Deux ordonnances [1] ont déjà aménagé les conditions de réalisation de l’entretien professionnel afin de tenir compte de la crise sanitaire. Ainsi, à son initiative, l’employeur avait la possibilité de reporter l’entretien professionnel du salarié intervenant entre le 1er janvier 2020 et le 30 juin 2021 jusqu’au 30 juin 2021. La loi sur la gestion de la sortie de crise [2] apporte un délai supplémentaire aux entreprises devant verser l’abondement correctif.

Dans les entreprises d’au moins 50 salariés, lorsqu’au cours des 6 années, le salarié n’a pas bénéficié des entretiens prévus et d’au moins une action de formation, l’employeur est dans l’obligation de compenser ce manquement en abondant le compte personnel de formation du salarié [3]. La loi sur la gestion de la sortie de crise permet à l’employeur de ne verser l’abondement correctif aux salariés concernés qu’à partir du 1er octobre 2021. De plus, le droit d’option entre les critères de la sanction selon la loi du 5 mars 2014 et ceux selon la loi du 5 septembre 2018 est également prolongé jusqu’au 30 septembre 2021.

Rappel du dispositif

A l'occasion de son embauche, le salarié est informé qu'il bénéficie tous les deux ans d'un entretien professionnel avec son employeur consacré à ses perspectives d'évolution professionnelle, notamment en termes de qualifications et d'emploi. Un accord collectif d'entreprise ou, à défaut, de branche peut prévoir une périodicité des entretiens professionnels différente.

Cet entretien ne porte pas sur l'évaluation du travail du salarié.

De plus, lors de cet entretien, l’employeur apporte des informations relatives à la validation des acquis de l'expérience, à l'activation par le salarié de son compte personnel de formation, aux abondements de ce compte que l'employeur est susceptible de financer et au conseil en évolution professionnelle [4]. A noter qu’un accord collectif d'entreprise ou, à défaut, de branche peut définir un cadre, des objectifs et des critères collectifs d'abondement par l'employeur du compte personnel de formation des salariés.

Cet entretien professionnel donne lieu à la rédaction d'un document dont une copie est remise au salarié.

Par ailleurs, cet entretien est proposé systématiquement au salarié qui reprend son activité à l'issue :

  • D’un congé de maternité (Art. L. 1225-27 du code du travail),
  • D’un congé parental d’éducation (Art. L. 1225-47 du code du travail),
  • D’un congé d’adoption (Art. L.1225-46 du code du travail),
  • D’un congé sabbatique (Art. L. 3142-31 du code du travail),
  • D’une période de mobilité volontaire sécurisée (Art. L. 1222-14 du code du travail),
  • D’une période d’activité à temps partiel dans le cadre du congé parental (Art. L. 1225-47 du code du travail),
  • D’un arrêt longue maladie (Art. L. 324-1 et R. 324-1 du code de la sécurité sociale),
  • Ou à l’issue d’un mandat syndical.

Cet entretien est proposé systématiquement avant et après le départ en :

  • Congé de proche aidant (Art. L. 3142-23 du code du travail),
  • Congé de solidarité familial (Article L. 3142-11 du Code du travail)

Cet entretien peut avoir lieu, à l’initiative du salarié, à une date antérieure à la reprise de poste.

Tous les six ans, l'entretien professionnel fait un état des lieux récapitulatif du parcours professionnel du salarié souvent appelé « Bilan à 6 ans ». Cette durée s'apprécie par référence à l'ancienneté du salarié dans l'entreprise.

Cet état des lieux, qui donne lieu à la rédaction d'un document dont une copie est remise au salarié, permet de vérifier que le salarié a bénéficié au cours des six dernières années des entretiens professionnels prévus et d'apprécier s'il a :

  • 1° Suivi au moins une action de formation ;
  • 2° Acquis des éléments de certification par la formation ou par une validation des acquis de son expérience ;
  • 3° Bénéficié d'une progression salariale ou professionnelle.

Un accord collectif d'entreprise ou, à défaut, de branche peut prévoir d'autres modalités d'appréciation du parcours professionnel du salarié que celles mentionnés ci-dessus.

Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, lorsque, au cours de ces six années, le salarié n'a pas bénéficié des entretiens prévus et d'au moins une formation « non obligatoire » [5], son compte personnel de formation (CPF) est abondé [6].

Report de l’entretien biannuel et de l’état des lieux récapitulatif jusqu’au 30 juin 2021

Pour rappel, avant la crise sanitaire et la publication de l’ordonnance du 1er avril 2020, les entretiens professionnels « état des lieux » des salariés en poste avant le 7 mars 2014 devaient être organisé avant le 7 mars 2020.

L’ordonnance du 1er avril 2020, puis celle du 2 décembre 2020 ont prévu successivement la possibilité de reporter l’entretien professionnel. Celle du 1er avril 2020 ne concernait que l'entretien professionnel faisant un état des lieux récapitulatif du parcours professionnel du salarié, soit le bilan à 6 ans. Ainsi, par dérogation et à l’initiative de l’employeur, le bilan à 6 ans du salarié intervenant au cours de l'année 2020, pouvait être reporté jusqu'au 31 décembre 2020.

L’ordonnance du 2 décembre allait plus loin. En effet, elle offrait, non seulement la possibilité de reporter l’entretien professionnel faisant l’objet d’un état des lieux récapitulatif (bilan à 6 ans), mais aussi celle de reporter l’entretien professionnel biannuel. L’employeur était donc autorisé à différer jusqu’au 30 juin 2021 tous les entretiens professionnels qui auraient dû se tenir entre le 1er janvier 2020 et le 30 juin 2021.

