Mars 2024

La loi portant réforme des retraites[1],  un décret simple[2] et un décret en Conseil d’Etat[3] ont aménagé le compte professionnel de prévention de sorte à prendre davantage en considération l’usure professionnelle.  Pour les salariés exposés aux facteurs de risques ergonomiques, ces mêmes textes ont mis en place un fonds d’investissement dans la prévention de l’usure professionnelle (Fipu) et créé un dispositif de reconversion professionnelle. Les journaux officiels des 3 et 4 février 2024 ont publié des arrêtés qui viennent compléter ces dispositifs.

Le compte professionnel de prévention (C2P) permet aux salariés, exposés à au moins un des six facteurs de risques professionnels, au-delà des seuils, d’accumuler des points pour se former et accéder à un emploi moins pénible, ou réduire son temps de travail, ou encore financer une majoration de durée d'assurance vieillesse en vue d'un départ en retraite avant l'âge légal. La loi a rajouté une quatrième possibilité :  la reconversion professionnelle. C’est à ce sujet qu’un arrêté a été publié au Journal Officiel début février 2024[4], indiquant les pièces à transmettre à la commission paritaire interprofessionnelle compétente.

Pour les salariés exposés aux facteurs de risques ergonomiques, exclus du C2P, la possibilité de se faire financer une reconversion professionnelle par le Fipu est soumise à des conditions. Deux arrêtés[5] du 30 janvier 2024, publiés au journal officiel du 4 février, précisent le cofinancement de l’employeur et la composition du dossier de demande de prise en charge.

Utilisation du C2P pour une reconversion professionnelle

Un salarié ayant accumulé des points dans le cadre de son compte professionnel de prévention peut les utiliser pour[6] :

  • Se former en vue d’accéder à un emploi non exposé ou moins exposé aux facteurs de risques professionnels ;
  • Réduire son temps de travail en bénéficiant d’un complément de rémunération ;
  • Financer une majoration de durée d’assurance vieillesse et un départ en retraite avant l’âge légal de départ en retraite de droit commun.
  • Quatrième possibilité rajoutée par la loi portant réforme des retraites : financer un projet de reconversion professionnelle et accéder à un emploi non exposé ou moins exposé aux facteurs de risques professionnels. Sous réserve de quelques adaptations, le projet et le congé de reconversion sont soumis aux règles du code du travail relatives au projet de transition professionnelle (PTP).

Rappel des modalités d’utilisation du C2P pour une reconversion professionnelle

Lorsque le titulaire du C2P utilise les points acquis pour financer un projet de reconversion professionnelle et accéder à un emploi non exposé ou moins exposé aux facteurs de risques professionnels, le bénéficiaire peut mobiliser ses points pour financer des frais afférents à une ou plusieurs actions de formation, de bilan de compétences ou de validation des acquis de l’expérience[7], dans le cadre d’un projet de reconversion professionnelle.

Concrètement, les points du C2P seront convertis en euros pour abonder le compte personnel de formation (CPF) afin de financer les coûts pédagogiques afférents à son projet de reconversion professionnelle[8].

En cas d’actions de formation devant être suivies en tout ou partie pendant le temps de travail, les salariés disposant d’un C2P pourront demander un congé de reconversion professionnelle à leur employeur[9]. Dans ce cas, la mobilisation des points permet de financer la rémunération pendant le congé de reconversion. Les points du C2P sont alors convertis en euros[10].

La demande d’utilisation des points pour un projet de reconversion professionnelle peut intervenir à tout moment de la carrière du titulaire du compte[11].

Le projet de reconversion professionnelle fait l'objet d'un accompagnement par les Opco[12] financé par France compétences au titre du conseil en évolution professionnelle. Cet opérateur informe, oriente le salarié et l'aide à formaliser son projet[13].

Les commissions paritaires interprofessionnelles régionales, aussi appelées ATPro[14], assurent l'instruction et la prise en charge administrative et financière des projets de reconversion professionnelle[15].

Dossier de demande à transmettre à la commission paritaire régionale 

Lorsque le titulaire du compte professionnel de prévention décide de mobiliser tout ou partie des points inscrits sur le compte pour financer les frais afférents à une ou plusieurs actions de formation, bilan de compétences ou VAE dans le cadre d'un projet de reconversion professionnelle, ces points sont convertis en euros :

  • Pour abonder son compte personnel de formation afin de financer les coûts pédagogiques afférents à son projet de reconversion professionnelle ;
  • Le cas échéant, pour assurer sa rémunération pendant un congé de reconversion professionnelle.

