Avril 2023

Cette loi vise à la transposition de plusieurs textes issus de l’Union européenne adoptés ces trois dernières années. Effectivement, en droit de l’Union européenne il existe plusieurs actes de droit, si le règlement est directement applicable, la directive nécessite une transposition de la part de l’Etat pour être applicable. A ce titre, la directive décrit un objectif tout en laissant une marche de manœuvre pour les Etats membres dans la forme et les moyens d’y parvenir.

Comme précisé dans son intitulé complet, cette loi va toucher à plusieurs domaines : l’économie, La santé, le travail, les transports et l’agriculture.

Ce type de projet de loi n’est pas une nouveauté. Ces lois « globales » de transposition dites « Loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne (DDADUE) » existent depuis plus d’une décennie. Elles sont un moyen pratique et rapide face à l’obligation de transposition des directives de l’Union européenne.

Cette loi[1] a été définitivement adoptée par l’Assemblée nationale le 28 février 2023 et publiée le 10 mars 2023.

Le projet de loi a pour objet la transposition de « six directives et de mettre en œuvre six règlements que l'Union européenne a adoptés dans ces domaines ces trois dernières années. Il procède, par ailleurs, à des mises en conformité de dispositions du droit national avec le droit de l'Union européenne rendues nécessaires dans le cadre de mises en demeure ou à la suite de décisions contentieuses. »[2]

Cette DDADUE[3] vient toucher au domaine social, il s’agit du deuxième titre du projet de loi. Dans cet article, la loi vient transposer deux directives en la matière :

  • La directive (UE) 2019/1152 du 20 juin 2019 relative à des conditions de travail transparentes et prévisibles dans l’Union européenne
  • La directive (UE) 2019/1158 du 20 juin 2019 concernant l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée des parents et des aidants.

Renforcement de l’information des salariés et du formalisme du contrat

Le formalisme du contrat de travail

Suivant la directive 2019/1152 du 20 juin 2019, la loi vient insérer un nouvel article dans le code du travail, le L. 1221-5-1 :

« L'employeur remet au salarié un ou plusieurs documents écrits contenant les informations principales relatives à la relation de travail. ».

La nature et l’intitulé des documents à transmettre seront détaillés dans un décret en Conseil d’Etat à paraitre.

A titre indicatif, la directive prévoyait que les documents concernaient des informations relatives à l'identité des parties, la date de début de la relation de travail, la durée et les conditions de la période d'essai, le lieu de travail, la rémunération, la durée du travail et la convention collective applicable.

Cette nouvelle règle vient éteindre le principe selon lequel le CDI en temps plein (35h) pouvait être établi de façon orale.

Ce même article prévoit dans l’alinéa suivant une procédure progressive dans l’hypothèse où l’employeur aurait omis de fournir lesdits documents ou ne les aurait remplis que partiellement. Dans le cas du manquement, le salarié devra mettre en demeure son employeur de lui remettre / compléter les documents nécessaires avant le cas échéant d’agir devant le juge pour l’obtention des documents requis.

« Un salarié qui n'a pas reçu les informations mentionnées au premier alinéa ne peut saisir le juge compétent afin de les obtenir qu'après avoir mis en demeure son employeur de lui communiquer les documents requis ou, le cas échéant, de compléter les documents remis. »

Cependant, le législateur renvoi à un décret à paraitre concernant les modalités d’action.

Si ces documents devront être fournis pour tout contrat signé après l’entrée en application de la loi, soit le 11 mars 2023, les salariés titulaires d’un contrat de travail déjà en cours d’exécution pourront demander que leur soit aussi transmis cette liste de documents. (Sur cette procédure de demande, une fois encore le législateur renvoi à un décret à paraitre).

Par ailleurs, l’employeur qui utilise le dispositif du guichet unique du spectacle occasionnel (GUSO) pour déclarer des intermittents du spectacle serait réputé satisfaire à cette nouvelle obligation d’information pour les salariés concernés (c. trav. art. L. 7122-24 modifié).

