La convention citoyenne pour le climat, constituée en octobre 2019 a réuni 150 personnes tirées au sort afin de donner la parole aux français pour accélérer la lutte contre le changement climatique. C’est ainsi que 146 propositions[1] ont été retenues. L’ensemble de ces travaux a été source d’actions gouvernementales et notamment l’élaboration de la loi Climat et résilience[2] qui a été publiée cet été.   

Le 13 août 2021, le Conseil constitutionnel a validé l’essentiel de la loi Climat et résilience, sous réserve d’une série de « cavaliers législatifs ». Ainsi, la dimension environnementale est intégrée dans le code du travail, notamment en matière de négociation d’entreprise et de branche sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC), mais aussi au niveau des missions du comité social et économique (CSE) avec un impact sur la base de données économiques et sociales et sur les formations des représentants du personnel. Il s’agit des articles 40 et 41 de la loi qui, à défaut de précisions contraires, sont entrés en vigueur le 25 août 2021.

La négociation obligatoire

Les enjeux de la transition écologiques sont ainsi placés au cœur de la négociation de branche[3] et de la négociation obligatoire d’entreprise[4].

Pour rappel, au niveau de la branche ou professionnel, et au niveau des entreprises, les partenaires sociaux peuvent conclure des accords d’adaptation précisant le calendrier, la périodicité, les thèmes et les modalités de négociation périodique obligatoire[5]. Cette négociation, qui doit avoir lieu tous les 4 ans, doit porter sur, entre autres sujets, la GPEC.

À défaut d’accord d’adaptation ou en cas de non-respect de ses stipulations :

  • Les organisations liées par une convention de branche, ou, à défaut, par des accords professionnels doivent se réunir au moins une fois tous les 3 ans pour négocier sur la GPEC[6] ;
  • dans les entreprises et les groupes d’entreprises d’au moins 300 salariés ainsi que dans les entreprises et groupes d’entreprises de dimension communautaire comportant au moins un établissement ou une entreprise d’au moins 150 salariés en France, l’employeur doit engager tous les 3 ans, notamment sur le fondement des orientations stratégiques de l’entreprise et de leurs conséquences, une négociation sur la gestion des emplois et des parcours professionnels et sur la mixité des métiers portant sur la mise en place d’un dispositif de GPEC, ainsi que sur les mesures susceptibles de lui être associées[7].

A défaut d’accord d’adaptation, ce sont les dispositions supplétives sur la GPEC qui s’appliquent. Depuis la loi Climat et résilience, ces négociations devront avoir notamment pour objectif de répondre aux enjeux de la transition écologique. 

Les missions du comité social et économique (CSE)

Les attributions du CSE

De même, les attributions consultatives du comité social et économique (CSE) des entreprises d’au moins 50 salariés s’enrichissent du sujet de la transition écologique.

Pour rappel, d’une façon générale, le CSE a pour mission d'assurer une expression collective des salariés permettant la prise en compte permanente de leurs intérêts dans les décisions relatives à la gestion et à l'évolution économique et financière de l'entreprise, à l'organisation du travail, à la formation professionnelle et aux techniques de production.

Il est désormais précisé que cette prise en compte se fait notamment « au regard des conséquences environnementales de ces décisions [8].

Les consultations ponctuelles du CSE

S’agissant des consultations ponctuelles, la loi ajoute que le comité est informé et consulté sur les conséquences environnementales des mesures ci-dessous[9] :

  • Les mesures de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs ;
  • La modification de son organisation économique ou juridique ;
  • Les conditions d'emploi, de travail notamment la durée du travail et la formation professionnelle ;
  • L’introduction de nouvelles technologies, l’aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail ;
  • Les mesures prises en vue de faciliter la mise, la remise ou le maintien au travail des accidentés du travail, des invalides de guerre, des invalides civils, des personnes atteintes de maladies chroniques évolutives et des travailleurs handicapés, notamment sur l'aménagement des postes de travail.

Ces dispositions concernent les entreprises d’au moins 50 salariés.

Les consultations récurrentes du CSE

Le CSE est consulté de façon récurrente, sur les orientations stratégiques, la situation économique et financière de l’entreprise et la politique sociale, les conditions de travail et l’emploi. La loi ajoute qu’au cours de ces consultations, le comité est informé des conséquences environnementales de l'activité de l'entreprise[10]. Il s’agit de dispositions d’ordre public auxquelles il n’est pas possible de déroger.

Ainsi, la consultation du CSE sur les conséquences environnementales de l'activité de l'entreprise est obligatoire même lorsqu'un accord sur les consultations a été conclu et qu'il n'aborde pas ce thème.

A défaut d’accord, ces consultations récurrentes ont lieu chaque année (dispositions supplétives). De même, la loi ajoute qu’au cours de ces consultations, le comité est informé des conséquences environnementales de l'activité de l'entreprise[11].

Ces dispositions concernent les entreprises d’au moins 50 salariés.

La BDESE

La Base de données économiques et sociales (BDES), devient la Base de données économiques sociales et environnementales (BDESE)[12].

