Cet été le gouvernement a travaillé sur des mesures permettant de redonner du pouvoir d’achat aux français. Deux lois ont été publiées au journal officiel du 17 août 2022 : la loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat[1] et la loi de finances rectificative[2] pour 2022. Cette dernière loi a vu l’essentiel de ses mesures validées par le Conseil Constitutionnel[3], dont celle portant sur la monétisation des jours de repos.

La loi de finances rectificatives pour 2022 introduit différents dispositifs permettant de doper le pouvoir d’achat. Il s’agit par exemple de revaloriser la limite d’exonération de la part patronale des titres-restaurants, de relever certains plafonds d’exonération lorsque l’employeur prend en charge des frais de trajet entre le domicile et le lieu de travail… et d’ouvrir la possibilité de monétiser les jours de repos. A noter que la plupart de ces mesures n’auront réellement d’impact sur le pouvoir d’achat que si l’employeur décide de les mettre en œuvre. D’ailleurs, celle sur la monétisation des jours de repos requiert l’accord de l’employeur et du salarié. Je vous propose de passer en revue l’ensemble de ce dispositif.

Monétisation des jours de repos : le principe

Selon l’article 5 de la loi de finances rectificative pour 2022, les salariés peuvent, en accord avec leur employeur, renoncer à tout ou partie des journées ou demi-journées de repos acquises pour la période courant du 1er janvier 2022 au 31 décembre 2025.

Cette possibilité, entrée en vigueur le 18 août 2022, concerne toutes les entreprises, quelle que soit la taille.

Les jours de repos visés

Tout d’abord, le dispositif concerne les jours de repos acquis du 1er janvier 2022 au 31 décembre 2025. Pour le moment, cette possibilité est donc limitée dans le temps.

Ensuite, les jours de repos doivent être acquis en application d’un accord collectif applicable dans l’entreprise. Au préalable, il faut donc qu’il y ait un accord collectif d’entreprise, d’établissement ou à défaut de branche prévoyant l’octroi de jours de repos.  

Aussi, sont visés, aussi bien les jours résultant d’un dispositif de réduction du temps de travail (RTT), maintenu en vigueur en application de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 que les jours de repos conventionnels mis en place dans le cadre d’un dispositif d’aménagement du temps de travail sur une période supérieure à la semaine (articles L. 3121-41 à L. 3121-47 du Code du travail).

Pour rappel, la loi du 20 août 2008 a remplacé les jours de RTT par d’autres dispositifs d’aménagement du temps de travail, dont celui de réduction du temps de travail sous forme de jours ou de demi-journées de repos. Toutefois, la loi de 2008 a également prévu de sécuriser le dispositif des jours de RTT en maintenant en vigueur ces conventions ou accords collectifs de réduction du temps de travail.

Quant aux jours conventionnels, ils sont mis en place par un dispositif institué par la loi du 20 août 2008. Ainsi, par convention ou accord collectif, un employeur peut mettre en place la répartition des horaires permettant d’aménager le temps de travail sur une période supérieure à la semaine et au plus égale à l’année, période pouvant aller jusqu’à 3 ans si un accord de branche l’autorise[4]. A défaut d’accord (à titre supplétif), l’employeur peut aménager unilatéralement le temps de travail sur une période pouvant aller jusqu’à 4 (entreprises de 50 salariés ou plus) ou 9 (entreprises de moins de 50 salariés) semaines[5]. A noter que la loi de finances rectificative vise les jours de repos conventionnels, il semble donc que les jours de repos mis en place, à défaut d’accord et donc à titre supplétif, ne soient pas concernés par la monétisation telle que prévue par cette loi. Ce point mériterait toutefois d’être confirmé ou infirmé par une instruction.

Pour rappel, auparavant, en principe les jours de repos non pris étaient perdus, sauf exception. En effet, dans les trois situations suivantes, les jours de repos peuvent être indemnisés :

  • Lorsque l’accord collectif le prévoit ;
  • Lorsque l’entreprise est dotée d’un compte épargne-temps (CET) qui permet aux salariés de bénéficier d'une rémunération, immédiate ou différée, en contrepartie des périodes de congés ou de repos non pris [6]. Pour mémoire, le CET n'est pas obligatoire et doit être prévu par une convention ou un accord collectif[7] ;
  • Lorsque l’absence de prise des jours de repos est imputable à l’employeur[8].

Enfin, le nombre de jours de repos pouvant être racheté n’est pas limité par le texte de loi.

Modalités pratiques

Le salarié peut renoncer à ses jours de repos en accord avec son employeur. En pratique le salarié fait sa demande et l’employeur peut accepter ou refuser.

En cas de refus, l’employeur n’a pas besoin de justifier. Aussi, l’employeur ne peut pas imposer le rachat à ses salariés. Le formalisme de la demande n’est pas imposé par la loi. Cela dit, que ce soit pour l’employeur ou le salarié, l’écrit est recommandé.

La majoration

Les jours ou demi-journées de repos travaillés à la suite de cette renonciation ouvrent droit à une majoration de salaire au moins égale à la majoration pour la première heure supplémentaire applicable dans l’entreprise.

Le code du travail[9] prévoit un taux de majoration de 25% pour les huit premières heures supplémentaires. Toutefois, un accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche[10], peut prévoir des taux inférieurs ou supérieurs à ceux prévus par la loi, mais en respectant un minimum de 10 %. Le taux de majoration applicable au paiement de ces jours de repos variera donc entre le minimum de 10 % si un accord collectif le prévoit ou 25 % en l'absence d'un tel accord.

