Février 2023

L’accord national interprofessionnel du 9 décembre 2020 a prévu la création d’un passeport prévention, mettant ainsi en avant la formation comme un des moyens de la prévention des risques professionnels. L’objectif affiché est d’éviter « les formations surabondantes et parfois même redondantes ». C’est la loi santé au travail du 2 août 2021 [1] qui en a précisé les modalités de déploiement. Nous attendions un décret d’application qui a été publié fin décembre.

L’article 6 de la loi santé au travail a prévu que les modalités de mise en œuvre du passeport de prévention sont déterminées par le Comité national de prévention et de santé au travail (CNPST) avant d'être approuvées par voie réglementaire. Le décret [2] était attendu pour octobre 2022, il a finalement été publié en décembre. Ce décret approuve ainsi la délibération du CNPST du 13 juillet 2022. A noter que la loi a un peu modifié l’objectif de ce nouveau dispositif, puisqu’en plus d’un nouvel outil pour les salariés, elle créé une nouvelle obligation pour les employeurs. Je vous propose de faire le point sur ces mesures qui vont se mettre en place progressivement.

Qu’est-ce que le Passeport de prévention ?

Le passeport de prévention recense les attestations, certificats et diplômes obtenus par le travailleur dans le cadre des formations relatives à la santé et à la sécurité au travail.

La loi Santé au travail [3] du 2 août 2021 a intégré le passeport prévention au passeport d'orientation, de formation et de compétences lui-même intégré au système d'information du compte personnel de formation. C'est à ce titre que la Caisse des dépôts et consignations (CDC) assurera la gestion du passeport de prévention à l'instar du passeport d'orientation, de formation et de compétences.

Aussi, le décret de décembre 2022 approuve la délibération du Comité national de prévention et de santé au travail (CNPST) du 13 juillet 2022 qui détermine les modalités de mise en œuvre du passeport de prévention. En créant ce passeport, le législateur a ainsi retenu la proposition faite par les partenaires sociaux dans le cadre de l'accord national interprofessionnel du 9 décembre 2020.

D’ailleurs, c’est le CNPST qui assurera le suivi du déploiement.

Le calendrier du déploiement

Le passeport prévention s’est matérialisé d'abord par un site d'information [4] livré en octobre 2022.

L’ouverture effective du passeport prévention pour les travailleurs est prévue en avril 2023.

Cette situation implique :

  • Une mise en œuvre progressive de ce dispositif tant sur son architecture que sur son contenu (périmètre des formations visées).
  • Une progressivité, en parallèle, des exigencesqui pourront être demandées aux employeurs : selon le site d’information, l’ouverture du passeport de prévention aux employeurs et la déclaration des données est prévue pour 2023/2024. Enfin en 2024, tous les employeurs pourront consulter les passeports de prévention.
  • De prendre en compte la question de compatibilité technique des échanges d'informations entre les entreprises, les organismes de formation, et le site Passeport formation ; cette compatibilité ne pourra pas être immédiate pour toutes les entreprises ou organismes de formation car devra nécessiter des développements informatiques permettant un flux machine to machine.

Un outil au service des employeurs et des salarié(e)s

Si le passeport de prévention constitue une nouvelle obligation pour les employeurs, ce n’était pas l'intention originelle des partenaires sociaux, ces derniers insistent ainsi sur le fait que le passeport de prévention devra rester un outil au service des employeurs et des salariés. Il doit faciliter la circulation entre eux de l'information sur les formations suivies, les compétences acquises et les certificats obtenus .

Dans cette logique, le passeport ne doit pas :

  • Être un moyen de contrôle des compétences des salariés.
  • Constituer un prérequis obligatoire à tout recrutement des salariés.
  • Être confondu avec les droits du salarié attachés au CPF même s'il est intégré dans le même système d'informations. L'utilisation des droits CPF acquis par les salariés reste à l'unique appréciation de ces derniers.
  • Avoir pour finalité d'être un outil de contrôle des formations dispensées par l'employeur. Comme ce dernier renseigne le passeport de prévention, la priorité devra être donnée à un accompagnement de ces derniers, en particulier pour les TPE/PME.

Aussi, l'employeur reste libre de garder les supports qu'il utilise actuellement pour justifier de la réalisation des formations en cas de contrôle.

Qui renseigne le Passeport de prévention ?

Trois acteurs renseignent le passeport de prévention :

  • Les salarié(e)s,
  • Les employeurs,
  • Les organismes de formation.

Les salariés

Au titre des articles L. 4141-5 et L. 4111-5 du code du travail, le passeport de prévention vise les travailleurs et les demandeurs d'emploi.

Ainsi, le travailleur peut inscrire, dans le passeport de prévention, les attestations, certificats et diplômes obtenus dans le cadre des formations qu'il a suivies dans les domaines de la santé et de la sécurité au travail, lorsqu'ils sont obtenus à l'issue de formations qu'il a suivies de sa propre initiative.

Un demandeur d'emploi peut aussi ouvrir un passeport de prévention et y inscrire ces éléments.

Les employeurs

L'employeur renseigne également dans un passeport de prévention les attestations, certificats et diplômes obtenus par le travailleur dans le cadre des formations relatives à la santé et à la sécurité au travail dispensées à son initiative.

Le décret indique, sans plus de détail, que plusieurs situations sont à distinguer selon le statut juridique de l'employeur : l'entreprise de droit commun, les entreprises de travail temporaire, les entreprises étrangères intervenant en France.

