Depuis un an, de nouveaux motifs d’arrêts de travail dérogatoires sont apparus dans le contexte sanitaire que nous connaissons : isolement, cas contacts, garde d’enfants, personnes vulnérables.

Depuis le 1er mai 2020, les collaborateurs ayant le statut de personne vulnérable ainsi que ceux contraints de garder leur enfant à domicile sont indemnisés au titre de l’activité partielle.

En revanche, les salariés amenés à s’isoler ou cas contacts ont continué à bénéficier d’une indemnisation dérogatoire au titre de la maladie. Ce qui a conduit la thématique des arrêts maladie à constituer un sujet fil rouge pendant la pandémie.

D’abord prolongées jusqu’au 31 mars 2021 par un décret du 8 janvier (décret n°2021-13 du 8 janvier 2021, JO du 9), ces mesures sont étendues jusqu’au 1er juin 2021 et élargies à d’autres motifs d’arrêts par un décret du 11 mars (décret n°2021-221 du 11 mars 2021, JO du 12).

Nous vous proposons un tour d’horizon des dispositions actuellement applicables en la matière jusqu’au 1er juin 2021.

La prolongation des arrêts dérogatoires et l’élargissement des motifs d’arrêt

Prolongation des dispositions relatives aux cas contacts

Tout d’abord, le décret du 8 janvier 2021 (décret n°2021-13 du 8 janvier, JO du 9) a confirmé la prolongation des dispositions d’indemnisation dérogatoire applicables pour les salariés cas contacts, jusqu’au 31 mars 2021.

Par la suite, le décret du 11 mars 2021, (décret n°2021-271 du 11 mars, JO du 12) a maintenu ces mesures jusqu’au 1er juin 2021.

Est visé ici, l’assuré ayant fait l’objet d’une mesure d’isolement en tant que « contact à risque de contamination » au sens du décret du 12 mai 2020[1]. En pratique, ces personnes sont contactées directement par leur caisse primaire d’assurance maladie afin de les informer (si elles ne sont pas déjà prévenues par ailleurs) de leur statut de cas contact, pour les inviter à s’isoler et à réaliser un test.

Si elles ne sont pas en mesure de télétravailler, elles peuvent solliciter sur le téléservice Déclare-Ameli (ou son pendant sur le site de la MSA)un certificat d’isolement valant arrêt de travail. La durée de cet arrêt est de 7 jours et est rétroactif dans la limite de 4 jours si l’assuré avait déjà entamé son isolement.

Cette prolongation est entrée en vigueur au titre des indemnités versées depuis le 1er janvier 2021 quelle que soit la date du premier jour d’arrêt, jusqu’au 1er juin 2021 inclus.

Elargissement du champ d’application des arrêts dérogatoires

Le décret du 8 janvier, autorise l’application des conditions dérogatoires d’indemnisation aux assurés dans les situations suivantes :

àL’assuré présente des symptômes d’infection de la Covid-19, à condition qu’il se fasse dépister dans un délai de 2 jours à compter du début de l’arrêt de travail, et pour la durée courant jusqu’à la date d’obtention du résultat du test.

àL’assuré présente le résultat d’un test Covid-19 positif.

àL’assuré fait l’objet d’une mesure d’isolement ou de mise en quarantaine à son arrivée en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, à la Réunion, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin, ou à Saint-Pierre-et-Miquelon.

De plus, à la suite d’une actualité Ameli en date du 22 février, le décret du 11 mars a confirmé l’ajout d’un nouveau motif d’arrêt dérogatoire au bénéfice des assurés de retour d’un déplacement pour motif impérieux. Cette nouveauté modifie et complète le 3ème point évoqué ci-dessus concernant les assurés en Outre-Mer.

Précisément, ces assurés doivent s’isoler 7 jours à compter de leur retour :

  • Entre le territoire métropolitain et les pays situés hors espace européen (Union Européenne, Andorre, Islande, Liechtenstein, Monaco, Norvège, Saint Marin, Vatican et Suisse)
  • Au départ ou à destination des départements et régions d’outre-mer et des collectivités d’outre-mer, à l’exception des déplacements entre Saint-Martin et Saint-Barthélemy.

De plus, un test de dépistage doit être réalisé au terme de la période de 7 jours pour lever l’isolement.

Ces nouvelles mesures sont applicables aux arrêts de travail ayant débuté depuis le 10 janvier, à l’exception des assurés de retour d’un déplacement pour motif impérieux, lesquelles sont entrées en vigueur au titre des arrêts de travail ayant débuté depuis le 22 février.

En tout état de cause, dans toutes ces situations dérogatoires, l’arrêt de travail est établi par l’Assurance maladie via une déclaration en ligne sur le téléservice Declare-Ameli (ou son pendant auprès de la MSA).

Cette plateforme concerne les travailleurs présentant des symptômes de la Covid-19 et qui ne peuvent télétravailler pour s’isoler, en attendant le test de dépistage. L’arrêt de travail ainsi délivré l’est pour une durée maximale de 4 jours. En cas de résultat positif, le conseiller de l’Assurance maladie dans le cadre du contact tracing, prolonge l’arrêt de travail pour garantir un isolement de 7 jours depuis l’apparition des premiers symptômes. Le salarié doit alors envoyer cette prolongation à son employeur.