Dans ce cadre, le salarié titulaire du C2P doit renseigner un dossier de demande de prise en charge financière d’un projet de reconversion professionnelle et l’adresser à l’ATpro.

L’arrêté[16] du 30 janvier 2024 fixe en annexe les informations devant être renseignées, telles que l’identification du demandeur, de l’employeur, du prestataire chargé de la formation contrôlant au passage qu’il détient la certification Qualiopi. Sont également attendues la définition du projet de reconversion professionnelle et notamment le métier visé par le salarié.

Ci-dessous reproduite l’annexe de l’arrêté du 30 janvier 2024 :

DEMANDE DE PRISE EN CHARGE FINANCIERE D'UN PROJET DE RECONVERSION PROFESSIONNELLE

  1. - Prestataire(s)

- dénomination sociale du prestataire ;

- adresse postale et courriel du prestataire ;

- téléphone(s) du prestataire ;

- numéro de déclaration d'activité et numéro SIRET du prestataire ;

- si une formation ou un parcours de valorisation des acquis de l'expérience est sollicité, la date et le nom de l'organisme certificateur ou de l'instance de labellisation ayant délivré la certification mentionnée à l'article L. 6316-1 du code du travail ;

- dans le cas d'une formation en tout ou partie à distance rémunérée, l'identification par le prestataire de formation de la nature des pièces à conserver pour justifier de l'assiduité du bénéficiaire du projet de reconversion professionnelle.

  1. - Demandeur

- nom de naissance, nom d'usage, prénoms, sexe, date et lieu de naissance du demandeur ;

- numéro d'inscription au répertoire national d'identification des personnes physiques (NIR) ;

- le cas échéant, indication d'une situation de handicap ou du statut de bénéficiaire de l'obligation d'emploi du demandeur ;

- adresse postale de la résidence principale et courriel du demandeur ;

- téléphone(s) du demandeur ;

- présentation du parcours professionnel du demandeur (parcours professionnel et parcours de formation) ;

- identification de la situation professionnelle du demandeur lors du projet de reconversion professionnelle (statut pendant le parcours de formation, temps mobilisé pour se former, temps exercice d'une activité salarié) ;

- le cas échéant, souscription d'une assurance volontaire individuelle contre le risque des accidents du travail et maladies professionnelles lorsque la formation se réalise en totalité hors temps de travail.

III. - Employeur

- dénomination sociale de l'employeur actuel du demandeur ;

- adresse postale et courriel de l'employeur actuel du demandeur ;

- téléphone(s) de l'employeur actuel du demandeur ;

- numéro SIRET de l'employeur actuel du demandeur ;

- adresse postale du lieu de travail du demandeur ;

- pour les employeurs publics, l'opérateur de compétences ayant reçu la contribution mentionnée au deuxième alinéa de l'article L. 6323-20-1 du code du travail.

  1. - Projet de reconversion professionnelle

Présentation du projet de reconversion professionnelle du demandeur, et notamment le métier visé par le projet de reconversion :

- si un bilan de compétences est sollicité :

- durée du bilan de compétences (heures) ;

- le programme attestant des trois phases, préalable, d'investigation et de conclusions ;

- lieu d'accueil des actions du bilan en présentiel ;

- les principales modalités si le bilan est partiellement ou en totalité à distance ;

- les frais afférents au bilan de compétences.

- si une formation est sollicitée :

- programme et calendrier détaillés de l'action de formation et du stage pratique en entreprise comprenant, au regard de leur durée, une répartition mensuelle sur la base de laquelle est délivrée l'autorisation d'absence du salarié établie par l'employeur. Dans le cas d'une formation en tout ou partie à distance rémunérée, le programme et calendrier détaillé de l'action de formation comprend une répartition mensuelle de la durée moyenne de l'action de formation sur la base de laquelle est délivrée l'autorisation d'absence du salarié établie par l'employeur ;

- lieux d'accueil de la formation en présentielle ;

- montant des frais pédagogiques et des frais d'inscription à l'action de formation ;

- en cas de stage pratique en entreprise nécessaire à l'obtention d'une certification prévue par le projet de reconversion professionnelle, l'extrait et la référence du texte issu du ministère ou de l'organisme certificateur au sens de l'article L. 6113-2 du code du travail fixant la durée de celui-ci.