Pour mémoire, il est possible d’adapter la BDES sous réserve de respecter certaines conditions. Ainsi, un accord d’entreprise (dans les entreprises pourvues de délégués syndicaux, un accord majoritaire sans référendum) ou, en l’absence de délégué syndical, un accord entre l’employeur et le comité économique et social, adopté à la majorité des membres titulaires de la délégation du personnel du comité peut définir :

  • L’organisation, l’architecture et le contenu de la BDESE 
  • Les modalités de fonctionnement de la BDESE.

Quoiqu’il en soit, la BDESE doit comporter un certain nombre de thème dont les conséquences environnementales de l’activité de l’entreprise[13].

Ainsi, les thèmes de la BDESE adaptée par accord sont désormais au nombre de 8 :

1° l’investissement social, l’investissement matériel et immatériel,

2° l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes au sein de l’entreprise,

3° les fonds propres, l’endettement,

4° l’ensemble des éléments de la rémunération des salariés et dirigeants,

5° les activités sociales et culturelles,

6° la rémunération des financeurs,

7° les flux financiers à destination de l’entreprise,

8° Les conséquences environnementales de l’activité de l’entreprise

A défaut d’accord sur la BDESE, ce sont les dispositions supplétives[14] qui s’appliquent.  En conséquence, un 10ème thème est ajouté au sein de la BDESE. Si bien qu’en l’absence d’accord sur la BDESE, elle contient des informations sur les thèmes suivants :

1° l’investissement social, l’investissement matériel et immatériel,

2° l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes au sein de l’entreprise,

3° les fonds propres, l’endettement,

4° l’ensemble des éléments de la rémunération des salariés et dirigeants,

5° les activités sociales et culturelles,

6° la rémunération des financeurs,

7° les flux financiers à destination de l’entreprise,

8° Sous-traitance ;

9° Le cas échéant, transferts commerciaux et financiers entre les entités du groupe.

10° Conséquences environnementales de l'activité de l'entreprise.

A noter que le texte ne précise pas si le contenu de ce 10ème thème sera détaillé, comme c’est le cas pour les autres thèmes au sein des articles R. 2312-8 (Entreprises de moins de 300 salariés), et R. 2312-9 (Entreprises de 300 salariés et plus) du Code du travail.

De plus, dans les entreprises de 50 salariés et plus, le CSE peut décider de recourir à un expert-comptable en vue de la consultation sur les orientations stratégiques de l'entreprise[15] et dans le cadre de la consultation sur la politique sociale de l’entreprise, les conditions de travail et l’emploi[16]. La loi élargit la mission de l'expert-comptable qui porte sur tous les éléments d'ordre économique, financier, social ou environnemental nécessaires à la compréhension des orientations stratégiques de l'entreprise[17], de la situation économique et financière[18] et de la politique sociale de l'entreprise, des conditions de travail et de l'emploi[19].

La formation des représentants du personnel

Dans le même ordre d’idée, le congé de formation économique, social et syndical des salariés devient le congé de formation économique, social, environnemental et syndical[20].

Concrètement, il s’agit de la formation économique sociale et syndicale et son congé qui incluent dorénavant le thème de l'environnement. Ainsi, le congé est renommé congé de formation économique, sociale, environnementale et syndicale. Pour rappel, ce congé n'est pas réservé aux élus, et peut être suivi par les salariés sans mandat.

De plus, la formation économique des membres titulaires du CSE peut dorénavant notamment porter sur les conséquences environnementales de l'activité des entreprises[21]. A noter que la loi ajoute une possibilité et non une obligation. Cela dit, c’est de l’intérêt de l’entreprise d’intégrer la thématique de l’environnement afin de donner les moyens nécessaires au CSE de remplir leurs nouvelles attributions.

Enfin, la loi complète les missions des Opco qui doivent informer les entreprises sur les enjeux liés au développement durable et les accompagner dans leurs projets d'adaptation à la transition écologique, notamment par l'analyse et la définition de leurs besoins en compétences[22].

Muriel Besnard

Consultant Juridique

 

[1] https://www.ecologie.gouv.fr/convention-citoyenne-climat-146-propositions-retenues-emmanuel-macron

[2] Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, publiée au journal officiel du 24 août 2021

[3] Article L. 2241-12 du Code du travail

[4] Article L. 2242-20 du Code du travail

[5] Article L. 2241-4 du Code du travail pour la négociation de branche et professionnelle et article L. 2242-10 pour la négociation d’entreprise

[6] Article L. 2241-12 du Code du travail

[7] Article L. 2241-20 du Code du travail

[8] Article L. 2312-8 du Code du travail

[9] Article L. 2312-8 – III du Code du travail

[10] Article L. 2312-17 du Code du travail

[11] Article L. 2312-22 du Code du travail

[12] Article L. 2312-18 du Code du travail

[13] Article L. 2312-21 du Code du travail

[14] Article L. 2312-36 du Code du travail

[15] Article L. 2315-87 du Code du travail

[16] Article L. 2315-91 du Code du travail

[17] Article L. 2315-87-1 ajouté au Code du travail

[18] Article L. 2315-89 du Code du travail

[19] Article L. 2315-91-1 du Code du travail

[20] Articles L. 2145-1 à L. 2145-13 du Code du travail

[21] Article L. 2315-63 du Code du travail

[22] Article L. 6332-1 du Code du travail