Octobre 2023
Les partenaires sociaux de la Métallurgie ont souhaité plus de lisibilité en négociant une convention collective unique de la Métallurgie[1]. Cette nouvelle configuration remplacera, au 1er janvier 2024, les accords nationaux, la convention collective des ingénieurs et cadres et les conventions et accords territoriaux et sectoriels (sidérurgie). Il est notamment prévu une classification unique qui peut faire passer, au 1er janvier 2024, des salariés ayant actuellement le statut de cadre vers celui de non-cadre. L’UIMM[2] a prévu des garanties pour ces salariés.
La nouvelle convention collective nationale de la Métallurgie prévoit une classification unique qui, selon l’article 59, « vise à ordonner les emplois de manière hiérarchisée, selon une méthode déterminée paritairement, et permettant aux entreprises de la branche de s’adapter aux enjeux économiques et sociaux qui leur sont propres ». Cette nouvelle méthode peut conduire certains salariés ayant le statut cadre en vertu des textes applicables jusqu’au 31 décembre 2023, à basculer vers un statut « non-cadre ». L’article 68 de cette convention prévoit le maintien du bénéfice de certaines dispositions conventionnelles applicables aux cadres.
La nouvelle classification (articles 59 à 62)
Les signataires ont souhaité mettre en place une méthode de classification qui se fonde sur la réalité des activités réalisées et sur l’analyse du contenu des emplois.
Ainsi, dans un premier temps, l’employeur applique une méthode de classement des emplois à travers six critères classants :
- La complexité de l’activité
- Les connaissances
- L’autonomie
- La contribution
- L’encadrement/ la coopération
- La communication
Ces critères sont communs à tous les emplois. Chacun de ces critères est décliné en 10 degrés d’exigence ce qui constitue l’architecture du référentiel d’analyse des emplois[3].
Il convient ensuite d’appliquer la méthode de cotation, critère par critère, puis d’additionner les points obtenus pour l’ensemble des critères afin de déterminer les cotations des emplois.
La branche de la Métallurgie a mis à disposition un site avec diverses ressources permettant d’appréhender la méthode de cotation des emplois : https://www.convention-collective-branche-metallurgie.fr/
Les cotations sont regroupées en 18 classes d’emploi (1 à 18) qui sont elles-mêmes regroupées en 9 groupes d’emploi (A à I).
Pour l’application des dispositions conventionnelles de la branche, les emplois relevant de la catégorie professionnelle des cadres sont ceux classés dans les groupes d’emplois F, G, H et I.
Par ailleurs, pour le bénéficie des dispositions en matière de protection sociale complémentaire, les salariés classés dans les groupes F à I sont considérés comme des salariés ayant le statut « cadre ». Les salariés classés au moins en E9 sont considérés comme des salariés ayant le statut d’assimilés cadres.
Maintien des dispositions conventionnelles applicables aux « anciens » cadres (article 68)
La nouvelle convention collective de la métallurgie prévoit de maintenir le bénéfice de certaines dispositions conventionnelles applicables aux salariés « cadres », à des salariés qui perdent le bénéfice de ce statut « cadre » du fait de l’application de la nouvelle convention.
Cette disposition transitoire s’applique aux salariés dont l’emploi relève, au 31 décembre 2023, des dispositions de la convention collectives des ingénieurs et cadres de la métallurgie, mais qui, au 1er janvier 2024, ne seront pas classés dans les groupes d’emplois F à I du fait de l’application de la nouvelle classification unique.
Dans ce cas, tant qu’ils tiennent leur emploi dans l’entreprise, ces salariés vont bénéficier de certains avantages des salariés dont l’emploi relève de la catégorie des cadres (groupes d’emploi F à I), tels que :
- La prise en compte des périodes de suspension de contrat de travail pour la détermination de l’ancienneté en application du chapitre relatif à la rupture du contrat de travail (Article 73) ;
En effet, pour les salariés dont l’emploi relève des groupes F à I, les périodes de suspension de contrat sont prises en compte pour la détermination de cette ancienneté applicable dans le cadre de la rupture du contrat de travail. Ainsi, les salariés qui en application de cette nouvelle convention collective passent de « cadre » à « non-cadres » vont bénéficier de cet avantage.
- La durée du préavis de démission (Article 74.2.1) ;
- La durée du préavis de licenciement (Article 75.2.1) ;
- Le calcul de l’indemnité conventionnelle de licenciement (Article 75.3) ;
Plus précisément, le salarié qui était cadre au 31 décembre 2023 et qui relève d’un emploi classé dans les groupes A à E au 1er janvier 2024, bénéficiera, selon la formule la plus avantageuse pour lui, de l’indemnité légale de licenciement[4] ou de l’indemnité conventionnelle applicable aux salariés dont l’emploi relève des groupes d’emploi A à E[5] ou de l’indemnité conventionnelle de licenciement applicable aux salariés dont l’emploi relève des groupes d’emploi F à I[6].
