analyse

Sécuriser les transitions professionnelles

Le projet de transition professionnelle qui a remplacé le congé individuel de formation, depuis le 1er janvier 2019, est un dispositif à l’initiative du salarié. Il permet au salarié de bénéficier d’une formation longue et certifiante dans le cadre d’un congé spécifique en mobilisant les droits acquis au titre du compte personnel de formation. La loi du 24 octobre 2025[1]vient sécuriser ce dispositif et le rendre plus attractif.

Les mesures de l'accord national interprofessionnel du 25 juin 2025 en faveur des transitions et reconversions professionnelles ont été reprises par la loi du 24 octobre 2025. Cette dernière révise le projet de transition professionnelle afin de le rendre plus efficace en améliorant l'orientation des candidats et en confiant aux partenaires sociaux un système de pilotage. La plupart de ces nouveautés entre en vigueur le 1er janvier 2026.

Rappel sur les conditions pour bénéficier d’un projet de transition professionnel (PTP)

Pour rappel, pour bénéficier d'un projet de transition professionnelle, le salarié doit justifier d'une ancienneté minimale en qualité de salarié[2] :

  • Soit d’au moins 24 mois, consécutifs ou non, en qualité de salarié, dont 12 mois dans l’entreprise, quelle qu'ait été la nature des contrats de travail successifs ;
  • Soit d’au moins 24, consécutifs ou non, en qualité de salarié, quelle qu’ait été la nature des contrats successifs, au cours des 5 dernières années, dont 4 mois, consécutifs ou non, en CDD (contrat à durée déterminée) au cours des 12 derniers mois.

S'agissant des CDD, les contrats ci-dessous sont exclus du calcul des 4 mois de CDD :

  • Contrat d’accompagnement dans l’emploi,
  • Contrat d’apprentissage,
  • Contrat de professionnalisation,
  • Contrat conclu avec un jeune au cours de son cursus scolaire ou universitaire,
  • Contrat à durée déterminée se poursuivant par un CDI (contrat à durée indéterminée).

Cette ancienneté est appréciée à la date de départ en formation du salarié.

S'agissant des salariés titulaires d'un contrat de travail conclu avec une entreprise de travail temporaire (intérimaires), ils doivent justifier d'une ancienneté de 1 600 heures travaillées dans la branche, dont 600 heures dans l'entreprise de travail temporaire (ETT). L'ancienneté s'apprécie, toutes missions confondues, sur une période de référence de 18 mois. Pour le salarié intérimaire en CDI, les périodes sans exécution de mission sont prises en compte pour le calcul de l'ancienneté[3].

Par exception, aucune condition d'ancienneté minimalen'est exigée pour les catégories de salariés suivantes[4] :

  • Les travailleurs handicapés bénéficiaires de l’obligation d’emploi,
  • Les salariés ayant changé d’emploi à la suite d’un licenciement pour motif économique ou pour inaptitude et qui n’ont pas suivi d’action de formation entre leur licenciement et leur réemploi,
  • Les salariés qui, dans les 24 mois précédant leur demande de projet de transition professionnelle, ont été en arrêt de travail soit pour maladie professionnelle, soit pour accident du travail, ou encore pour maladie ou accident non-professionnel d’une durée d'au moins 6 mois, consécutifs ou non.


A noter que pour bénéficier du projet de transition professionnelle pris en charge par le FIPU[5], le salarié doit justifier d'une durée minimale d'activité professionnelle dans un métier concerné par les facteurs de risques ergonomiques à l’exception des salariés ayant le statut de travailleurs handicapés.

Le projet de transition professionnelle peut faire l’objet d’un accompagnement au titre du conseil en évolution professionnelle qui oriente et aide le salarié à formaliser son projet. Il propose un plan de financement.

En pratique, le projet est présenté à la commission paritaire interprofessionnelle régionale. Cette commission apprécie la pertinence du projet et du positionnement préalable, instruit la demande de prise en charge financière et autorise la réalisation et le financement du projet. Afin de mieux orienter les candidats, à compter du 1er janvier 2027, l’instruction de la demande se fera conformément aux orientations définies par l’instance paritaire nationale. Cette décision sera motivée et notifiée au salarié[6].

