analyse

La période de reconversion

En matière de transition professionnelle, l’ambition de la loi du 24 octobre 2025[1]est de simplifier et d’harmoniser les dispositifs existants, ainsi que d’en améliorer leur fonctionnement. C’est en ce sens que la loi a créé la période de reconversion professionnelle en remplacement des deux dispositifs suivants :

  • La reconversion ou promotion par l’alternance dite « Pro-A »,
  • Les transitions collectives.

Si l’entrée en vigueur est prévue au 1er janvier 2026, il faudra attendre la publication du décret d’application pour une mise en œuvre effective.

La pro-A et les transitions collectives, dispositifs à l'initiative de l'employeur en vue d'une reconversion professionnelle, n'ont pas généré l'engouement espéré. C'est en tout cas ce constat qui a été fait par les partenaires sociaux qui ont alors fusionné ces deux dispositifs via l'accord national interprofessionnel du 25 juin 2025 dont les mesures ont été reprises par la loi du 24 octobre 2025. A l'heure où certaines compétences se font rares, il semble opportun de simplifier pour davantage d'efficacité et c'est bien l'objectif de la période de reconversion.

Pour tout salarié en vue d’une formation certifiante ou qualifiante[2]

La période de reconversion est ouverte à tout salarié souhaitant bénéficier d’une mobilité professionnelle interne ou externe à l’entreprise.

Pendant la période de reconversion, le salarié va suivre des actions de formation ayant pour objet l’acquisition d’une des qualifications ou enregistrées au RNCP (Registre national des certifications professionnelles), ou reconnues dans les classifications d'une convention collective nationale de branche, ou encore, ouvrant droit à un certificat de qualification professionnelle de branche ou interbranche. Les actions de formation peuvent aussi avoir pour objet l’acquisition d’un ou de plusieurs blocs de compétences.

A noter que le salarié peut bénéficier d’un conseil en évolution professionnelle pendant son temps de travail.

La période de reconversion peut également permettre l’acquisition du socle de connaissances et de compétences.

Les actions de formation[3]

Dans le cadre de la période de reconversion, le salarié bénéficie d’actions de formation concourant au développement des compétences.

Ces actions de formation peuvent être consécutives aux périodes de mise en situation en milieu professionnel.

Le salarié peut bénéficier de l’acquisition d’un savoir‑faire par l’exercice en entreprise d’une ou de plusieurs activités professionnelles en relation avec les qualifications recherchées.

Il peut également bénéficier des actions permettant de faire valider les acquis de l’expérience.

Durée des formations encadrée et couverture AT/MP

La durée des actions de formation est comprise entre 150 heures et 450 heures, réparties sur une période ne pouvant excéder 12 mois, à l’exception de celles permettant l’acquisition du socle de connaissances et de compétences.

Un accord d’entreprise ou de branche (voir ci-dessous), peut prévoir des durées de formation ainsi qu’une période de réalisation plus longues, dans la limite de 2 100 heures de formation sur une période ne pouvant excéder 36 mois[4].

Pendant la durée des actions de formation, le salarié bénéficie de la législation de la sécurité sociale relative à la protection en matière d’accidents du travail et de maladies professionnelles[5].

Adaptation possible par accord collectif[6]

Un accord d’entreprise ou de branche peut préciser les modalités de mise en œuvre de la période de reconversion, notamment sa durée, dans la limite de 2 100 heures de formation sur une période ne pouvant excéder 36 mois, les certifications permettant d’en bénéficier ainsi que les salariés prioritaires.

Mobilité interne ou externe

Période de reconversion dans l’entreprise du salarié[7]

Lorsque le salarié bénéficie d’une période de reconversion interne à l’entreprise, les modalités d’organisation de cette période, notamment sa durée, font l’objet d’un accord écrit. Pendant la période de reconversion, le contrat de travail est maintenu et le salarié perçoit sa rémunération sans modification.

Période de reconversion externe à l’entreprise[8]

Lorsque le salarié bénéficie d’une période de reconversion externe à l’entreprise, son contrat de travail est suspendu. Un accord écrit détermine les modalités de la suspension du contrat, notamment sa durée ainsi que les modalités d’un éventuel retour anticipé du salarié en cas de rupture de la période d’essai dans l’entreprise d’accueil. Cette période de reconversion dans une autre entreprise prend la forme d’un contrat à durée indéterminée (CDI) ou d’un contrat à durée déterminée (CDD) d’au moins 6 mois[9], qui précise les modalités d’organisation de la période de reconversion et prévoit une période d’essai selon qu’il s’agit d’un CDI ou d’un CDD.