Documents venant en complément du dossier de demande en fonction des situations

Documents liés aux modalités de réalisation du projet de transition professionnelle

Ce dossier de demande est accompagné de plusieurs autres documents en fonction des situations :

  • L'autorisation d'absence du salarié établie par l'employeur, lorsque l'action de formation ou le stage en entreprise est suivi en tout ou partie durant son temps de travail ;
  • L'attestation sur l'honneur de l'employeur de l'effectif de l'entreprise, tous établissements confondus (effectif sécurité sociale[17]) dès lors que la commission paritaire interprofessionnelle régionale n'a pas d'accès, en cours de validité, à cet effectif pour l'exercice de sa mission ;
  • 3° Le cas échéant, le bilan de positionnement préalable à l'action de formation établi par le prestataire de formation. Le bilan de positionnement préalable tient compte, le cas échéant, des spécificités et des besoins en compensation liées à la situation de handicap du demandeur. En cas de bilan de compétences, le positionnement intervient impérativement après celui-ci et tient compte de ses conclusions ;
  • L'attestation permettant de vérifier la réalisation d'un accompagnement du demandeur par un conseiller en évolution professionnelle ;
  • 5° Le cas échéant, la copie du courrier d'admission en formation ;
  • 6° La copie de l'attestation de points mobilisables sur le compte professionnel de prévention du salarié, datant de moins de six mois au moment du dépôt de la demande ;
  • 7° Une confirmation de co-financement en cas de mobilisation de financements complémentaires par le salarié ;
  • 8° Le relevé d'identité bancaire du prestataire de formation ;
  • 9° Le relevé d'identité bancaire de l'employeur lorsque la rémunération du salarié est versée (PTP réalisé sur le temps de travail) ;
  • 10° Le relevé d'identité bancaire du salarié lorsque la rémunération est versée à un salarié en CDD après le terme du contrat, ou lorsque le PTP est accordé à un artiste ou technicien intermittent du spectacle, ou pour les salariés des particuliers employeurs, ou en cas de rupture du contrat de travail postérieurement à l’accord de prise en charge du PTP ou lorsque le salarié demande la prise en charge de frais annexes ;
  • 11° Le document attestant sur l'honneur de l'absence de dépôt simultané d'une demande de prise en charge du projet de reconversion professionnelle à une autre commission paritaire interprofessionnelle régionale ;
  • 12° Le document attestant sur l'honneur de l'absence de décision de rupture du contrat de travail avant la décision de la commission sollicitée.

En cas d'accord de prise en charge de la commission paritaire interprofessionnelle régionale prévoyant un stage en entreprise, le dossier est complété, dès le début du stage, de la copie de la convention de stage conclue entre l'entreprise d'accueil, le prestataire de formation et le stagiaire.

En cas de versement de la rémunération par l'employeur pendant une formation réalisée dans le cadre d’un projet de transition professionnelle et suivie, pendant le temps de travail, en tout ou partie à distance, l'employeur s'engage à attester sur l'honneur chaque mois de l'absence du salarié de son poste de travail pour la durée moyenne prise en charge par la commission paritaire interprofessionnelle régionale et inscrite sur le certificat de réalisation établit par l'organisme de formation.

En cas de transmission, sous une forme dématérialisée, du dossier de demande de prise en charge au titre du système d’information « Moncompteformation », l'autorisation d'absence, les attestations sur l'honneur, le bilan de positionnement préalable et la copie du courrier d'admission en formation peuvent être intégrés au contenu du dossier renseigné par les parties concernées.

Documents liés à la relation contractuelle entre l’employeur et le salarié (CDI, CDD, intermittent, intérimaire)

Le dossier de demande est également accompagné de plusieurs autres documents en fonction de la situation du salarié :

Le salarié titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée qui sollicite la prise en charge financière d'un projet de reconversion professionnelle adresse en complément de ces documents les pièces suivantes :

  • 1° La copie des bulletins de salaire correspondant aux douze derniers mois d'activité du salarié ;
  • 2° Le cas échéant, le déclaratif des éléments variables de rémunération que l'employeur s'engage à maintenir durant la période du congé de reconversion professionnelle ;
  • 3° Le cas échéant, l'accord de la CPAM, CGSS ou MSA lorsque le projet de reconversion professionnelle est réalisé pendant un arrêt de travail.

