de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé, lorsque la rémunération telle que prévue au contrat de travail est inférieure ou égale à deux fois le montant horaire du SMIC. Par exemple, en 2020, pour un contrat à temps plein, la rémunération brute mensuelle maximale ouvrant droit à l’aide est de 3078,84 €. Elle est de 1539,42 € pour un contrat à mi-temps. Ces conditions s'apprécient à la date de conclusion du contrat, c’est-à-dire la date à laquelle la signature des deux parties est recueillie.

La rémunération prise en compte pour l’appréciation de l’éligibilité à l’aide est celle définie par le contrat de travail au moment de l’embauche du salarié. Cette rémunération peut comprendre le salaire de base et les éléments accessoires de rémunération (primes, gratifications, avantages en nature ou en argent, etc.) Seules les éléments connus au moment de la demande seront pris en compte pour le calcul du niveau de rémunération. Par exemple, le montant d’une prime de performance, calculé annuellement et en fin d’année, ne pourra pas entrer dans le calcul. Par ailleurs, le critère lié au niveau de salarié est une condition d’entrée dans le dispositif. De fait, il n’entre pas dans le calcul du montant trimestriel de l’aide. Seuls sont pris en compte pour le calcul trimestriel de l’aide la présence du salarié ou l’interruption du contrat de travail. Par exemple, dans le cas d’un salarié embauché le 1er septembre 2020 en CDD de 9 mois pour une rémunération égale à 1.8 Smic et qui verrait son salaire augmenter à compter du 1er janvier 2021 (dépassant ainsi le plafond de 2 Smic), le bénéfice de l’aide serait maintenu. (« Questions-Réponses du ministère du Travail). 

D’autres conditions cumulatives sont à remplir pour ouvrir droit à l’aide.

Tout d’abord, le salarié doit être embauché en contrat à durée indéterminée (incluant le CDI intérimaire) ou en contrat à durée déterminée d'une durée d'au moins trois mois (les contrats d’apprentissage, les contrats de professionnalisation et les CDD intérimaire ne sont pas éligibles à l’aide). La date de conclusion du contrat doit être comprise entrele 1er septembre 2020 et le 28 février 2021.

Ensuite, l'employeur doit être à jour de ses obligations déclaratives et de paiement à l'égard de l'administration fiscale et des organismes de recouvrement des cotisations et des contributions de sécurité sociale ou d'assurance chômage, ou a souscrit et respecte un plan d'apurement des cotisations et contributions restant dues. Par dérogation, pour les cotisations et contributions restant dues au titre de la période antérieure au 30 juin 2020, le plan d'apurement peut être souscrit dans les conditions et selon les modalités définies à l'article 65 de la loi du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020, qui met en œuvre des mesures de soutien aux entreprises.

De plus, l'employeur ne doit pas bénéficier d'une autre aide de l'Etat à l'insertion, à l'accès ou au retour à l'emploi versée au titre du salarié concerné sur la période. Ainsi, l’aide n’est pas cumulable avec l’aide exceptionnelle pour l’embauche des jeunes de moins de 26 ans. Cela dit, selon le plan de relance, l’aide est en revanche cumulable avec l’offre de services et d’aides financières de l’Agefiph visant à sécuriser les parcours professionnels des personnes handicapées et à compenser le handicap dans l’emploi[11].

Par ailleurs, l’employeur ne doit pas avoir procédé, depuis le 1er janvier 2020, à un licenciement pour motif économique sur le poste concerné par l'aide. Quant au salarié, il ne doit pas avoir appartenu aux effectifs de l'employeur à compter du 1er septembre 2020 au titre d'un contrat n'ayant pas ouvert droit au bénéfice de l'aide. Pour cette dernière condition, le « Questions-Réponses » du ministère du Travail indique que c’est l’article L. 1111-3 du code du travail qui est retenu pour considérer le critère d’appartenance à l’effectif de l’entreprise au 1er septembre. Ainsi, les contrats d’apprentissage, les contrats de professionnalisation, les CIE/CAE, les stagiaires ne font pas partie des effectifs de l’entreprise. Par conséquent, si l’employeur recrute une personne en situation de handicap en CDD d’au moins 3 mois ou en CDI après son contrat d’apprentissage ou son stage, il pourra bénéficier de l’aide à l’embauche des travailleurs handicapés et ce même si l’intéressé était présent dans l’entreprise après le 1er septembre en contrat d’apprentissage ou en stage, sous réserve des autres conditions d’éligibilité.

Enfin, le salarié doit être maintenu dans les effectifs de l'employeur pendant au moins trois mois à compter du premier jour d'exécution du contrat.

Pour compléter avec les informations du « Questions-Réponses » du ministère du Travail :

  • Un gérant de société pourra bénéficier de l’aide pour lui-même sous réserve qu’il soit minoritaire (existence d’un lien de subordination) et qu’il dispose d’un contrat de travail en qualité de salarié de la société.
  • L’aide peut être accordée pour l’embauche d’un associé ou d’un cogérant, sous réserve qu’ils soient salariés de l’entreprise.

Le montant de l’aide

Le montant de l'aide est égal à 4 000 euros au maximum pour un même salarié.

L'aide de l'Etat est due à compter du premier jour d'exécution du contrat de travail. Elle est versée à terme échu, à un rythme trimestriel à raison de 1 000 euros au maximum par trimestre dans la limite d'un an.
Le montant de l'aide est proratisé en fonction de la quotité de temps de travail du salarié et de la durée effective du contrat de travail.

