analyse
Loi de transposition des 3 ANI : le contrat de valorisation de l'expérience
La loi du 24 octobre 2025[1], portant transposition des accords nationaux interprofessionnels en faveur de l’emploi des salariés expérimentés et relatif à l’évolution du dialogue social, introduit le contrat de valorisation de l’expérience à titre expérimental. L’objectif est de lever les freins au recrutement des demandeurs d’emploi seniors.
Les mesures de l'accord national interprofessionnel du 14 novembre 2024 en faveur de l’emploi des salariés expérimentés ont été reprises fidèlement par la loi du 24 octobre 2025. Partant du constat que les demandeurs d’emploi séniors sont davantage exposés au risque de chômage de longue durée, le texte de loi prévoit d’expérimenter un nouveau type de contrat à destination des séniors afin de favoriser leur retour à l’emploi. Le contrat de valorisation de l'expérience[2] est ainsi entré en vigueur le 26 octobre 2025 dans le cadre d'une expérimentation sur 5 ans. Ce contrat est soumis aux dispositions régissant les contrats de travail à durée indéterminée sous réserve de quelques adaptations.
Conditions à remplir
Les missions devant être exercées dans le cadre du contrat de valorisation de l'expérience (CVE) peuvent être précisées par convention ou accord de branche étendu.
Tout type d'entreprise peut recourir à ce type de contrat.
En revanche, pour conclure un CVE, le potentiel bénéficiaire doit remplir 4 conditions au moment de son embauche :
- 1° être âgé d’au moins 60 ans, ou d’au moins 57 ans si une convention ou un accord de branche étendu le prévoit ;
- 2° être inscrit sur la liste des demandeurs d’emploi;
- 3° ne pas bénéficier d’une pension de retraite de base de droit propre à taux plein d’un régime légalement obligatoire, à l’exception de celles attribuées au titre de certains régimes dits spéciaux et de la pension des militaires[3];
- 4° ne pas avoir été employé dans cette entreprise ou, le cas échéant, dans une entreprise appartenant au même groupe, au cours des 6 mois précédents. La notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise et celles qu’elle contrôle dans les conditions définies à l’article L. 233‑1, aux I et II de l’article L. 233‑3 et à l’article L. 233‑16 du code de commerce.
A noter que l'ANI du 14 novembre 2024 relatifs aux salariés expérimentés précisait que le demandeur d'emploi ne devait pas avoir été employé en CDI dans ce délai de 6 mois. Cela n'a pas été repris par la loi qui n'indique pas la nature des contrats à prendre en compte sur la période des 6 mois.
Mise à la retraite sécurisée
Régime dérogatoire : mise à la retraite d’office possible entre 67 et 70 ans.
Lors de la signature du contrat, le salarié remet à l’employeur un document, transmis par la Caisse nationale d'assurance vieillesse, mentionnant la date prévisionnelle à laquelle il remplira les conditions pour bénéficier d’une retraite à taux plein[4].
En cas de réévaluation ultérieure de cette date, le salarié en informe son employeur et lui transmet une version mise à jour de ce même document.
Ainsi l’employeur a connaissance de la date à laquelle il peut mettre à la retraite le salarié, sans avoir à recueillir son accord.
La mise à la retraite d'un salarié embauché dans le cadre d'un CVE suit donc un régime dérogatoire aux dispositions de droit commun. Pour rappel, la mise à la retraite d'office d'un salarié en CDI, sans avoir à recueillir l'accord du salarié n'est possible que lorsque le salarié atteint l’âge de 70 ans. Entre 67 et 70 ans, l'employeur doit demander l'accord du salarié.
Des garanties à respecter
L'employeur qui décide de mettre son salarié à la retraite, dans le cadre du contrat de valorisation de l’expérience, doit respecter un préavis identique à celui prévu en cas de licenciement (Article L. 1237-6 du CT).
Il doit également verser au salarié une indemnité de mise à la retraite au moins égale à l'indemnité de licenciement attribuée dès lors que le salarié aurait fait valoir ses droits à une pension de vieillesse au titre d’un régime de base obligatoire.
Côté employeur, le texte précise que chaque salarié ne peut bénéficier que d'une seule indemnité de départ ou de mise à la retraite. L'indemnité est attribuée lors de la première liquidation complète de la retraite[5].
Si la rupture du CVE ne respecte ni les conditions de mise à la retraite prévues ci-dessus et spécifiques au CVE ni celles prévues à l’article L. 1237‑5 du code du travail relatives à l'âge de mise à la retraite, la rupture du contrat de travail par l’employeur constitue un licenciement et non une mise à la retraite. Par exemple, les conditions ne sont pas respectées si la rupture intervient avant que le salarié puisse bénéficier d’une retraite à taux plein, ou en l'absence de préavis ou du versement de l’indemnité.
Exonération de la contribution patronale sur les indemnités de mise à la retraite
Pour rappel, en dehors du CVE, l'employeur qui met à la retraite son salarié est tenu de verser une contribution patronale de 30% sur la fraction d'indemnité de mise à la retraite exonérée de cotisations de sécurité sociale, assujettie ou non à la CSG/CRDS[6].
Le texte de loi permet à l'employeur d'être exonéré, jusqu’à la fin de la 3ème année suivant la promulgation de la loi (soit jusqu’au 23 octobre 2028), de la contribution de 30% sur les indemnités versées à l’occasion de la mise à la retraite, exclue de l’assiette des cotisations de sécurité sociale, au titre des indemnités versées à l’occasion des ruptures de contrats de valorisation de l’expérience.
Cette mesure n’est prévue que pour 3 ans, mais elle pourrait être prolongée par une loi de financement de la sécurité sociale ultérieure.
Rapport d’évaluation
Le Gouvernement devrait remettre au Parlement, au plus tard 6 mois avant le terme de l’expérimentation, un rapport d’évaluation de l’expérimentation. Ce rapport devrait présenter, notamment, le bilan du recours au contrat de valorisation de l’expérience ainsi que le montant des exonérations qui y ont été associées.
Muriel Besnard
Consultant Juridique
[1] Loi n° 2025-989 du 24 octobre 2025 portant transposition des accords nationaux interprofessionnels en faveur de l’emploi des salariés expérimentés et relatifs à l’évolution du dialogue social
[2] Article 4 de la loi n° 2025-989 du 24 octobre 2025
[3] Les exceptions concernent les pensions attribuées au titre du régime mentionné à l’article L. 5551-1 du Code des transports, des artistes du ballet relevant de la caisse de retraite des personnels de l’Opéra national de Paris, des anciens agents du régime des retraites des mines ou du régime en application de l’article L. 6 du code des pensions civiles et militaires de retraite.
[4] C’est-à-dire soit 67 ans qui est l’âge du taux plein automatique dans le cadre d’un départ à la retraite, soit avant 67 ans sous réserve d’avoir l’âge légal de départ à la retraite et le nombre de trimestres requis.
[5] Article L. 1237-7 du Code du travail
[6] Article L. 137-12 du Code de la sécurité sociale.