Dans le cadre d’une période de reconversion externe, lorsque, au terme de la période d’essai prévue par le contrat de travail conclu avec l’entreprise d’accueil, le salarié et l’employeur de l’entreprise d’accueil souhaitent poursuivre leurs relations contractuelles, le contrat de travail avec l’entreprise d’origine est rompu selon les modalités applicables à la rupture conventionnelle ou, lorsque le contrat de travail est à durée déterminée, d’un commun accord[10].

La rupture du contrat de travail est exclue du champ d’application des dispositions relatives au licenciement pour motif économique[11].

Toujours, dans le cadre d’une période de reconversion externe, lorsque, au terme de la période d’essai prévue par le contrat de travail conclu avec l’entreprise d’accueil, l’une ou les deux parties ne souhaitent pas poursuivre leurs relations contractuelles, le salarié retrouve dans l’entreprise d’origine son poste initial ou un poste équivalent avec une rémunération au moins équivalente. En cas de refus du salarié de réintégrer l’entreprise, le contrat de travail à durée indéterminée avec l’entreprise initiale est rompu selon les modalités applicables à la rupture conventionnelle ou, lorsque le contrat de travail est à durée déterminée, d’un commun accord[12].

Mise en œuvre des périodes de reconversion externe par accord[13]

Les périodes de reconversion externe sont mises en œuvre dans les entreprises dans le cadre des accords collectifs portant gestion prévisionnelle des emplois et des compétences ou rupture conventionnelle collective, sous réserve des dispositions suivantes.

  • Dans les entreprises de 50 à moins de 300 salariéspourvues d’un délégué syndical, l’employeur engage une négociation collective dès lors qu’au moins 10 % de l’effectif de l’entreprise a vocation à bénéficier d’une période de reconversion externe sur une période de 12 mois à compter de la date de début de la négociation. Si, à l’expiration d’un délai de 3 mois, aucun accord n’est conclu, un procès‑verbal de désaccord[14] est établi et l’employeur peut définir unilatéralement les modalités de la période de reconversion externe.
  • Dans les entreprises d’au moins 300 salariés ainsi que dans les entreprises et les groupes d’entreprises de dimension communautaire[15], comportant au moins un établissement ou une entreprise d’au moins 150 salariés en France, l’employeur engage une négociation portant sur la définition des modalités d’organisation des périodes de reconversion externe (pas de décision unilatérale possible en l’absence d’accord).
  • Dans les entreprises, de moins de 50 salariés et les entreprises de 50 à moins de 300 salariés,dépourvues d’un délégué syndical, l’employeur peut fixer unilatéralement la période de reconversion externe. Lorsque l’entreprise dispose d’un comité social et économique, celui‑ci est obligatoirement consulté.

Ces accords ou, le cas échéant, la décision unilatérale de l’employeur portent notamment sur :

  • 1° La prise en charge de l’écart éventuel de rémunération du salarié dont le contrat de travail est suspendu pendant la période de reconversion professionnelle externe ;
  • 2° Les conditions dans lesquelles la durée de la période de reconversion professionnelle et des actions de formation peut être augmentée ;
  • 3° Le montant des indemnitésversées au titre de la rupture du contrat de travail du salarié bénéficiant d’une période de reconversion professionnelle, qui ne peut être inférieur à celui des indemnités légales ;
  • 4° Les conditions dans lesquelles les frais pédagogiques des actions de formation peuvent être pris en charge en tout ou partie, avec l’accord du salarié, par la mobilisation de son compte personnel de formation.

L’accord d’entreprise ou de branche portant sur les modalités de mise en œuvre de la période de reconversion ou, le cas échéant, la décision unilatérale de l’employeur peut prévoir que, en période de reconversion, la rémunération du salarié et les frais annexes à la formation peuvent être pris en charge par l’opérateur de compétences. Un décret à paraître devra en déterminer les conditions[16].

Financement et co-financement

Les frais pédagogiques des actions de formation, dans le cadre des périodes de reconversion, sont financés par l’opérateur de compétence (Opco).

Ces actions de formation peuvent faire l’objet d’un cofinancement par la mobilisation du compte personnel de formationdu salarié, sous réserve de son accord.

Pour une période de reconversion interne, le montant des droits mobilisés ne peut excéder la moitié des droits inscrits sur le compte personnel de formation du salarié. Pour une période de reconversion externe, le montant des droits mobilisés n’est pas limité[17].

L’Opco prend en charge, les frais pédagogiques des périodes de reconversion.