Enfin, le code des transports est modifié pour adapter cette nouvelle obligation d’information aux gens de mer et la rendre applicable au personnel navigant professionnel de l’aviation civile (c. transports art. L. 5542-3-1 nouveau)

Informations données au contrat en CDD et intérimaires

La loi vient aussi modifier les article L. 1242-17 et Art. L. 1251-25. Désormais, l’employeur doit, à la demande des titulaires de contrats à durée déterminée ou précaire (CDD et intérim), les informer des CDI à pourvoir dans l’entreprise dès que ceux-ci justifient d’une ancienneté d’au moins 6 mois dans l’entreprise.

Un renvoi à un décret à paraitre est effectué afin de fixer les modalités d’application de ces articles (notamment sur la forme que doit prendre l’information et la demande).

Le changement face aux anciens textes se fait sur la précision d’une ancienneté suffisante du salarié temporaire dans l’entreprise. De plus, cette information est élargie à un plus grand public puisque la loi retire la mention « lorsqu'un tel dispositif d'information existe déjà pour les salariés bénéficiant d'un contrat à durée indéterminée. ». Il faut comprendre que désormais, toutes les entreprises sont concernées et non plus seulement celles qui avaient déjà mis en place un système similaire pour les bénéficiaires de contrat en CDI.

Fin des dérogations permise en matière de période d’essai

L’article 19 de la loi vient supprimer le deuxième alinéa de l’article L 1221-22 lequel permettait une durée dérogatoire (plus longue) de la période d’essai lorsque celle-ci avait été consignée dans les accords de branche conclus avant la date de publication de la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008 portant modernisation du marché du travail.

Autrement dit, il ne pourra plus exister de durée de période d’essai supérieure à ce qui est légalement prévu en la matière. Pour rappel l’article L 1221-19 du Code du travail établit les durées suivantes selon les classifications :

  • Ouvriers et les employés : deux mois
  • Agents de maîtrise et les techniciens : trois mois
  • Cadres : quatre mois

L’article L 1221-21 quant à lui rappelle que la période d’essai peut être renouvelée lorsque l’accord de branche le précise, et ce dans la limite des doubles des durées mentionnées ci-dessus.

Cependant, cette nouvelle disposition ne s’appliquera que six mois après l’entrée en vigueur de la loi. Il sera alors impossible de prévoir une durée maximale de période d’essai plus longue que celles prévues par le code du travail en fonction de la catégorie du salarié.

L’assimilation de certains temps pour l’ouverture de droit aux salariés

Congé paternité et congé d’accueil d’adoption pour l’ancienneté

En l’absence de mention expresse dans le code du travail, le congé paternité et le congé d’accueil de l’enfant n’étaient pas assimilés à un temps devant être pris en compte pour le calcul de l’ancienneté, sauf en présence de dispositions conventionnelles ou d’usage plus favorables.

Désormais la loi vient rectifier ce point mettant ainsi ces congés et le congé maternité sur un même pied d’égalité face à l’ancienneté. Cette disposition sera codifiée à l’article L. 1225-35-2 nouveau.

Appréciation de la condition d’ancienneté pour l’ouverture au droit du congé parental d’éducation

Si les règles actuelles prévoient que le salarié souhaitant bénéficier du congé parental d’éducation doit justifier d’au moins un an d’ancienneté à la date de la naissance de l’enfant ou d’arrivée de l’enfant adopté, la nouvelle loi vient déconnecter l’appréciation de la condition d’ancienneté d’un an de la date de naissance ou d’arrivée de l’enfant adopté (Article L 1225-47 modifié).

En d’autres termes, cela permet d’ouvrir le droit au congé parental d’éducation quelle que soit la date d’obtention de l’ancienneté dans l’entreprise, y compris si celle-ci est acquise postérieurement à la date de naissance ou d’arrivée de l’enfant adopté.

De plus, la loi vient aussi inscrire comment doit être prise en compte l’ancienneté du salarié bénéficiant d’un congé parental d’éducation selon qu’il soit pris à temps partiel ou temps plein.

  • Lorsque le congé est à temps plein, le salarié continue d’acquérir des droits liés à l’ancienneté à hauteur de 50 %.
  • Lorsque le congé est à temps partiel, la totalité du congé est assimilée à un temps de travail effectif pour la détermination de l’ancienneté.

En conséquence, dans l’hypothèse d’un licenciement, il convient de considérer le salarié en congé parental à temps partiel comme s’il avait été à temps plein dans l’entreprise durant la période de référence, et non plus par l’application d’un prorata lié au passage à temps partiel.