Le salarié titulaire d'un contrat à durée déterminée qui sollicite la prise en charge financière d'un projet de reconversion professionnelle adresse en complément les pièces suivantes :

  • 1° La copie du dernier contrat de travail à durée déterminée et de ses avenants ;
  • 2° Le cas échéant, lorsque le projet de reconversion professionnelle est réalisé en tout ou partie sur le temps de travail, la copie des bulletins de salaire à la mise en œuvre du dernier contrat de travail ;
  • 3° La copie de la carte nationale d'identité, du passeport, …, ou du titre de séjour en cours de validité du salarié ;
  • 4° Le cas échéant, lorsque le projet de reconversion professionnelle est réalisé en tout ou partie sur le temps de travail, le déclaratif des éléments variables de rémunération que l'employeur s'engage à maintenir durant la période du congé de reconversion professionnelle.

Le salarié intermittent du spectacle relevant des secteurs d'activité du spectacle vivant ou du spectacle enregistré qui sollicite la prise en charge financière d'un projet de reconversion professionnelle transmet en complément les pièces suivantes :

  • 1° La copie des bulletins de salaire correspondant aux douze derniers mois ;
  • 2° La copie de la carte nationale d'identité, du passeport, …, ou du titre de séjour en cours de validité du salarié intermittent du spectacle ;
  • 3° Le cas échéant, les relevés mensuels de situation établis par Pôle emploi spectacle justifiant du montant et du nombre de jours d'indemnisation au titre des douze derniers mois.

Le salarié titulaire d'un contrat de travail conclu avec une entreprise de travail temporaire qui sollicite la prise en charge financière d'un projet de reconversion professionnelle transmet en complément, les pièces suivantes :

  • 1° La copie des bulletins de salaire correspondant aux heures de mission effectuées pour le compte de l'entreprise de travail temporaire au cours des douze derniers mois ;
  • 2° Le cas échéant, le déclaratif des éléments variables de rémunération que l'employeur s'engage à maintenir durant la période du congé de reconversion professionnelle.

Si les points inscrits sur le compte professionnel de prévention ne sont pas suffisants pour financer son projet de reconversion professionnelle, le salarié qui sollicite un complément de financement adresse en plus des documents mentionnés ci-dessus les pièces suivantes :

  • 1° Le cas échéant, la copie du diplôme ou titre à finalité professionnelle le plus élevé obtenu par le salarié, conformément au cadre national des certifications professionnelles et à la grille de correspondance ;
  • 2° Le cas échéant, le curriculum vitae et le relevé de carrière détaillé du salarié, disponible sur le site internet de la caisse de retraite ;
  • 3° Le cas échéant, la copie de l'avis d'inaptitude au poste actuel établi par un médecin du travail et/ou de la démarche engagée pour une reconnaissance d'inaptitude auprès de ce dernier ;
  • 4° La copie du document justifiant de la non-application de la condition d'ancienneté en cas de 2 refus successifs de demandes de mobilité volontaire sécurisée ou au titre des différentes exceptions prévues dans le cadre du projet de transition professionnelle et listées au I de l'article L. 6323-17-2 du Code du travail, ou à défaut :
    • a) Pour le salarié titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée, la copie des certificats de travail ou attestations de travail justifiant vingt-quatre mois d'activité professionnelle ;
    • b) Pour le salarié titulaire d'un contrat de travail à durée déterminée, la copie des certificats de travail ou attestations de travail justifiant vingt-quatre mois d'activité professionnelle durant les cinq dernières années, ainsi que la copie des bulletins de salaire correspondant à au moins quatre mois d'activité professionnelle sous contrat de travail à durée déterminée durant les douze derniers mois ;
    • c) Pour le salarié intermittent du spectacle relevant des secteurs d'activité du spectacle vivant ou du spectacle enregistré, les attestations de paiement congés spectacles établis par la caisse des congés spectacles justifiant du volume et du montant des rémunérations et indemnités des activités et congés payés au titre des soixante derniers mois et, le cas échéant, la copie des contrats de travail et avenants d'intermittent du spectacle non mentionnés sur le dernier document établi par la caisse des congés spectacles ;
    • d) Pour le salarié titulaire d'un contrat de travail conclu avec une entreprise de travail temporaire, la copie des contrats de travail et avenants ainsi que des certificats de travail ou attestations de travail correspondant aux 1 600 heures travaillées dans la branche au cours des dix-huit derniers mois, la copie des bulletins de salaire correspondant aux 600 dernières heures de mission effectuées pour le compte de l'entreprise de travail temporaire au cours des dix-huit derniers mois et, le cas échéant, lorsqu'il en dispose, la ou les attestations d'assurance chômage délivrées au salarié.