L’Opco peut également prendre en charge, les frais annexes aux actions de formation et la rémunération des salariés bénéficiant d’une période de reconversion, sous réserve de la conclusion des accords d’entreprise ou de branche sur le sujet[18]

Le financement des périodes de reconversion se fera selon des NPEC (niveaux de prise en charge) fixés par les branches, dans la limite d’une dotation allouée par France compétences. C’est un décret qui fixe les NPEC sur proposition des branches en fonction de critères définis par l’Opco[19] (par exemple : ancienneté, métiers en tension, âge des salariés…).

Enfin la loi du 24 octobre 2025 précise que les organismes publics ou privés de formation ne peuvent subordonner l’inscription en formation d’un salarié en période de reconversion au versement par ce dernier d’une contribution financière de quelque nature qu’elle soit, à l’exception de la mobilisation de son compte personnel de formation[20].

Un nouveau sujet de consultation sur la politique sociale de l’entreprise

A défaut d’accord (dispositions supplétives), la consultation annuelle sur la politique sociale de l'entreprise, les conditions de travail et l'emploi porte aussi sur les périodes de reconversion.

Ce thème se rajoute aux autres thèmes de cette consultation, à savoir à l'évolution de l'emploi, les qualifications, le programme pluriannuel de formation, les actions de formation envisagées par l'employeur, l'apprentissage, les conditions d'accueil en stage, les actions de prévention en matière de santé et de sécurité, les conditions de travail, les congés et l'aménagement du temps de travail, la durée du travail, l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et les modalités d'exercice du droit d'expression des salariés dans les entreprises non couvertes par un accord sur l'égalité professionnelle et la qualité de vie et des conditions de travail contenant des dispositions sur ce droit[21].

A cette fin, l'employeur va mettre à disposition des membres du comité social et économique, dans la BDESE (Base de données économiques, sociales et environnementales) des informations sur la mise en œuvre des périodes de reconversion[22]. L’ajout de cette information dans la BDESE est une obligation à laquelle l’employeur ne pourra pas déroger, même par accord.

Comment gérer les Pro-A en 2026 ?

Les reconversions et promotions par l’alternance qui ont fait l’objet d’un avenant avant le 1er janvier 2026 resteront régies par les anciennes dispositions.

Ainsi, au niveau du Code du travail, les articles relatifs à la dotation de France compétences[23], aux modalités de mise en œuvre de la reconversion ou promotion par l’alternance[24] et au financement par l’Opco[25], dans leur rédaction antérieure à la loi du 24 octobre 2025 transposant les 3 ANI, s’appliquent aux actions engagées pour lesquelles l’avenant précise que la durée de la reconversion ou de la promotion par l’alternance a été conclu avant le 1er janvier 2026.

En pratique ce sont des accords collectifs de branche étendus qui définissent les listes de certifications professionnelles éligibles à ce dispositif de formation par alternance. De même, ces accords de branche étendus cesseront de produire leurs effets à compter du 1er janvier 2026.

Muriel Besnard

Consultant Juridique

[1] Loi n° 2025-989 du 24 octobre 2025 portant transposition des accords nationaux interprofessionnels en faveur de l’emploi des salariés expérimentés et relatifs à l’évolution du dialogue social

[2] Article L. 6324-1 du Code du travail

[3] Article L. 6324-2 du Code du travail

[4] Article L. 6324-4 du Code du travail

[5] Article L. 6324-5 du Code du travail

[6] Article L. 6324-8 du Code du travail

[7] Article L. 6324-3 du Code du travail

[8] Article L. 6324-3 du Code du travail

[9] La loi du 24 octobre 2025 ajoute ainsi un nouveau cas de recours au CDD dans le cadre de la politique de l’emploi : 5° de l’article L. 1242-3 du Code du travail

[10] Article L. 6324-7 du Code du travail

[11] Article L. 6324-7 du Code du travail

[12] Article L. 6324-7 du Code du travail

[13] Article L. 6324-9 du Code du travail

[14] Dans les conditions définies à l’article L. 2242-5 du Code du travail

[15] Au sens des articles L. 2341-1 et L. 2341-2 du Code du travail

[16] Article L. 6324-10 du Code du travail

[17] Article L. 6324-10 du Code du travail

[18] Article L. 6332-14-1 du Code du travail

[19] Article L. 6332-1 du Code du travail

[20] Article L. 6324-6 du Code du travail

[21] Article L. 2312-26 du Code du travail (dispositions supplétives)

[22] Article L. 2312-18 du Code du travail (dispositions d’ordre public)

[23] Article L. 6123-5 du Code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2025-989 du 24 octobre 2025

[24] Articles L. 6324-1 à L. 6324-10 du Code du travail dans leurs rédactions antérieures à la loi n° 2025-989 du 24 octobre 2025

[25] Article L. 6332-14 du Code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2025-989 du 24 octobre 2025

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