Pour optimiser la visibilité de l'employeur sur les formations qu'il a dispensées ou fait réaliser par un organisme de formation, l'employeur pourra activer un espace dédié d'information auquel seul lui ou son délégataire pourra accéder.

Les organismes de formation

Les organismes de formation ont l'obligation de renseigner le passeport prévention pour les formations qu'ils dispensent :

  • Lorsqu'une formation est assurée par un organisme de formation externe à l'entreprise, cet organisme alimente le Passeport de prévention du titulaire pour la formation qu'il aura assurée. Cette alimentation portera notamment sur l'attestation de suivi de formation, ou le cas échéant sur le certificat de réussite.
  • Pour les formations débouchant sur une certification, l'alimentation par l'organisme certificateur du passeport d'orientation, de formation et de compétences du salarié entrainera l'alimentation, par ricochet, du passeport de prévention.

Dans ce cadre, les organismes concernés informeront l'employeur par tout moyen qu'ils ont effectivement alimenté le passeport. Cela se traduira par la mise en place d'un système de notification automatique sur l'espace dédié. Cette notification électronique automatique, relatif aux parties intéressées au passeport de prévention, ne s'applique qu'aux formations organisées à l'initiative de l'employeur.

Le salarié est aussi informé de l'alimentation de son passeport par l'organisme de formation ou de certification par le biais d'une notification électronique.

Un outil géré par le salarié

Le passeport est un outil géré par le salarié, c'est à ce dernier d'apprécier ce qu'il rend consultable/communicable par un employeur ou son délégataire, sous réserve du respect des conditions de traitement des données à caractère personnel, y compris :

  • Les données que l'employeur n'y a pas versées dans le passeport,
  • Les formations que le titulaire du passeport a suivies de sa propre initiative (données relatives aux attestations, certificats et diplômes dans des formations sur la santé et la sécurité au travail).

Le salarié peut donner son accord pour un accès, total ou partiel, par son employeur, au passeport le concernant, ou lui refuser cet accès. Les modalités de cet accord et les conditions de cet accès seront précisées par arrêté du ministre chargé du travail.

Le travailleur peut donc autoriser l'employeur à consulter l'ensemble des données contenues dans le passeport de prévention, y compris celles que l'employeur n'y a pas versées, pour les besoins du suivi des obligations de ce dernier en matière de formation à la santé et à la sécurité, sous réserve du respect des conditions de traitement des données à caractère personnel prévues à l'article 4 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.

Le contenu du passeport de prévention

Le périmètre du contenu du passeport de prévention est composé :

  • Des attestations, certificats et diplômes dispensés en interne au sein de l'entreprise, y compris à l'étranger ou en externe par le biais d'organisme de formation.

Ces attestation, certificat ou diplôme permettent de s'assurer de la bonne réalisation de la formation dans les conditions fixées par la réglementation du code du travail ou garanties par tout autre dispositif de validation.

  • D'informations recensées dans le passeport qui relèvent de 5 catégories :

1. Les données relatives à l'identification de l 'employeur ;

2. Les données relatives à l'identification de l'organisme de formation ;

3. Les données relatives à l'identification du titulaire du passeport de prévention ;

4. Les données relatives aux attestations, certificats et diplômes obtenus par le titulaire du passeport de prévention dans le cadre des formations relatives à la santé et à la sécurité au travail ;

5. Les certificats en santé et sécurité au travail obtenus par le titulaire du passeport de prévention et recensées dans son passeport d'orientation, de formation et de compétences [5] .

Une mise en œuvre progressive

Le passeport doit se développer de façon progressive dans la mesure où il ne pourra pas intégrer d'emblée l'ensemble des « attestations, certificats et diplômes »

Il est donc proposé d'intégrer dans un premier temps les formations transférables c'est-à-dire des formations qui peuvent être transférées aisément d'une entreprise à une autre , ce qui correspond à des formations en santé-sécurité visées par le code du travail et réalisées par des organismes de formation externes ou réalisées en interne par l'entreprise.

Ces premières formations concerneront dans un premier temps les formations obligatoires spécifiques au titre du code du travail (Amiante, Travaux sous tension, travaux en hauteur, travaux hyperbares, appareils de levage ou équipement de travail mobile auto-moteur), exceptées les formations liées à la prise de poste de travail et à son évolution, les « Formations non réglementées avec objectif précisé par la réglementation pour des postes qui nécessitent l'habilitation par l'employeur » (CACES, risque pyrotechnique), et pas l'habilitation elle-même.

Selon le décret, l'attestation doit permettre, lorsque le travailleur le souhaite, de renseigner le nouvel employeur afin de lui permettre d'adapter les formations à mettre en œuvre, en tant que de besoin.

L'alimentation du passeport de prévention ne concerne pas les formations qui ont été dispensées antérieurement à la mise en œuvre effective de ce dispositif. Le travailleur conserve néanmoins la faculté d'y intégrer ces formations suivies antérieurement.

Enfin, les partenaires sociaux proposent que le cahier des charges prévoie une clause de revoyure qui permettra de faire une évaluation de cette étape de « mise en route » du passeport prévention.

Muriel Besnard

Consultant Juridique


[1] Loi n° 2021-1018 du 2 août 2021 pour renforcer la prévention en santé au travail, publiée au journal officiel du 3 août 2021

[2] Décret n° 2022-1712 du 29 décembre 2022, publié au journal officiel du 30 décembre 2022 – Date d’entrée en vigueur : 31 décembre 2022

[3] Article L. 4141-5 du Code du travail

[5] Il s’agit du passeport d’orientation, de formation et de compétences mentionné au second alinéa du II de l’article » L. 6323-8 du Code du travail.