Un système d'information national commun aux commissions paritaires interprofessionnelles régionales sera mis en œuvre par l’instance paritaire nationaleet non plus France compétences. Ses règles de création et d'alimentation seront précisées par un décret en Conseil d'Etat à paraître pour une entrée en vigueur prévue le 1er janvier 2028.

Durée du PTP et sécurisation du salarié à l‘issue de la formation

La durée du projet de transition professionnelle correspond à la durée de l'action de formation.

Le texte de loi du 24 octobre 2025 complète les dispositions du PTP[7].

3 mois avant la fin de la formation, l’employeur notifieau salarié, par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge, la possibilité dont il bénéficie, à l’issue de la formation, de retrouver son poste ou, à défaut, un poste équivalent assorti d’une rémunération au moins équivalente.

Dans la lettre de notification, l’employeur précise que le salarié dispose d’un mois à compter de la réception de celle‑ci pour faire connaître sa décision à l’employeur.

À défaut de réponse dans le délai imparti, le salarié est réputé accepter la réintégration dans l’entreprise à l’issue de l’action de formation.

Congé spécifique et rémunération

Sans changement le projet de transition professionnelle est assimilé à une période de travail pour[8] :

  • La détermination des droits à congés payés ;
  • Les droits que le salarié tient de son ancienneté dans l’entreprise.

Pour rappel, le PTP est adossé à un congé spécifique, dont bénéficie le salarié si la formation est effectuée en tout ou partie durant le temps de travail[9].

Le salarié bénéficiaire du projet de transition professionnelle a droit à une rémunération minimale[10].

Dans les entreprises de 50 salariés et plus, la rémunération due au bénéficiaire du projet de transition professionnelle est versée par l'employeur, qui est remboursé par la commission paritaire interprofessionnelle régionale appelée association de « Transitions-Pro » ou « AT-Pro ».

Quant aux entreprises de moins de 50 salariés, elles peuvent demander à l’association de « Transition-pro » des avances de trésorerie sur les remboursements de rémunération à percevoir.

Une nouvelle instance paritaire nationale[11]

Le texte crée une instance paritaire, au niveau national, constituée sous la forme d’une association et composée de représentants des organisations syndicales de salariés et des organisations professionnelles d’employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel. En pratique, la mise en place de cette instance s’appuiera sur Certif pro, l’association mise en place en 2018 par les partenaires sociaux pour coordonner le réseau des associations Transitions professionnelle et développer la certification au niveau interprofessionnel.

Cette nouvelle instance sera chargée de la répartition des fonds pour financer le PTP à la place de France compétences à compter du 1er janvier 2027. 

Cette instance devra être agréée par l’autorité administrative pour :

  • 1° Animer et coordonner le réseau des commissions paritaires interprofessionnelles régionales ou AT-pro ;
  • 2° Définir les orientations nationales en matière de financement des transitions professionnelles, notamment les règles, les critères et les priorités de prise en charge du projet de transition professionnelle ;
  • 3° A compter du 1er janvier 2027, répartir et verser les fonds collectés par France compétences au titre du PTP, entre les commissions paritaires interprofessionnelles régionales ou AT-Pro ;
  • 4° Participer à l’animation de la commission chargée du conseil en évolution professionnelle instituée au sein de France compétences ;
  • 5° A compter du 1er janvier 2028, veiller à la mise en œuvre et au bon fonctionnement du système d’information commun aux commissions paritaires interprofessionnelles régionales.

Une convention pluriannuelle d’objectifs et de moyens sera conclue entre l’instance paritaire nationale et l’État. Elle déterminera les modalités du financement de l’instance paritaire nationale, son cadre d’intervention, notamment les moyens humains affectés à ses missions, ainsi que les objectifs et les résultats attendus dans la mise en œuvre de ses missions. Les frais de gestion dont bénéficie l’instance paritaire nationale sont déduits des fonds qu’elle reçoit de France compétences. Ils sont fixés par la convention pluriannuelle d’objectifs et de moyens, dans la limite d’un plafond fixé par arrêté à paraître du ministre chargé de la formation professionnelle. Cette convention est rendue publique lors de sa signature et lors de son renouvellement. Un décret à paraître précisera le contenu, la périodicité et les modalités d’évaluation de cette convention.

