La loi d'orientation des mobilités a eu pour objectif d'inciter les salariés à utiliser des modes de transport respectueux de l'environnement (loi 2019-1428 du 24 décembre 2019, JO du 26). Elle a ainsi institué le forfait mobilités durables et étendu la prime transport aux véhicules à hydrogène (c. trav. art. L. 3261-3 et L. 3261-3-1).

Par ailleurs, afin de permettre aux employeurs de procéder autrement que par remboursement des sommes aux salariés, cette même loi a prévu que la prise en charge de la prime transport et du forfait mobilité durable puisse être effectuée par une solution de paiement spécifique, dématérialisée et prépayée, intitulée « titre-mobilité » (c. trav. art. L. 3261-5).

Sur le modèle des tickets-restaurants, le titre-mobilité est émis par une société spécialisée, qui les cède à l’employeur contre paiement de leur valeur libératoire et, le cas échéant, d’une commission. Il peut être délivré aux salariés pour être utilisé dans les magasins de vélos, les plateformes de covoiturage, etc.

Retour sur son utilisation en entreprise.

Application au 1er janvier 2022

Décret d’application

S’inspirant du titre-restaurant, le titre-mobilité entre en vigueur à compter du 1er janvier 2022, le décret précisant ses conditions de mise en œuvre étant paru le 17 décembre 2021.

Ce texte détermine notamment (décret 2021-1663, art. 1 ; c. trav. art. R. 3261-13-3 à R. 3261-13-9) :

  • les mentions obligatoires attachées aux titres-mobilité (dont les noms du salarié et de l’émetteur du titre) ainsi que les modalités d'accessibilité de ces mentions ;
  • les conditions d'utilisation et de remboursement de ces titres ;
  • les règles de fonctionnement des comptes bancaires spécialement affectés à l'émission et à l'utilisation des titres mobilité ;
  • les modalités d'agréments délivrés aux entreprises fournissant des biens ou services liés aux mobilités durables.

Kesako ?

C’est une solution de paiement dématérialisée et prépayée, qui peut permettre la prise en charge par l’employeur des frais de déplacements des salariés entre leur résidence habituelle et leur lieu de travail dans le cadre du « forfait mobilités durables » (FMD) et de la « prime transport » (frais de carburant et frais exposés pour l’alimentation de véhicules électriques, hybrides rechargeables ou hydrogène).

Ces titres sont émis par une société spécialisée (l’émetteur) qui les cède à l’employeur contre le paiement de leur valeur et, le cas échéant, d’une commission. Il est souvent rapproché du modèle du titre-restaurant qui peut exister sous une forme dématérialisée : application mobile, carte à puce avec un code…

Mise en place

Le « forfait mobilités durable » et la « prime transport » sont à déterminer prioritairement par accord d’entreprise ou par accord interentreprises, et à défaut par accord de branche (à défaut d’accord, la prise en charge de ces frais est mise en œuvre par décision unilatérale de l’employeur, après consultation du CSE, s’il existe) (C. trav., art. L. 3261-4).

Le titre-mobilité permettant de s’acquitter du FMD et de la « prime transport » devrait donc être mis en place par voie de négociation collective ou, à défaut d’accord, par une décision unilatérale de l’employeur après consultation du CSE. Pour les entreprises déjà couvertes par un accord en la matière qui souhaiteraient recourir au titre-mobilité, un avenant de révision peut s’avérer nécessaire mais pas forcément : certains acteurs (prévoyants) ont parfois rédigé dans leur accord une clause sur le titre-mobilité dont l’application était suspendue à la parution du décret.

Biens et services en question

Le décret paru le 17 décembre dernier permet d’éclairer sur ce que peuvent recouvrir les « frais engagés » dans le cadre du forfait mobilités durables et de la « prime transport », dès lors que l’agrément des organismes au profit desquels les titres-mobilité peuvent être débités peut-être « notamment » délivré à des entreprises qui justifient fournir un ou plusieurs des services suivants :

  • vente de cycles et cycles à pédalage assisté ;
  • vente de détail d’équipements pour cycles et cycles à pédalage assisté ;
  • entretien et réparation de cycles et cycles à pédalage assisté ;
  • vente de titres permettant l’accès à un stationnement sécurisé pour cycles ;
  • assurance pour cycles et cycles à pédalage assisté ;
  • location, quelle qu’en soit la durée, et mise à disposition en libre-service de cycles, cycles à pédalage assisté, engins de déplacement personnels, cyclomoteurs et motocyclettes ;
  • vente d’engins de déplacement personnels motorisés ;
  • services de covoiturage ;
  • location de véhicules électriques, hybrides rechargeables ou hydrogène en libre-service et accessibles sur la voie publique ;
  • vente de titres de transport en commun ;
  • vente de détail de carburants ;
  • vente d’alimentation ou recharge pour véhicules électriques, hybrides rechargeables ou hydrogène (C. trav., art. R. 3261-13-5, I).