Il est aussi prévu que le salarié conserve le bénéfice de tous les avantages qu’il a acquis avant le congé (congé de paternité, d’accueil de l’enfant, parental d’éducation et présence parentale).

Selon l’étude d’impact du projet de loi, entre autres effets, cette nouvelle disposition permet notamment aux salariés concernés d’avoir la garantie de conserver les droits à congés payés acquis avant leur congé, sachant qu’en l’état le code du travail ne permet pas toujours le report des congés payés si la période de prise des congés s'est achevée pendant l'une de ces périodes d'absence.

Il s’agit ici encore de mettre sur un même pied d’égalité les congés visés par la loi avec d’autres congés comme le congé maternité (c. trav. art. L. 3141-2) et le maintien des droits acquis pour le congé de solidarité familiale (c. trav. art. L. 3142-12) ainsi que le congé de proche aidant (c. trav. art. L. 3142-21) qui bénéficient d’or-et-déjà de dispositions prévoyant ces garanties.

Participation aux résultats : assimilation du congé de paternité à une période de présence

La loi assimile les périodes de congé de paternité et d’accueil de l’enfant à une période de présence dans l’entreprise pour la répartition de la réserve spéciale de participation, lorsque celle-ci est effectuée proportionnellement à la durée de présence (c. trav. art. L 3324-6 modifié).

Dans les faits, cette nouvelle disposition vient compléter la loi pouvoir d’achat du 16 aout 2022 qui avait permis l’assimilation des périodes de congé de paternité et d’accueil de l’enfant à une période de présence en entreprise pour ce qui est de la répartition de l’intéressement (c. trav. art. L. 3314-5).

Suivant les logiques du texte ainsi que les évolutions récentes sur la question de l’intéressement, il est probable que cette assimilation s’effectue aussi dans l’hypothèse de la répartition de la réserve spéciale de participation proportionnelle aux salaires par la prise en compte de la rémunération que le salarié aurait eue s’il n’avait pas été en congé de paternité.

Cependant, pour cette seconde partie, cela suppose que le gouvernement intervienne par décret afin de modifier l’article en question (c. trav. art. D. 3324-11), ce qui est le cas depuis peu pour l'intéressement.

Nouveauté en matière de CESU

La loi abaisse le seuil de la dérogation permettant aux particuliers employeurs utilisant le CESU de ne pas formaliser par écrit les contrats de travail des salariés employés en CDD ou à temps partiel (loi art. 19, I, 5°, a).

La loi vient aussi abaisser le seuil de la dérogation permettant aux particuliers employeurs utilisant le CESU de ne pas formaliser par écrit les contrats de travail des salariés qu’ils emploient en CDD ou à temps partiel.

Cette dérogation valait pour les contrats dont la durée de travail n’excédait pas 8 heures par semaine ou ne dépassant pas 4 semaines consécutives dans l’année. Cette limite exonératoire est désormais abaissée et ne concernera que les contrats dont la durée de travail n’excède pas 3 heures par semaine au cours d’une période de référence de 4 semaines

Aujourd’hui, cette dérogation concerne les emplois dont la durée de travail n'excède pas 8 heures par semaine ou ne dépasse pas 4 semaines consécutives dans l'année. (c. trav. art. L. 1271-5 modifié).

Comme précisé plus haut, les employeurs devront transmettre les documents essentiels à leur salarié pour les contrats à venir lorsque le Conseil d’Etat aura établi cette liste par décret. Cependant, les particuliers employeurs utilisant le CESU seront dispensés de cette obligation.

Congés de solidarité familiale et de proche aidant

La loi étend les dispositifs du congé de solidarité familiale et du congé de proche aidant aux particuliers employeurs et aux assistants maternels de droit privé (loi art. 18, I, 6° et II ; c. trav. art. L. 7221-2 modifié ; CASF art. L. 423-2 modifié).

Florian COSTE

Juriste Droit Social


[1] la Loi n°2023-171 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union Européenne dans les domaines de l'économie, de la santé, du travail, des transports et de l'agriculture

[2] Propos introductifs de l’Exposé des motifs du projet de loi

[3] Loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne