La loi « pour la liberté de choisir son avenir professionnel », du 5 septembre 2018, a introduit une mesure phare du quinquennat Macron, avec l’obligation de publier un Index égalité professionnelle femmes hommes, chaque année pour les entreprises de 50 salariés et plus. En parallèle, prenant la suite de la loi dite « Copé-Zimmermann » du 27 janvier 2011, une proposition de loi visant à accélérer l’égalité économique et professionnelle[1] poursuit son parcours législatif pour une prochaine publication.    

Cette proposition de loi en profite pour faire évoluer les modalités déclaratives de l’Index égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Toutefois, sa mesure emblématique concerne la mise en place de « quota » au sein des instances dirigeantes, l’idée étant de féminiser ces instances dans les entreprises d’au moins 1000 salariés. Cette proposition de loi avait fait l’objet d’une commission mixte paritaire le 7 décembre 2021 et a été adoptée définitivement le 16 décembre. A l’heure où ces quelques lignes sont rédigées, la loi n’est toujours pas publiée.

Index égalité femmes-hommes (EFH) : rendre les indicateurs plus visibles

Petit rappel

Les entreprises et UES d’au moins 50 salariés calculent chaque année 4 ou 5 indicateurs constituant un Index égalité professionnelle femmes-hommes. Le résultat de cet Index est une note sur 100 que les entreprises doivent publier au plus tard le 1er mars sur leur site internet. En cas d’écart, il faut redresser la situation dans un délai de 3 ans, sous peine de pénalité financière.

En 2019 et 2020, les entreprises ne devaient publier que le résultat global (la note sur 100). Une exception[2] a été introduite pour les entreprises de plus de 50 salariés qui bénéficient du plan de relance et qui pour 2022 sont dans l’obligation de publier les résultats des indicateurs et les objectifs de progression selon des modalités spécifiques.  

Un décret[3], publié au journal officiel du 11 mars 2021, a élargi cette obligation de publication qui concerne également le résultat de chaque indicateur pour l’ensemble des entreprises et UES d’au moins 50 salariés. Pour l’Index 2020, l’obligation d’afficher le résultat de chaque indicateur sur le site internet de l’entreprise devait être rempli au plus tard le 1er juin 2021. A partir de 2022 (Index 2021), le résultat obtenu pour chaque indicateur devra être publié en même temps que la note globale, soit au plus tard le 1er mars.

L’ensemble des indicateurs serait rendu public

Selon la proposition de loi l’ensemble de ces indicateurs serait rendu public sur le site internet du ministère chargé du travail, dans des conditions déterminées par décret[4].

Actuellement, la publication des indicateurs sur le site du ministère est prévue uniquement pour les entreprises ayant bénéficié du Plan de relance. Avec cette nouvelle disposition, elle concernerait toutes les entreprises assujetties à l’index EFH. Cela permettra à l'ensemble du public de prendre connaissance du détail des notes composant la note globale, et aux entreprises de prioriser leurs efforts sur les notes les plus faibles.

Communication des mesures de correction

Il est déjà prévu que dans les entreprises d’au moins 50 salariés lorsque le résultat à l’Index égalité femmes-hommes est inférieur à 75 points, l’employeur doit également négocier sur les mesures adéquates et pertinentes de correction, et le cas échéant, sur la programmation, annuelle ou pluriannuelle, de mesures financières de rattrapage salariale, dans le cadre de la négociation sur l’égalité professionnelle et la qualité de vie au travail. En l’absence d’accord prévoyant de telles mesures, celles-ci sont déterminées par décision de l’employeur, après consultation du CSE. La décision est déposée auprès de l'autorité administrative dans les mêmes conditions que le plan d'action[5].

La proposition de loi ajoute que l’employeur soumis à cette obligation publie par une communication externe et au sein de l’entreprise les mesures de correction, selon des modalités définies par décret[6].

Les dispositions seraient applicables à compter de la publication des indicateurs effectuée en 2022.