A noter que ces jours ou demi-journées travaillés en sus ne s’imputent pas sur le contingent annuel d’heures supplémentaires.

Régime social et fiscal

Lorsque le salarié renonce à ses jours de repos, il bénéficie d’une rémunération majorée.

Cette rémunération majorée ouvre droit à :

  • L’exonération fiscale des heures supplémentaires et complémentaires (avec son plafond réhaussé de 5000 à 7500€ à compter de 2022[11]) prévue à l’article 81 quater du CGI ;
  • La réduction de cotisations salariales des heures supplémentaires prévue à l’article L. 241-17 du Code de la Sécurité Sociale. Attention toutefois, cette réduction de cotisations salariales se fera dans la limite des taux de majorations légaux ou conventionnels ;
  • La déduction forfaitaire patronale des heures supplémentaires prévue à l’article L. 241-18 du Code de la Sécurité sociale : pour les entreprises de moins de 20 salariés, la déduction est de 1,5€ applicable à chaque heure supplémentaire. A noter que le dispositif prévu par la loi « Pouvoir d’achat », venant rehausser le seuil d’effectif applicable à cette déduction forfaitaire pour y inclure les entreprises d’au moins 20 salariés jusqu’à moins de 250 salariés, ne s’applique pas au rachat de jours de repos[12].   

Enfin la loi prévoit que le montant des jours de repos travaillés en supplément est bien inclus dans le revenu fiscal de référence de l’individu.

Les salariés en forfait jours et les jours de repos

Le dispositif de monétisation des jours de repos ne concerne pas les salariés en forfait jours.

En effet, les salariés en forfait jours bénéficient déjà de cette faculté de rachat des jours de repos non pris en contrepartie d’une majoration de salaire.

De même, le salarié fait sa demande et l’employeur peut accepter ou refuser. Si l’employeur accepte, l’accord passé avec le salarié doit faire l’objet d’un écrit[13].

Le rachat de ces jours de repos ouvre droit à une rémunération majorée, qui ne peut pas être inférieure à la valeur de ce temps de travail supplémentaire majorée de 10 %. Cette rémunération est fixée par avenant à la convention de forfait conclue entre le salarié et l’employeur.

L’employeur doit tout de même être vigilant à ce que le nombre de jours travaillés dans l’année ne dépasse pas le nombre maximal annuel de jours travaillés fixé par l’accord collectif[14]. A défaut, le maximum est de 235 jour par an[15] sachant que le nombre de jours travaillés doit toujours être compatible avec les règles de congés payés, de repos quotidien, de repos hebdomadaire et les jours fériés chômés dans l’entreprise.

Monétisation des jours de repos et Index EFH

L’Index égalité femmes-hommes (Index EFH) est un ensemble d’indicateurs que les employeurs d’au moins 50 salariés doivent publier chaque année, au plus tard le 1er mars, sur leur site internet, puis transmettre ces informations à l’administration via le site « Egapro » et aux représentants du personnel via la base de données économiques, sociales et environnementales.

Le dispositif de monétisation des jours de repos constitue une rémunération au sens de l’article L. 3221-3 du code du travail, c’est-à-dire la rémunération retenue pour le calcul des indicateurs égalité femmes-hommes.

Toutefois, selon la direction générale du travail (DGT) que nous avons interrogée, la rémunération majorée issue de la monétisation des jours de repos est à exclure de l’assiette de rémunération retenue pour le calcul de l’Index.

En effet, la monétisation des jours de repos placés sur le CET[16], et les sommes liées au rachat de jours de repos prévu pour les salariés en forfait jours sont déjà exclues de l’assiette de rémunération retenue pour le calcul de l’Index.

« Ainsi, dans un souci de cohérence avec l’exclusion des deux dispositifs susmentionnés, la monétisation des jours de repos prévue par l’article 5 de la loi du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022, de même que la majoration de salaire associée, ne doivent pas être prises en compte dans l’assiette de rémunération retenue pour le calcul de l’Index ».

Muriel Besnard

Consultant Juridique

 

[1] Loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, publiée au journal officiel du 17 août 2022

[2] Loi n° 2022-1157 du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022, publiée au journal officiel du 17 août 2022

[3] Décision du Conseil Constitutionnel – Décision n° 2022-842 du 12 août 2022 : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000046186787

[4] Articles L. 3121-41 à L. 3121-44 du Code du travail

[5] Articles L. 3121-45 à L. 3121-47 du Code du travail

[6] Article L. 3151-2 du Code du travail

[7] Article L. 3151-1 du Code du travail

[8] Cass. soc. 18-3-2015 n° 13-16.369 FS-PB

[9] Article L. 3121-36 du Code du travail

[10] Article L. 3121-33 du Code du travail

[11] Article 4 de la loi n° 2022-1157 du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022

[13] Article L. 3121-59 du Code du travail

[14] Article L. 3121-64 du Code du travail

[15] Article L. 3121-66 du Code du travail

[16] dans la mesure où certaines de ces sommes peuvent correspondre à des heures supplémentaires / complémentaires qui sont exclues de cette assiette de rémunération et qu’il n’est pas possible de faire la distinction au moment du versement (FAQ en ligne)