L’impossibilité de télétravailler s’apprécie au cas par cas en fonction de la situation du collaborateur. Il ne s’agit pas d’une appréciation générale en fonction des activités de l’entreprise.

A ce titre et afin d’identifier ces différentes activités, il peut être utile de mettre en œuvre une méthode simple en trois étapes :

1. Lister les principales activités pour chaque fonction ou métier. Ne pas hésiter à identifier des activités qui ne sont pas jugées prioritaires habituellement mais qui pourraient avoir une valeur ajoutée pour préparer la sortie de crise.

2. Evaluer les freins ou difficultés éventuelles au télétravail pour chacune de ces activités pour l’entreprise, le client et le télétravailleur (exemples : accès au serveur à distance, qualité du réseau internet, confidentialité des données, relations à préserver avec le client, maîtrise des outils numériques par le salarié concerné, etc.)

3. Identifier si des moyens et conditions peuvent être réunis pour lever ces difficultés (matériel de travail, installation de connexion sécurisée, ouverture de salles de visioconférence, définition de modalités et de plages de disponibilité pour les clients, les collègues et les managers, formation à distance à l’usage de nouveaux outils numériques, etc.)

Afin d’identifier au mieux ce qu’il est utile et réaliste de faire en télétravail de manière pertinente, ce travail doit être réalisé avec les salariés concernés pour d’identifier ce qui rend possible le télétravail et ce qui l’empêche, ce qui le facilite et ce qui le contraint. Cela suppose des échanges continus et au par cas avec les collaborateurs.

Les mesures d’indemnisation dérogatoires applicables jusqu’au 1er juin

Les règles d’indemnisation de ces arrêts avaient été adaptées depuis le début de la crise sanitaire afin de ne pas pénaliser les collaborateurs concernés par ce type de situations. Les décrets du 8 janvier et du 11 mars ont confirmé que ces mesures demeurent applicables dans les mêmes conditions.

Règles afférentes au versement des IJSS

En premier lieu, le délai de carence de 3 jours de versement des IJSS (CSS. Art. L. 323-1 1er al. et code rural. art. L. 732-4, 5ème al.) n’est pas applicable. De plus, les conditions d’ouverture de droit (CSS. Art. L. 313-1, L. 622-3 et c. rural. art. L. 732-4) ne sont pas requises.

Enfin, la condition de durée d’activité minimale pour le versement des IJSS (CSS, art. L. 313- 1) est également supprimée. Ainsi, les indemnités journalières perçues ne sont pas prises en compte dans le calcul de la durée maximale d’indemnisation (CSS, art. L. 323-1)[2].

En pratique, la durée maximale de perception de ces IJSS dérogatoires correspond à la durée nécessaire à la mesure.

Règles afférentes au versement du maintien de salaire légal par l’employeur

Concernant le maintien de salaire légal, les salariés faisant l’objet d’un arrêt dérogatoire pour le versement des IJSS bénéficient également des conditions dérogatoires au titre de l’indemnité complémentaire légale. A ce titre, les conditions suivantes ne s’appliquent pas :

  • Tout d’abord, la condition d’ancienneté d’un an (c. trav. art. L. 1226-1), tout comme le fait d’avoir justifié dans les 48h de l’incapacité à travailler ou le fait d’être soigné sur le territoire français ou européen, ou encore l’exclusion du maintien de salaire pour les salariés travaillant à domicile, les salariés saisonniers, les salariés intermittents et les salariés temporaires (en somme, ils pourront bénéficier du maintien légal employeur s’ils perçoivent des IJSS dérogatoires).
  • Par ailleurs, le délai de carence de 7 jours de versement du maintien de salaire légal (c. trav. art. D. 1226-3, 2nd al.)
  • Enfin, les durées d’indemnisation au cours des 12 mois antérieurs à la date de début d’arrêt de travail concerné et les durées d’indemnisation au titre de cet arrêt ne sont pas prises en compte pour le calcul de la durée totale d’indemnisation au cours de la période de 12 mois (c. trav. art. D. 1226-4). Il s’agit encore une fois de prévoir la non-imputation sur le compteur maladie légal.

Ces mesures dérogatoires, concernent uniquement les règles légales de maintien de salaire. Autrement dit, les règles d’indemnisation des arrêts de travail organisées par une convention ou un accord collectif ne sont donc pas concernés par ces évolutions. En tout état de cause le principe de faveur continue de s’appliquer en cette période de crise sanitaire, si un délai de carence plus important est prévu par la convention collective de l’employeur, c’est l’indemnisation la plus favorable entre le maintien légal et le maintien conventionnel qui doit être appliquée.

Loyce Guillet

Consultante Droit social

 

[1] Décret n°2020-551 du 12 mai 2020, JO du 13, art. 1er, 2° : « Le cas contact désigne la personne qui a eu un contact avec le patient zéro durant la période, qui ne peut être supérieure à quatorze jours avant le diagnostic, pendant laquelle ce dernier était susceptible d'être contagieux au virus du covid-19 »

 

[2] Pour rappel, lorsqu'il s'agit d'une maladie ordinaire, ou d’une ALD, l'arrêt de travail ininterrompu ne peut dépasser plus de 3 ans. De plus, la CPAM verse au maximum 360 IJSS par période de 3 ans consécutifs (R 323-1 CSS)