Le salarié informe dans les meilleurs délais et par tout moyen la commission paritaire interprofessionnelle régionale de la survenance de tout événement pouvant avoir des conséquences sur la validité des informations et pièces transmises initialement, le suivi de l'action de formation ou du stage en entreprise ou la prise en charge accordée.

En cas d'anomalie constatée dans l'exécution de l'action, la commission paritaire interprofessionnelle régionale peut demander au salarié tout document complémentaire nécessaire pour s'assurer de la réalité de l'action qu'il finance et de sa conformité aux dispositions légales et réglementaires.

Reconversion professionnelle en cas d’exposition aux facteurs de risques ergonomiques

Depuis 2017, les facteurs de risques liés aux contraintes physiques marquées (ou risques ergonomiques) et le risque chimique sont exclus du C2P car jugés trop complexes à évaluer.

Les risques dits ergonomiques sont :

  • Les manutentions manuelles de charges,
  • Les postures pénibles,
  • Les vibrations mécaniques.

Pour les salariés exposés aux facteurs de risques ergonomiques, la loi portant réforme des retraites prévoit des mesures de prévention.

La première mesure est la création, au sein de la Caisse nationale de l'assurance maladie, d’un fonds d'investissement dans la prévention de l'usure professionnelle[18] placé auprès de la commission des accidents du travail et des maladies professionnelles.

Les orientations du fonds, définis par la commission AT-MP[19] après avis de la formation compétente du Conseil d'orientation des conditions de travail, reposeront sur une cartographie des métiers et des activités particulièrement exposés aux facteurs de risques ergonomiques.

Le fonds a pour mission de participer au financement par les employeurs d'actions de sensibilisation et de prévention, d'actions de formation pouvant être délivrées dans le cadre du CPF[20] et d'actions de reconversion et de prévention de la désinsertion professionnelle à destination des salariés particulièrement exposés aux 3 facteurs de risques professionnels liés aux contraintes physiques marquées (manutentions manuelles de charges, postures pénibles, vibrations mécaniques).

Concrètement, le fonds peut financer :

  • Des entreprises, notamment celles identifiées par les caisses d'assurance retraite et de la santé au travail, en vue de soutenir leurs démarches de prévention des effets de l'exposition aux risques ergonomiques et leurs actions de formation en faveur des salariés exposés à ces facteurs ;
  • Des organismes de branche[21] ayant conclu une convention avec la Caisse nationale de l'assurance maladie (par exemple l’OPPBTP pour le bâtiment et les travaux publics). Ces organismes de branche peuvent faire appel à des organismes nationaux de prévention des risques professionnels ;
  • Les projets de transition professionnelle par l’intermédiaire de France compétences, institution nationale qui répartit la dotation ainsi reçue entre les commissions paritaires interprofessionnelles régionales (ou ATpro : Association de transition professionnelle).

La seconde mesure de prévention est la création d’un dispositif de reconversion professionnelle pour les salariés exposés aux 3 facteurs de risques ergonomiques. Il s’agit d’une modalité particulière d’utilisation du « Projet de transition professionnelle » ou « CPF de transition professionnelle ».

Pour rappel, tout salarié peut mobiliser les droits inscrits sur son compte personnel de formation afin que celui-ci contribue au financement d'une action de formation certifiante, destinée à lui permettre de changer de métier ou de profession dans le cadre d'un projet de transition professionnelle. Il bénéficie d'un positionnement préalable au suivi de l'action de formation afin d'identifier ses acquis professionnels permettant d'adapter la durée du parcours de formation proposé. Il bénéficie d'un congé spécifique lorsqu'il suit cette action de formation en tout ou partie durant son temps de travail[22].

