La loi n°2021-1774 du 24 décembre 2021 (dite « loi Rixain ») visant à accélérer l’égalité économique et professionnelle est venue ajouter des nouvelles mesures concernant le versement du salaire et des prestations sociales.

Ces mesures économiques et professionnelles concernant le versement du salaire et les prestations sociales ont pour finalité de réduire les violences économiques pouvant être exercées par une tierce personne sur le salarié ou l’assuré.  De la même manière, ce texte vise également « l’autonomie financière et bancaire » (Rapport de la commission des affaires sociales n°4143, avant-propos).

La loi Rixain s’inscrit dans une continuité de la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (ou convention d’Istanbul) ratifiée par la France en 2004, notamment en ce que cette convention prévoit une définition de la violence économique.

Les modalités de versement du salaire

Les modalités de versement avant l’application de la loi Rixain

Aujourd’hui, le paiement du salaire peut être payé en espèces, par chèque ou virement sur un compte bancaire ou postal, ces deux derniers étant obligatoires lorsque la somme à régler (rémunération ou acompte) dépasse les 1500€ (C. trav, art L3241-1).

Jusqu’à l’application de la loi Rixain, l’employeur est tenu de verser la rémunération au salarié ou à une personne expressément mandatée. Le mandatement ne se présume pas, il est nécessaire d’obtenir une autorisation écrite provenant du salarié. Il en va de même lorsque le salarié est marié ou pacsé et qu’il n’est pas titulaire ou cotitulaire du compte bancaire (aucune présomption de mandatement sur le conjoint, concubin ou partenaire).

Une modification des modalités de versement applicable au 26 décembre 2022

Dans une certaine mesure, on peut voir la loi Rixain comme le prolongement de la loi de 1965 portant réforme des régimes matrimoniaux en ce qu’elle complète la suppression de l’autorisation préalable du conjoint pour qu’une femme puisse ouvrir un compte en banque.

En effet, l’article 1er de la loi Rixain vient prévoir que lorsque le salarié reçoit son salaire via un virement, celui-ci doit obligatoirement être opéré sur un compte bancaire dont le salarié est titulaire ou cotitulaire.

Cette volonté de lutter contre l’emprise que peut exercer un tiers sur le salaire d’autrui est expressément visée en ce que ce premier article interdit le mandatement pour la réception du salaire. Cela induit donc, à notre avis, un contrôle a priori de l’employeur sur la réception et la conservation du RIB du salarié comme moyen de preuve, ainsi qu’une vérification des fichiers du personnel sur les éventuels versements effectués sur le compte de tiers déjà existant.

A titre de sanction, l’employeur peut être condamné à verser une seconde fois le salaire du salarié, lorsqu’il effectue le virement sur un compte bancaire dont le salarié n’est pas titulaire ou cotitulaire (Cass. soc., 22 oct. 1996, n° 93-46.087).

Le juge se base ici sur l’article 1342-2 du code civil (anc. art. 1239) qui prévoit que « Le paiement doit être fait au créancier » pour tirer les conséquences légales de cette situation.

Ces dispositions modifiant l’article L. 3241-1 du code du travail seront applicable le 26 décembre 2022.

Des précisions nécessairement à venir

Si la loi Rixain vient fermer une possibilité de mandater le versement du salaire sur le compte d’un tiers, cela pose nécessairement quelques interrogations concernant une population précise.

La principalement interrogation de la loi Rixain est le sort des versements du salaire pour les salariés et apprentis mineurs de moins de 18 ans et particulièrement les mineurs de moins de 16 ans :

Hormis le cas particulier des entreprises de spectacles et les agences de mannequins qui ont des règles spécifiques ; les salaires pour un salarié de moins de 18 ans sont en principe perçus par les tuteurs légaux sur leurs comptes bancaires, le point le plus préoccupant concerne le jeune de moins de 16 ans ne pouvant pas détenir de compte bancaire, l’articulation ici entre les règles entourant les mineurs et le principe de la loi à venir nécessite des éclaircissements.

Les modalités de versement des prestations sociales

Les modalités concernant les prestations sociales pendant des dispositions de versement du salaire

Le législateur a également prévu des dispositions entourant le versement des prestations sociales par virement, notamment le versement par la CPAM des indemnités journalières de sécurité sociale (non subrogées). Ainsi, de la même manière que le salaire, le versement devra être opéré sur le compte personnel de l’assuré et le mandatement pour le versement sur le compte d’un tiers sera prohibé.

Voici la liste des prestations sociales concernées par le dispositif :

- l'allocation de retour à l'emploi et l'allocation chômage des travailleurs indépendants (C. trav. art. L 5422-1 et L 5424-25) ;

- l'allocation d'accompagnement d'une personne en fin de vie (CSS art. L 168-1) ;

- les indemnités journalières (IJ) maladie des salariés, travailleurs indépendants et non-salariés agricoles (CSS art. L 321-1, L 622-1 et L 622-2 ; C. rur. art. L 732-4) ;

- les IJ maternité/adoption des salariés, travailleurs indépendants et non-salariés agricoles (CSS art. L 331-3 et L 623-1 ; C. rur. art. L 732-10, L 732-10-1 et L 732-12-2).;

- les IJ ou allocation de remplacement en cas de congé de paternité et d'accueil de l'enfant (CSS art. L 331-8 ; C. rur. art. L 732-12-1) ;

- les IJ liées au congé de deuil en cas de décès d'un enfant pour les salariés, les travailleurs indépendants et les non-salariés agricoles (CSS art. L 331-9 ; C. rur. art. L 732-12-3) ;

- l'allocation journalière de maternité en cas d'incompatibilité du travail avec la grossesse (CSS art. L 333-1) ;
- les pensions d'invalidité des salariés et les prestations du régime invalidité-décès des indépendants et non-salariés agricoles (CSS art. L 341-1 et L 632-1 ; C. rur. art. L 732-8) ;

- les pensions de retraite de base des salariés et les pensions de retraite de base et complémentaire des indépendants et non-salariés agricoles (CSS art. L 351-1, L 634-2, L 634-3 et L 635-1 ; C. rur. art. L 732-18, L 732-23, L 732-24, L 732-52, L 732-60 et L 732-63) ;

- la pension pour inaptitude au travail (CSS art. L 351-7) ;

- les allocations veuvage (CSS art. L 356-1 ; C. rur. art. L 732-54-5) ;

- le capital décès (CSS art. L 361-1) ;

- les IJ, indemnités en capital et rentes d'accident du travail (CSS art. L 431-1, 2° et 4° ; C. rur. art. L 752-3, 2° et 3°) ;

- les indemnités dues aux victimes de pesticides (CSS art. L 491-1).

Clément Declercq

Juriste Droit Social