- L’incidence de la maladie sur les droits à congés payés (Article 84) ;
Selon l’article 84, pour les salariés dont l’emploi relève des groupes F à I, les périodes de suspension du contrat de travail pour cause de maladie ou d’accident, dans la limite d’un an calendaire d’absence, quelle que soit l’ancienneté du salarié, sont considérées comme des périodes de travail effectif pour déterminer la durée des congés payés[7].
- L’indemnisation complémentaire des absences pour maladie et accident (Article 91.1) ;
- Les conditions d’exercice des missions des salariés occupant des emplois relevant d’un certain degré de responsabilité (Titre XII). Ce titre de la nouvelle convention collective concerne les salariés qui occupent des emplois relevant des groupes E à I et prend en considération les spécificités de certains emplois liées à leur degré de qualification, d’autonomie et de responsabilité. Ainsi, ce titre traite de la délégation de pouvoirs, l’accès aux informations, le droit à la déconnexion, le recours au télétravail…
Il s’agit de dispositions transitoires qui ne s’appliquent que tant que le salarié occupe un emploi qui au 31 décembre 2023 relève de la convention des ingénieurs et cadres de la métallurgie et qui au 1er janvier 2024 bascule, du fait de l’application de la nouvelle classification unique de la métallurgie dans un groupe « non-cadre ».
Cette liste est restrictive, toutefois, par accord d’entreprise l’employeur peut souhaiter accorder à ces salariés d’autres garanties.
Notion de groupe fermé pour ces « anciens » cadres définis à l’article 68
Au 1er janvier 2024, ces salariés, qui n’auront plus le statut de « cadre » avec l’application de la nouvelle convention collective, constitueront un groupe fermé avec les caractéristiques suivantes :
- Leur nouvelle classification sera comprise parmi les groupes d’emplois A à E et les classes d’emplois 1 à 10.
- En matière de protection sociale complémentaire, ils seront assimilés cadres s’ils relèvent des emplois classés au moins E9. Ils peuvent être « intégrés à la catégorie des cadres » (ancien article 36) s’ils relèvent des emplois classés au moins C6 et sous réserve de l’agrément APEC demandé par l’UIMM (à la date de rédaction de cet article, l’APEC ne s’est pas prononcée sur cet agrément). En dehors de ces spécificités et sauf dispositions particulières dans l’accord de prévoyance, ils seront considérés comme des salariés « non-cadre » en matière de protection sociale complémentaire.
- Ce sera à l’employeur de définir, pour chaque salarié, la CSP à retenir entre « technicien-agent de maîtrise », « employé » et « ouvrier ». La CSP est à déclarer en DSN et elle est indispensable pour les entreprises d’au moins 50 salariés qui doivent calculer les indicateurs de l’Index égalité femmes-hommes et les indicateurs de la BDESE[8].
- Ils vont bénéficier de certains avantages, listés ci-dessus, appliqués à des salariés ayant le statut « cadre » et relevant des groupes d’emplois F à I.
- En dehors de cette liste restrictive d’avantages, lorsque la convention collective différentie les mesures selon la catégorie d’emploi occupée par le salarié, ce sont les dispositions des emplois classés dans les groupes A à E qui leur sont applicables. Par exemple, ils vont bénéficier de la prime d’ancienneté prévue à l’article 142 de la nouvelle convention collective.
Enfin, comme pour les autres salariés de la métallurgie, ces salariés bénéficient également des différentes garanties en matière de rémunération.
Muriel Besnard
Consultant Juridique
[1] Nouvelle convention collective de la Métallurgie du 7 février 2022, étendue par arrêté du 14 décembre 2022, JO du 22 (texte n° 106)
Vous pouvez accéder à l’ensemble des textes sur le site : https://uimm.lafabriquedelavenir.fr/conventions-collectives-metallurgie/
[2] Union des Industries et Métiers de la Métallurgie
[3] https://www.convention-collective-branche-metallurgie.fr/documents/Referentiel.pdf
[4] Selon l’article L. 1234-9 du Code du travail
[5] Celle visée à l’article 75.3.1.1 de la nouvelle convention collective nationale de la métallurgie
[6] Celle visée à l’article 75.3.1.2 de la nouvelle convention collective nationale de la métallurgie
[7] Deux arrêts de la Cour de cassation du 13 septembre 2023 écartent partiellement le Code du Travail et jugent que le salarié malade acquiert des congés payés pendant les périodes de suspension du contrat de travail pour maladie non professionnelle ou en cas de maladie professionnelle et accident du travail au-delà d’un an. A date, l’UIMM ne compte pas modifier la convention collective nationale du 7 février 2022. A charge pour les entreprises de tirer les conséquences de ces jurisprudences si elles le souhaitent, le temps que le code du Travail soit modifié. https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000048085897?init=true&page=1&query=22-17.340&searchField=ALL&tab_selection=all - https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000048085922?isSuggest=true
[8] Base de données économiques sociales et environnementales