Décembre 2023

La loi portant réforme des retraites[1] est venu modifier deux seuils d’exposition permettant à davantage de salariés d’acquérir des points en tant que titulaire d’un compte professionnel de prévention (C2P). Ces aménagements sont entrés en vigueur au 1er septembre 2023 si bien qu’un calcul au prorata des seuils d’exposition s’impose pour cette année 2023.  

Pour rappel, le C2P permet aux salariés, exposés à au moins un des six facteurs de risques professionnels, au-delà des seuils, d’accumuler des points pour se former et accéder à un emploi moins pénible, ou réduire son temps de travail, ou encore financer une majoration de durée d'assurance vieillesse en vue d'un départ en retraite avant l'âge légal. La loi portant réforme des retraites a rajouté une quatrième utilisation possible : la reconversion professionnelle. Un décret simple[2] et un décret en Conseil d’Etat[3], publiés au Journal Officiel du 11 août 2023 sont venus préciser les modalités d’application de la loi. Concernant le C2P, les seuils d’exposition pour le travail de nuit et pour le travail en équipe successives et alternantes sont abaissés à compter du 1er septembre 2023. Une note[4] publiée sur le site internet du compte professionnel de prévention ainsi qu’une actualité[5] sur le site Ameli.fr à destination des employeurs, indiquent que les seuils d’expositions modifiés par la réforme des retraites seront à proratiser sur l’année 2023.   

Rappel : 6 facteurs de risque concernés par le compte professionnel de prévention

Le C2P concerne les salariés exposés au-delà des seuils, appréciés après application des mesures de protection collective et individuelle, à au moins un des six facteurs de risques professionnels suivants[6] :

  • Les activités exercées en milieu hyperbare
  • Les températures extrêmes
  • Le bruit
  • Le travail de nuit
  • Le travail en équipes successives alternantes
  • Le travail répétitif

Dans le cadre de son obligation de sécurité et de protection de la santé physique des salariés, l’employeur évalue les risques professionnels de l’ensemble des salariés de son entreprise et plus particulièrement au regard des seuils d’exposition pour les salariés concernés par le C2P[7].

Au terme de chaque année civile et au plus tard au titre de la paie du mois de décembre, l'employeur déclare, dans le cadre de la DSN[8] (y compris pour la MSA[9]), pour les travailleurs titulaires d'un contrat de travail qui demeure en cours à la fin de l'année civile, le ou les facteurs de risques professionnels auxquels ils ont été exposés au-delà des seuils au cours de l'année civile considérée.

Pour les travailleurs titulaires d'un contrat de travail d'une durée supérieure ou égale à un mois qui s'achève au cours de l'année civile, l'employeur déclare dans la DSN ou la MSA et au plus tard lors de la paie effectuée au titre de la fin de ce contrat de travail le ou les facteurs de risques professionnels auxquels ils ont été exposés.

La déclaration permet d’alimenter en points le compte professionnel de prévention[10].

La gestion du compte professionnel de prévention est assurée par la Caisse nationale de l'assurance maladie et le réseau des organismes de la branche accidents du travail et maladies professionnelles du régime général[11].

Le compte professionnel de prévention est ouvert dès lors qu'un salarié a acquis des droits. Les droits constitués sur le compte lui restent acquis jusqu'à leur liquidation ou à son admission à la retraite.

Ce que prévoit le décret d’application : Evaluer l’exposition avec pour objectif davantage de bénéficiaires

L'employeur déclare l'exposition des travailleurs à un ou plusieurs facteurs de risques professionnels, en cohérence avec l'évaluation des risques[12], au regard des conditions habituelles de travail caractérisant le poste occupé, appréciées en moyenne sur l'année, notamment à partir des données collectives du document unique d’évaluation des risques[13].

Les seuils d’exposition pour les six facteurs de risques professionnels du C2P sont déterminés à l’article D. 4163-2 du Code du travail. Cet article est modifié pour le travail de nuit et le travail en équipe successive alternantes, si bien qu’à compter du 1er septembre 2023[14] :

  • Pour le travail de nuit : il faut une heure de travail entre 24 heures et 5 heures pour une durée minimale de 100 nuits par an (au lieu de 120 nuits par an) ;
  • Pour le travail en équipe successives alternantes : il faut au minimum une heure de travail entre 24 heures et 5 heures pour une durée minimale de 30 nuits par an (au lieu de 50 nuits par an).