Pour les salariés exposés aux facteurs de risques ergonomiques, le projet de transition professionnelle peut aussi être financé via la dotation versée par France compétences aux commissions paritaires interprofessionnelles régionales (ou ATPro). Toutefois pour ces salariés, il s’agit d'un financement dédié, via le Fonds d’investissement dans la prévention de l’usure professionnelle (le Fipu), en vue de permettre au salarié d'accéder à un emploi non exposé aux facteurs de risques professionnels (soit les 10 facteurs de risque[23] listés par le Code du travail).

Pour bénéficier d’un projet de transition professionnel financé par le Fipu, les conditions suivantes doivent être remplies[24] :

  • Avoir travaillé dans un métier identifié dans la cartographie pendant une durée minimale qui est alignée sur la durée d’ancienneté[25] requise dans le cadre du CPF de transition.
  • 2° Le métier visé par la formation ne doit pas être exposé aux facteurs de risques professionnels[26].
  • 3° Le projet de transition professionnelle doit faire l'objet d'un cofinancement assuré par son employeur. Le montant de ce cofinancement doit correspondre au minimum à un taux qui devait être fixé par arrêté du ministre chargé de la formation professionnelle. C’est un arrêté[27] du 30 janvier 2024 qui précise que le cofinancement assuré par l'employeur doit être au moins égal à 5 % des coûts pédagogiques validés par la commission paritaire interprofessionnelle régionale.

Enfin, le troisième arrêté[28] du 30 janvier 2024 modifie la liste des pièces devant accompagner les dossiers de demande de prise en charge des projets de transition professionnelle afin d’intégrer les demandes des salariés exposés à un ou plusieurs facteurs de risques ergonomiques. Ainsi cet arrêté modifie l’arrêté[29] du 17 mars 2021 publié au journal officiel du 1er avril 2021 concernant le pan communication des effectifs.

L’arrêté du 17 mars 2021 précise que le dossier de demande doit être accompagné, notamment, de « l'attestation sur l'honneur de l'employeur de l'effectif de l'entreprise, tous établissements confondus ».

L’arrêté du 30 janvier 2024 indique que cette information n’est due que si la commission paritaire interprofessionnelle régionale n'a pas d'accès, en cours de validité, à l'information relative à cet effectif.

Enfin, cet arrêté ajoute que lorsqu’un salarié exposé aux facteurs de risques ergonomiques sollicite la prise en charge financière d’un projet de transition professionnelle, en cas de doute sur le respect des conditions d’ancienneté[30], la commission paritaire interprofessionnelle régionale peut demander au salarié ou à ses employeurs toute pièce permettant de justifier du lien entre l’emploi occupé et l’exposition à au moins un des facteurs de risques ergonomiques. Elle évaluera la réalité de l’exposition à l’un de ces facteurs en se fondant sur les pièces de la demande de prise en charge.

Muriel Besnard

Consultant Juridique

[1] Loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023, publication au Journal Officiel du 15 avril 2023

[2] Décret n° 2023-760 du 10 août 2023 portant application de l'article 17 de la loi n° 2023-270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023, publié au Journal Officiel du 11 août 2023

[3] Décret n° 2023-759 du 10 août 2023 relatif au fonds d'investissement dans la prévention de l'usure professionnelle et au compte professionnel de prévention, publié au Journal Officiel du 11 août 2023

[4] Arrêté du 30 janvier 2024 relatif aux pièces à transmettre à la commission paritaire interprofessionnelle régionale compétente dans le cadre d'une demande de financement d'un projet de reconversion professionnelle mentionné au 4° du I de l'article L. 4163-7 du code du travail https://www.legifrance.gouv.fr/eli/arrete/2024/1/30/TSSD2401891A/jo/texte

[5] Arrêté du 30 janvier 2024 relatif au cofinancement de l'employeur dans le cadre d'un projet de transition professionnelle financé par le fonds d'investissement dans la prévention de l'usure professionnelle : https://www.legifrance.gouv.fr/eli/arrete/2024/1/30/TSSD2401891A/jo/texte

Arrêté du 30 janvier 2024 modifiant l'arrêté du 17 mars 2021 fixant la composition du dossier de demande de prise en charge financière d'un projet de transition professionnelle par une commission paritaire interprofessionnelle régionale : https://www.legifrance.gouv.fr/eli/arrete/2024/1/30/TSSD2401894A/jo/texte

[6] Article L. 4163-7 modifié du Code du travail

[7] Il s’agit des actions de formation énumérées du 1° au 3° de l’article L. 6313-1 du Code du travail.