A noter que deux entreprises différentes peuvent bénéficier de l’aide au titre de l’embauche d’un même salarié. Dans ce cas, l’aide sera proratisée en fonction du temps de travail dans chaque entreprise (« Questions-Réponses » du ministère du Travail).

L'aide n'est pas due :

  • a) Pour les périodes d'absence du salarié qui n'ont pas donné lieu au maintien de la rémunération par l'employeur ;
  • b) Pour les périodes au cours desquelles le salarié est placé en position d'activité partielle (il s’agit de l’activité partielle de droit commun[12]) ;
  • c) Pour les périodes au cours desquelles le salarié est placé en position d'activité réduite pour le maintien en emploi (autrement appelée activité partielle de longue durée[13]) au cours du trimestre considéré.

Elle n’est également pas due, de manière définitive, si l’employeur ne produit pas les attestations requises dans les délais 

Lorsque le salarié précédemment lié à l'employeur par un contrat à durée déterminée ayant ouvert droit à l'aide conclut, avant le 28 février 2021, un contrat de travail à durée indéterminée ou un contrat de travail à durée déterminée d'une durée d'au moins trois mois, l'employeur continue à bénéficier de l'aide, même si le salarié a perdu la qualité de travailleur handicapé au cours du précédent contrat, dans la limite du montant maximal par salarié de 4000 €.

La gestion de l’aide

L'aide est gérée par l'Agence de services et de paiement (ASP), avec laquelle l'Etat conclut une convention.

La demande tendant au bénéfice de l'aide est adressée par l'employeur, par l'intermédiaire d'un téléservice (SYLAé, la création d’un compte personnel par l’employeur n’est pas obligatoire lors de la demande d’aide), auprès de l'Agence de services et de paiement dans un délai maximal de six mois suivant la date de début d'exécution du contrat.

L'employeur devra attester sur l'honneur remplir les conditions d'éligibilité mentionnées dans sa demande d'aide.

A noter que le téléservice de l’Agence de services et de paiement sera opérationnel à compter du 4 janvier 2021. Les demandes d'aides seront donc à adresser à compter de cette date.  L’ASP a mis en place un numéro d’assistance à destination des bénéficiaires et qui est déjà disponible : 0809 549 549 (service gratuit + prix de l’appel). L’employeur devra déposer autant de demandes d’aide que de travailleurs en situation de handicap embauchés.

Par la suite, l'aide est versée sur la base d'une attestation de l'employeur justifiant la présence du salarié. Cette attestation, adressée par l'intermédiaire du téléservice, auprès de l'Agence de services et de paiement, est transmise avant les quatre mois suivant l'échéance de chaque trimestre d'exécution du contrat. Elle mentionne, le cas échéant, les périodes d'absence du salarié.
Son défaut de production dans les délais requis entraîne le non-versement définitif de l'aide au titre de cette période.

Selon le « Question-Réponses » du ministère du Travail, l’employeur doit fournir à cette occasion les copies du contrat de travail du salarié concerné (présentant le salaire, le temps et la quotité de travail), de sa pièce d’identité ou de celle de son représentant, de la pièce d’identité et de la décision d’attribution de la qualité de travailleur handicapé du salarié concerné. Ces pièces seront transmises à l’ASP par voie dématérialisée.

Le contrôle

Le bénéficiaire de l'aide tient à la disposition de l'Agence de services et de paiement tout document permettant d'effectuer le contrôle de l'éligibilité de l'aide.

Pour exercer ce contrôle, l'Agence de services et de paiement dispose également de l'accès aux données d'autres administrations publiques, notamment celles de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale et de la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole.

L'Agence de services et de paiement est responsable des traitements de données, y compris personnelles, nécessaires à la mise en œuvre du dispositif.

Le versement de l'aide est suspendu lorsque l'employeur ne produit pas dans le délai d'un mois les documents demandés par l'Agence de services et de paiement et permettant de contrôler l'exactitude de ses déclarations.

L'employeur rembourse le cas échéant à l'Etat l'intégralité des sommes qui ont été perçues au titre de l'aide lorsque le recrutement d'un salarié au titre duquel l'employeur a bénéficié de l'aide à l'embauche a pour conséquence le licenciement d'un autre salarié.

De plus, en cas de constatation :

  • Du caractère inexact des déclarations de l'employeur justifiant l'éligibilité de l'aide, la totalité des sommes perçues par l'employeur sont reversées à l'Etat.
  • Du caractère inexact des attestations de l'employeur justifiant la présence du salarié, les sommes indûment perçues par l'employeur au titre des trimestres considérés sont reversées à l'Etat.

Enfin, l'Agence de services et de paiement assure la gestion des réclamations et des recours relatifs à l'aide.

Muriel Besnard

Consultant Juridique

 

[1] L’aide est entrée en vigueur le 8 octobre 2020.

[2] Décret n° 2020-1223 du 6 octobre 2020, JO du 7 octobre 2020

[3] Il s’agit de celle mentionnée à l’article L. 6213-1 du Code du travail

[4] Articles L. 5422-13 et L. 5134-66 du Code du travail

[5] 3° de l’article L. 5424-1 et L. 5134-66 du Code du travail

[6] 4° de l’article L. 5424-1 et L. 5134-66 du Code du travail

[7] Article L. 5134-66 du Code du travail

[8] Article L. 5134-66 du Code du travail

[9] 7° de l’article L. 5424-1 du Code du travail

[11] Plan, page 173

[12] Au titre de l’article R. 5122-1 du Code du travail

[13] Au titre de l’article 53 de la loi du 17 juin 2020