Pour rappel et sans changement, un accord collectif de branche étendu peut déterminer l’exposition des travailleurs à un ou plusieurs des facteurs de risques professionnels au-delà des seuils, en faisant notamment référence aux postes, métiers ou situations de travail occupés et aux mesures de protection collective et individuelle appliquées[15].

En l'absence d'accord collectif de branche étendu, ces postes, métiers ou situations de travail exposés peuvent également être définis par un référentiel professionnel de branche homologué par un arrêté conjoint des ministres chargés du travail et des affaires sociales. L'employeur qui applique le référentiel de branche pour déterminer l'exposition de ses salariés est présumé de bonne foi.

Prorata des seuils d’exposition sur l’année 2023

D’une part, l’appréciation des seuils d’exposition est réalisée sur l’ensemble de l’année civile, d’autre part ces nouveaux seuils étant entrés en vigueur au 1er septembre 2023, « un aménagement spécifique est prévu pour l’exposition à ces deux facteurs de risque en 2023 ». Ces deux nouveaux seuils sont ainsi proratisés sur l’année 2023 « en tenant compte de la nature du contrat de travail et des dates du contrat si celui-ci est infra-annuel ».

  • Le seuil annuel à retenir en 2023 pour le facteur « travail de nuit » s’élève :
    • pour un contrat permanent du 1er janvier au 31 décembre 2023, à 113 nuits ;
    • pour un contrat infra-annuel compris entre le 1er janvier et le 31 août 2023, à 120 nuits ;
    • pour un contrat infra-annuel compris entre le 1er septembre et le 31 décembre 2023, à 100 nuits ;
    • pour un contrat « à cheval » sur ces deux dernières périodes, à 113 nuits.
  • Le seuil annuel à retenir en 2023 pour le facteur « travail en équipes successives alternantes » s’élève :
    • pour un contrat permanent du 1er janvier au 31 décembre 2023, à 43 nuits ;
    • pour un contrat infra-annuel compris entre le 1er janvier et le 31 août 2023, à 50 nuits ;
    • pour un contrat infra-annuel compris entre le 1er septembre et le 31 décembre 2023, à 30 nuits ;
    • pour un contrat « à cheval » sur ces deux dernières périodes, à 43 nuits.

A partir du 1er janvier 2024, les nouveaux seuils annuels s’appliqueront.

Muriel Besnard

Consultant Juridique

[1] Loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023, publication au Journal Officiel du 15 avril 2023

[2] Décret n° 2023-760 du 10 août 2023 portant application de l'article 17 de la loi n° 2023-270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023, publié au Journal Officiel du 11 août 2023

[3] Décret n° 2023-759 du 10 août 2023 relatif au fonds d'investissement dans la prévention de l'usure professionnelle et au compte professionnel de prévention, publié au Journal Officiel du 11 août 2023

[4] Note publiée le 9 novembre 2023 : https://www.compteprofessionnelprevention.fr//Seuils-2023-Travail-nuit-Travail-equipes-successives-alternantes

[5] Actualité du 17 novembre 2023 : https://www.ameli.fr/entreprise/actualites/travail-de-nuit-et-en-equipes-successives-alternantes-quels-seuils-d-exposition-declarer

[6] Article L. 4163-1 du Code du travail

[7] Articles L. 4121-1 à L. 4121-3 du Code du travail

[8] DSN : Déclaration Sociale Nominative (déclaration prévue à l'article L. 133-5-3 du code de la sécurité sociale auprès de l'organisme gestionnaire au niveau local)

[9] MSA : mentionnée à l'article L. 723-2 du code rural et de la pêche maritime

[10] Article L. 4163-5 du Code du travail

[11] Article L. 4163-14 du Code du travail

[12] Evaluation des risques prévue à l’article L. 4121-3. Du Code du travail

[13] Article R. 4121-1-1 du Code du travail

[14] Article D. 4163-2 du Code du travail modifié par décret n° 2023-760

[15] Article L. 4163-2 du Code du travail