[8] Article L. 4163-8-1 du Code du travail (nouveau)

[9] Article L. 4163-8-4 du Code du travail (nouveau)

[10] Articles L. 4163-7 et L. 4163-8-1 nouveau du Code du travail

[11] Article L. 4163-7 du Code du travail

[12] Opco : Opérateur de compétences, institution mentionnée à l’article L. 6123—5 du Code du travail

[13] Article L. 4163-8-2 nouveau du Code du travail

[14] ATPro : Associations de transition professionnelle mentionnées à l’article L. 6323-17-6 du Code du travail

[15] Article L. 4163-8-3 du Code du travail – Articles D. 4163-30-2 à D. 4163-30-5 du Code du travail ajouté par décret n° 2023-760

[16] Arrêté du 30 janvier 2024 relatif aux pièces à transmettre à la commission paritaire interprofessionnelle régionale compétente dans le cadre d'une demande de financement d'un projet de reconversion professionnelle mentionné au 4° du I de l'article L. 4163-7 du code du travail https://www.legifrance.gouv.fr/eli/arrete/2024/1/30/TSSD2401891A/jo/texte

[17] En application du I de l'article L. 130-1 du code de la sécurité sociale

[18] Article L. 221-1-5 du Code de la sécurité sociale

[19][19][19] Commission Accident du Travail et Maladie Professionnelle de la CNAM (Caisse nationale d’assurance maladie) mentionnée à l’article L. 221-5 du Code de la sécurité sociale

[20] CPF = Compte personnel de formation

[21] Ceux mentionnés à l’article L. 4643-1 du Code du travail

[22] Article L. 6323-17-1 du Code du travail

[23] Article L. 4161-1 du Code du travail - Les 10 facteurs de risques professionnels sont :

Au titre des contraintes physiques marquées :

  1. a) Manutentions manuelles de charges ;
  2. b) Postures pénibles définies comme positions forcées des articulations ;
  3. c) Vibrations mécaniques ;

Au titre d’un environnement physique agressif :

  1. a) Agents chimiques dangereux, y compris les poussières et les fumées ;
  2. b) Activités exercées en milieu hyperbare ;
  3. c) Températures extrêmes ;
  4. d) Bruit ;

Au titre d’un certain rythme de travail :

  1. a) Travail de nuit ;
  2. b) Travail en équipes successives alternantes ;
  3. c) Travail répétitif caractérisé par la réalisation de travaux impliquant l'exécution de mouvements répétés, sollicitant tout ou partie du membre supérieur, à une fréquence élevée et sous cadence contrainte.

[24] Article D. 6323-9-2 du Code du travail – Décret n° 2023-760 du 10 août 2023, Journal Officiel du 11 août 2023

[25] Durée d’ancienneté prévue aux articles R. 6323-9 et R. 6323-9-1 du Code du travail

[26] Il s’agit des 10 facteurs de risques listés à l’article L. 4161-1 du Code du travail

[27] Arrêté du 30 janvier 2024 relatif au cofinancement de l'employeur dans le cadre d'un projet de transition professionnelle financé par le fonds d'investissement dans la prévention de l'usure professionnelle : https://www.legifrance.gouv.fr/eli/arrete/2024/1/30/TSSD2401891A/jo/texte

[28] Arrêté du 30 janvier 2024 modifiant l'arrêté du 17 mars 2021 fixant la composition du dossier de demande de prise en charge financière d'un projet de transition professionnelle par une commission paritaire interprofessionnelle régionale : https://www.legifrance.gouv.fr/eli/arrete/2024/1/30/TSSD2401894A/jo/texte

[29] https://www.legifrance.gouv.fr/eli/arrete/2021/3/17/MTRD2102181A/jo/texte

[30] Il s’agit des conditions d’ancienneté prévues à l’article L. 6323-17-1 du Code du travail