Fonctionnement

Acteurs nécessaires

Ce dispositif nécessite l’intervention d’au moins quatre parties : l’employeur prend en charge le FMD ou/et la prime transport via une solution externe fournie par un prestataire (l’émetteur), qui permet au salarié de payer divers biens et services auprès de certaines entreprises (organismes bénéficiant d’un agrément).

Les titres-mobilité ne peuvent fonctionner que si les relations entre les différents acteurs en présence sont fiables et les actions coordonnées.

Fonctionnement

Selon le code du travail et certains éditeurs juridiques, il semble y avoir 3 étapes pour pouvoir faire fonctionner ces titres-mobilité :

1re étape : un agrément est délivré par le ministère des Transports aux entreprises justifiant fournir ou commercialiser des biens ou services concernés par les dispositifs de FMD ou de « prime transport » (vente de vélos, service de covoiturage, vente d’alimentation de véhicules électriques, etc.).

2e étape : l’émetteur des titres-mobilité conclut un « contrat d’affiliation » avec les entreprises agréées précitées, qui prévoit, le cas échéant, l’acquittement de commissions (C. trav., art. R. 3261-13-5, IV).

3e étape : les titres-mobilité peuvent alors être utilisés par les salariés pour payer les biens ou services auprès desdites entreprises agréées.

Ensuite, le paiement des différents acteurs de la chaîne se fait en deux temps.

D’abord, les entreprises agréées présentent à l’émetteur le titre-mobilité utilisé (soit le montant dépensé par le salarié) à leur rembourser.

Ensuite, l’émetteur, après s’être assuré d’être en présence d’une entreprise agréée, donne ordre à l’établissement bancaire, qui tient son compte de titre-mobilité, d’en effectuer le paiement, par virement bancaire ou par chèque, dans un délai qui ne peut excéder cinq jours « à compter de la réception du titre aux fins de règlement » (C. trav., art. R. 3261-13-7).

Régime social et fiscal

Forfait mobilité durable : cette prise en charge prend la forme d’une allocation forfaitaire dénommée « forfait mobilités durables », exonérée de cotisations et contributions sociales, dans la limite de 500 € par an et par salarié (depuis le 1er janvier 2021).

Depuis le 1er janvier 2021, ce plafond est porté à 500 € par an et par salarié.

Cumul FMD et transport public : lorsqu'un salarié cumule forfait mobilités durables et prise en charge obligatoire des frais de transports publics, l’exonération s’applique dans la limite de 600 € (contre 500 € auparavant) ou dans la limite du montant de la prise en charge obligatoire s’il est plus élevé (s'il est supérieur à 600 €).

A noter que Le forfait mobilités durables peut également être cumulé avec la prise en charge facultative des frais de carburant ou d’alimentation de véhicules électriques, hybrides rechargeables ou à hydrogène, dans la limite globale de 500 € par an.

Quel intérêt pour l’entreprise ?      

En pratique, le titre-mobilité peut présenter des avantages pour l’employeur comme pour les salariés.

Pour le salarié

Pour le salarié, cela peut avoir l’avantage en particulier :

  • d’éviter l’avance des frais, le délai d’attente pour le remboursement des frais et les éventuels problèmes de trésorerie afférents ;
  • d’éviter la production de notes de frais avec les justificatifs ;
  • de faciliter l’accès à des services de transports variés. Cette solution peut permettre, enfin et surtout, de faciliter l’accès à des services de transports plus durables et moins émetteurs en gaz à effet de serre, ce qui est dans l’intérêt de tous.

Pour l’employeur

Pour l’employeur, cela lui permet notamment :

  • d’éviter la gestion administrative interne des justificatifs et des remboursements de frais à opérer auprès des salariés ;
  • d’avoir un seul « produit » pour gérer et assurer la traçabilité des sommes affectées à la prise en charge des frais de carburant ou d’alimentation électrique ou hydrogène (« prime transport ») et du « forfait mobilités durables » prévus par le Code du travail.

Anaïs MOISY

Juriste Droit Social