Publication des objectifs de progression

La proposition de loi ajoute également que lorsque les résultats obtenus par l’entreprise au regard des indicateurs égalité femmes-hommes se situent en deçà d’un niveau défini par décret, l’employeur fixe et publie les objectifs de progression de chacun de ces indicateurs, selon les modalités suivantes [7]:

  • Soit par accord collectif obtenu à l’issue de la négociation obligatoire sur l’égalité professionnelle et la qualité de vie au travail[8];
  • Soit par un plan d’action : en l'absence d'accord relatif à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes à l'issue de la négociation sur l’égalité professionnelle et la qualité de vie au travail, l'employeur établit un plan d'action annuel destiné à assurer l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Après avoir évalué les objectifs fixés et les mesures prises au cours de l'année écoulée, ce plan d'action, fondé sur des critères clairs, précis et opérationnels, détermine les objectifs de progression prévus pour l'année à venir, définit les actions qualitatives et quantitatives permettant de les atteindre et évalue leur coût. Ce plan d'action est déposé auprès de l'autorité administrative[9].

Le décret, cité plus haut devrait également définir les modalités selon lesquelles l’employeur fixe et publie les objectifs de progression.

Les dispositions seraient applicables à compter de la publication des indicateurs effectuée en 2022.

Ici aussi, la proposition de loi étend à toutes les entreprises soumises à l’index une obligation qui est actuellement imposée aux seules entreprises ayant bénéficié du Plan de relance

Mise à jour de la BDESE

La base de données économiques et sociales rassemble l'ensemble des informations nécessaires aux consultations et informations récurrentes que l'employeur met à disposition du comité social et économique. Selon la proposition de loi, ces informations comportent en particulier l’ensemble des indicateurs relatifs à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, notamment sur les écarts de rémunération et les informations sur la méthodologie et le contenu des indicateurs.[10]

A noter que la partie règlementaire du code du travail prévoit déjà des obligations en matière d’intégration des indicateurs EFH dans la BDES [11].

Représentation de chaque sexe parmi les cadres dirigeants et les membres des instances dirigeantes

Obligation de mesurer et de publier

La proposition de loi ajoute une nouvelle obligation de mesurer, publier et corriger les écarts de représentation entre les femmes et les hommes aux postes à haute responsabilité[12].

Cette obligation concerne les entreprises qui, pour le troisième exercice consécutif, emploient au moins 1000 salariés.

L’employeur aurait une obligation de publication chaque année. Il s’agirait de mesurer les écarts éventuels de représentation entre les femmes et les hommes parmi les cadres dirigeants d’une part et les cadres membres des instances dirigeantes d’autre part.

Les cadres dirigeants : Sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement. (Article L. 3111-2 du Code du travail)

Cadres membres des instance dirigeantes :   Est considérée comme instance dirigeante toute instance mise en place au sein de la société par tout acte ou toute pratique sociétaire aux fins d’assister régulièrement les organes chargés de la direction générale dans l’exercice de leurs missions. Une instance dirigeante peut être mise en place entre des sociétés ou entreprises comprises dans un même périmètre de consolidation des comptes au sens de l’article L. 233-16. (« CHAPITRE XII « De la mixité dans les instances dirigeantes des sociétés commerciales - Article L. 23-12-1 du code de commerce). Souvent, en pratique il s’agit des membres du Codir (pour Comité de direction) ou Comex (pour Comité exécutif).

Ces dispositions entreraient en vigueur le 1er mars de l’année suivant l’année de publication de la loi.

Par dérogation, ces écarts de représentation seraient rendus publics sur le site internet du ministère chargé du travail, dans des conditions définies par décret. Cette disposition entrerait en vigueur le 1er mars de la deuxième année suivant l’année de publication de la loi.

Des quotas à atteindre :

  • La proportion de chaque sexe, au sein de chacun des ensembles (soit cadres dirigeants et cadres membres des instances dirigeantes) ne pourrait être inférieure à 30 %. Ce taux entrerait en vigueur le 1er mars de la 5ème année suivant l’année de publication de la loi.
  • À compter du 1er mars de la 8ème année suivant l’année de publication de la loi, le taux de « 30 % » serait remplacé par le taux de « 40 % ». Ainsi, serait attendue au sein de chacun des ensembles une proportion de chaque sexe d’au moins 40% dans un délai de 8 ans suivant l’année de publication de la loi.