La loi sur la gestion de la sortie de crise n’envisage pas la possibilité d’un nouveau report pour réaliser ces entretiens professionnels. La date limite pour réaliser ces entretiens professionnels reste donc le 30 juin 2021. Cela dit, compte tenu du report de la sanction, le Ministère du travail apporte une tolérance pour le Bilan à 6 ans (voir ci-dessous).

Report de la sanction jusqu’au 30 septembre 2021

L’ordonnance du 1er avril 2020 avait également suspendu, à compter du 12 mars 2020 et jusqu'au 31 décembre 2020 l'application des sanctions prévues par la loi dans le cas où ces entretiens n'auraient pas été réalisés dans les délais.

De même, avec l’ordonnance du 2 décembre 2020, l’application des pénalités dues par les entreprises, d’au moins 50 salariés, qui n’ont pas respecté leurs obligations liées aux entretiens professionnels était suspendue jusqu’au 30 juin 2021.

C’est au tour de la loi sur la gestion de la sortie de crise de reporter l’application de cette pénalité jusqu’au 30 septembre 2021.

Ainsi, pour les employeurs d’au moins 50 salariés, à compter du 12 mars 2020 et jusqu'au 30 septembre 2021, les textes relatifs à l’abondement correctif [7] ne sont pas applicables. A compter du 1er octobre 2021 la sanction sera de nouveau applicable. Toutefois, pour apprécier son application, la date à laquelle l’employeur a procédé à l’entretien professionnel faisant un état des lieux récapitulatif du parcours professionnel du salarié sera prise en considération compte tenu du nouveau report de délai.

Selon le Ministère du travail [8], « Compte tenu de ce report, pour les entretiens d’état des lieux qui n’ont pas pu avoir lieu avant le 30 juin 2021, l’employeur a donc jusqu’au 30 septembre 2021 pour réaliser les entretiens sans encourir de sanction ». Le Ministère du travail apporte donc une tolérance pour les employeurs qui n’auraient pas pu organiser avant le 30 juin 2021 les entretiens professionnels état des lieux (ou Bilans à 6 ans).

Prorogation des mesures transitoires jusqu’au 30 septembre 2021

Ainsi, l’entretien professionnel, réalisé au bout des six ans d’ancienneté du salarié, fait l’objet d’un état des lieux ou « bilan des 6 ans ». Comme nous venons de le voir, c’est également le moment de vérifier que les employeurs d’au moins 50 salariés remplissent leurs obligations, à défaut ils seront susceptibles d’être sanctionnés [9].

Sachant que les dispositions de la loi du 5 septembre 2018 sont entrées en vigueur au 1er janvier 2019, l’ordonnance coquille du 21 août 2019 a prévu une période transitoire, afin de tenir compte sur cette période de 6 ans des anciennes dispositions prévues par la loi du 5 mars 2014.

Selon cette ordonnance, la période transitoire était prévue jusqu’au 31 décembre 2020.

L’ordonnance du 2 décembre 2020 a prolongé cette période transitoire jusqu’au 30 juin 2021.

C’est au tour de la loi sur la gestion de la sortie de crise de reporter l’échéance de cette période transitoire jusqu’au 30 septembre 2021 et de permettre à l’employeur d’au moins 50 salariés de justifier de ses obligations soit en appliquant la règle issue de la loi du 5 mars 2014, soit en appliquant la règle issue de la loi du 5 septembre 2018.

Ainsi, selon cette loi, jusqu’au 30 septembre 2021, il existe deux possibilités pour les employeurs pour justifier de leurs obligations : soit par l’application des critères de la sanction selon la loi de 2014, soit par l’application des critères de la sanction selon la loi de 2018 :

  • Selon la loi du 5 septembre 2018, l’employeur abonde le CPF (Compte personnel de formation) du salarié qui n’a pas bénéficié des entretiens prévus et d’au moins une action de formation « non obligatoire ».
  • Selon la loi du 5 mars 2014, l’employeur abonde le CPF du salarié qui n’a pas bénéficié des entretiens prévus et d’au moins 2 des 3 mesures entre une action de formation, l’acquisition d’éléments de certification et la progression salariale ou professionnelle.

À l’issue de cette période transitoire, au 1er octobre 2021, les employeurs n’auront plus d’autre choix que de respecter le nouveau cadre de l’entretien professionnel prévu par la loi « Avenir professionnel » du 5 septembre 2018.

Muriel Besnard

Consultant Juridique


[1] Ordonnance n° 2020-387 du 1er avril 2020 et ordonnance n° 2020-1501 du 2 décembre 2020

[2] Loi n° 2021-689 du 31 mai 2021, Journal Officiel du 1er juin 2021 – Article 8 - XIX

[3] Article L. 6315-1 et L. 6323-13 du Code du travail

[4] Article L. 6315-1 du Code du travail

[5]Formation « non obligatoire » : formation autre que celle mentionnée à l’article L. 6321-2 du Code du travail

[6] Le CPF est abondé de l’abondement correctif dans les conditions définies à l’article L. 6323-13 du Code du travail

[7] Le sixième alinéa du II de l’article L. 6315-1 du Code du travail et le premier alinéa de l’article L. 6323-13

[8] https://travail-emploi.gouv.fr/le-ministere-en-action/coronavirus-covid-19/questions-reponses-par-theme/article/entretien-professionnel

[9] Article L. 6315-1, L. 6323-13 et R. 6323-3 du Code du travail