Mise en conformité ou sanction

Une sanction serait prévue à l’issue d’un délai de 2 ans pour se mettre en conformité[13].

Si au bout de 8 ans, l’entreprise, qui emploie au moins 1000 salariés pendant le 3ème exercice consécutif, n’obtient pas une proportion de 40% de dirigeants de chaque sexe et donc ne se conforme pas à son obligation, elle disposerait d’un délai de deux ans pour se mettre en conformité.

L’entreprise devrait, au bout d’un an, publier des objectifs de progression et les mesures de correction retenues, selon des modalités définies par décret.

À l’expiration de ce délai, si les résultats obtenus sont toujours en deçà du taux fixé, l’employeur pourrait se voir appliquer une pénalité financière.

Le montant de la pénalité est fixé au maximum à 1 % de la masse salariale versés aux travailleurs salariés ou assimilés au cours de l’année civile précédant l’expiration du délai de 2 ans. Le montant est fixé par l’autorité administrative, dans des conditions prévues par décret en Conseil d’État, en fonction de la situation initiale de l’entreprise, des efforts constatés dans l’entreprise en matière de représentation entre les femmes et les hommes ainsi que des motifs de sa défaillance.

Le produit de cette pénalité serait versé au budget général de l’État.

Ces mesures entreraient en vigueur le 1er mars de la 8ème année suivant l’année de publication de la loi.

Comment définir les mesures de correction[14] ?

Toujours dans les entreprises qui emploient au moins 1000 salariés pendant le 3ème exercice consécutif, lorsque la proportion des cadres dirigeants et des cadres membres des instances dirigeantes de chaque sexe n’est pas d’au moins 30 % au bout de 5 ans et d’au moins 40% au bout de 8 ans, des mesures de correction seraient fixées :

  • Soit par accord : la négociation sur l’égalité professionnelle et la qualité de vie au travail porterait également sur les mesures adéquates et pertinentes de correction.
  • Soit par décision unilatérale de l’employeur : en l’absence d’accord prévoyant de telles mesures, celles-ci seraient déterminées par décision de l’employeur, après consultation du comité social et économique. La décision serait déposée auprès de l’autorité administrative dans les mêmes conditions que le plan d’action sur l’égalité professionnelle. L’autorité administrative pourrait présenter des observations sur les mesures prévues par l’accord ou la décision de l’employeur, qui sont présentées à l’organe chargé de l’administration ou de la surveillance de l’entreprise ainsi qu’au comité social et économique de l’entreprise.

Ces dispositions entreraint en vigueur le 1er mars de la 5ème année suivant la publication de la loi.

Intégration dans la BDESE

La base de données économiques, sociales et environnementales rassemble l'ensemble des informations nécessaires aux consultations et informations récurrentes que l'employeur met à disposition du comité social et économique.

Il est déjà inscrit dans les textes[15] que ces informations comportent en particulier des indicateurs relatifs à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, notamment sur les écarts de rémunération et les informations sur la méthodologie et le contenu des indicateurs calculés dans le cadre de l’Index EFH.  

La proposition de loi ajoute que ces informations comporteraient aussi des indicateurs de répartition entre les femmes et les hommes parmi les cadres dirigeants et membres des instances dirigeantes.

Autres mesures pouvant intéresser les services RH

Paiement du salaire

Sous réserve des dispositions législatives imposant le paiement des salaires sous une forme déterminée, le salaire est payé en espèces ou par chèque barré ou par virement à un compte bancaire ou postal dont le salarié est le titulaire ou le cotitulaire[16].

Cela signifie que le versement du salaire par virement se fait par virement sur un compte bancaire ou postal dont le salarié concerné est le détenteur ou le codétenteur. En d’autres termes, les rémunérations versées à une femme comme à un homme ne pourraient l’être sur un compte qui n’est pas à son nom.

De plus, le salarié ne pourrait désigner un tiers pour recevoir son salaire (ajouté par le Sénat).

Sans changement :

  • En dessous de 1 500 €, le salarié peut exiger d'être payé en espèces. D. n° 2001-96, 2 févr. 2001 : JO, 3 févr.
  • Au-delà de 1 500 €, le salaire doit obligatoirement être payé par chèque barré ou par virement (bancaire ou postal). L'employeur qui ne respecte pas l'obligation de paiement par chèque encourt une amende fiscale d'un montant fixé à 5 % des sommes versées en espèces. Rép. min. n° 6843 : JO Sénat Q, 28 juin 1967, p. 807

Cette mesure entrerait en vigueur un an après la publication de la loi.

Maternité et télétravail

Pour rappel, en l'absence d'accord collectif ou de charte, lorsque le salarié et l'employeur conviennent de recourir au télétravail, ils formalisent leur accord par tout moyen[17].

Actuellement, l'accord collectif applicable ou, à défaut, la charte élaborée par l'employeur précise :

  • 1° Les conditions de passage en télétravail, en particulier en cas d'épisode de pollution, et les conditions de retour à une exécution du contrat de travail sans télétravail ;
  • 2° Les modalités d'acceptation par le salarié des conditions de mise en œuvre du télétravail ;
  • 3° Les modalités de contrôle du temps de travail ou de régulation de la charge de travail ;
  • 4° La détermination des plages horaires durant lesquelles l'employeur peut habituellement contacter le salarié en télétravail ;
  • 5° Les modalités d'accès des travailleurs handicapés à une organisation en télétravail.

La proposition de de loi ajoute que l’accord collectif ou, à défaut, la charte devrait également préciser :

  • 6° Les modalités d’accès des salariées enceintes à une organisation en télétravail.

Aides publiques et représentation équilibrée

La Banque publique d'investissement est un groupe public au service du financement et du développement des entreprises, agissant en appui des politiques publiques conduites par l'Etat et conduites par les régions[18].

Elle apporte son soutien, notamment aux entreprises engagées en faveur de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. La proposition de loi ajoute qu’elle conditionnerait l’octroi de financements en prêts ou en fonds propres au respect de l’obligation de publication annuelle des indicateurs de l’Index EFH mentionnés à l’article L. 1142-8 du code du travail. Cette mesure entrerait en vigueur le 1er mars de la deuxième année suivant la publication de la loi.

Muriel Besnard

Consultant Juridique

 

[1] https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/dossiers/accelerer_egalite_economique_professionnelle

[2] Loi de finances pour 2021 n° 2020-1721 du 29 décembre 2020, article 244, JO du 30 décembre 2020

[3] Décret n° 2021-262 du 10 mars 2021, publié au journal officiel du 11 mars 2021

[4] Article 13 de la loi et article L. 1142-8 du Code du travail

[5] Article L. 1142-9 du Code du travail

[6] Article L. 1142-9 du Code du travail modifié et article 13 de la loi

[7] Article L. 1142-9-1 nouveau du Code du travail et article 13 de la loi

[8] Article L. 2242-1 du Code du travail

[9] Article L. 2242-3 du Code du travail

[10] Article L. 2312-18 du Code du travail modifié et article 13 de la loi

[11] Article D. 1142-5 du Code du travail

[12] Article L. 1142-11 nouveau du Code du travail et article 14 de la loi

[13] Article 1142-12 nouveau du Code du travail et article 14 de la loi

[14] Article 1142-13 nouveau du Code du travail et article 14 de la loi

[15] Article L. 2312-18 du Code du travail et article 14 de la loi

[16] Article L. 3241-1 du Code du travail modifié et article 1er de la loi

[17] Article L. 1222-9 du Code du travail modifié et article 5 de la loi

[18] Ordonnance n° 2005-722 du 29 juin 2005 relative à la Banque publique d’investissement -Article 1er A