Un commissaire du Gouvernement, nommé par arrêté du ministre chargé de la formation professionnelle, assistera de droit, avec voix consultative, aux séances de toutes les instances de délibération et d’administration de l’instance paritaire nationale. Il sera destinataire de toute délibération du conseil d’administration et aura communication de l’ensemble des documents relatifs à la gestion de l’association.

L’instance paritaire nationale sera soumise au contrôle économique et financier de l’État et ayant la charge de fonds publics, elle devra faire l’objet d’un agrément[12] dont un décret déterminera les modalités[13].

De plus, une commission paritaire interprofessionnelle sera agréée dans chaque région par l'autorité administrative pour prendre en charge financièrement le projet de transition professionnelle. Elle sera dotée de la personnalité morale. Cette commission attestera également du caractère réel et sérieux du projet. Elle suit la mise en œuvre du conseil en évolution professionnelle sur le territoire régional[14].

Cette commission pourra, sur la base d’un montant forfaitaire et non plus sous réserve du caractère réel et sérieux du projet, financer les dépenses afférentes à la validation des acquis de l'expérience du salarié.

La loi du 24 octobre 2025 encadre le cumul des fonctions[15]. Ainsi, lorsqu’une personne exerce une fonction de salarié dans un organisme de formation ou dans un établissement de crédit, elle ne peut exercer une fonction de salarié dans l’instance paritaire nationale.

Le cumul des fonctions d’administrateur dans l’instance paritaire nationale et dans un opérateur de compétences et d’administrateur ou de salarié dans un établissement de crédit est porté à la connaissance des organes de direction de l’instance paritaire nationale ainsi qu’à celle du commissaire aux comptes, qui établit, s’il y a lieu, un rapport spécial.

Enfin, les membres du conseil d’administration de l’instance paritaire nationale ne peuvent prendre part aux travaux, aux débats et aux délibérations qu’après avoir complété ou actualisé leur déclaration d’intérêts. 

Impact sur les missions de France compétences

Concernant France Compétences, ses missions seront adaptées à compter du 1er janvier 2027[16].

France compétences a, entre autres, pour mission d'assurer la répartition et le versement des fonds issus des contributions dédiées au financement de la formation professionnelle.

Ces fonds sont notamment affectés :

  • A la Caisse des dépôts et consignations, pour le financement du compte personnel de formation lorsqu’il est mobilisé par son titulaire au moyen du service dématérialiségouv.fr ;
  • À l’instance paritaire nationale pour le financement du PTP, en intégrant les fonds correspondant aux droits acquis au titre du compte personnel de formation du salarié mobilisés dans le cadre du PTP, selon des modalités prévues par convention et dans la limite des crédits ouverts par la loi de finances (et non plus aux commissions paritaires interprofessionnelles régionales).

France compétences a également pour mission de :

  • Verser à l’instance paritaire nationale des fonds pour le financement de projets de transition professionnelle ;
  • Verser aux commissions paritaires interprofessionnellesrégionales des fonds pour le financement de projets de reconversion professionnelle dans le cadre du C2P[17]selon des modalités déterminées par décret.

Cela signifie que France compétences continuera, au-delà du 1er janvier 2027, de verser directement les fonds aux ATpro pour la prise en charge des projets de reconversion professionnelle réalisés par les salariés qui mobilisent leurs points acquis au titre de compte personnel de prévention (C2P).

France compétences doit déjà émettre des recommandations sur toute question relative à la formation professionnelle continue et à l'apprentissage, notamment à leurs modalités d'accès et à leur financement. Le texte précise que ces recommandations seront émises sous réserve des missions assurées par l’instance paritaire nationale dès le 1er janvier 2027.

Lorsqu’il délibère sur les questions relatives au conseil en évolution professionnelle, le conseil d’administration de France compétences s’appuie sur les recommandations de la commission chargée du conseil en évolution professionnelle instituée au sein de France compétences. Cette nouvelle commission sera mise en place au 1er janvier 2026 et Certif Pro participera à son animation[18].

Pilotage assuré par le Conseil national de l’orientation et de la formation professionnelle pour le développement des compétences[19]

Afin de gagner en efficacité et d’assurer une meilleure coordination des actions, les missions du conseil national de l’orientation et de la formation professionnelle pour le développement des compétences sont adaptées. Cette mesure entre en vigueur le 1er janvier 2026.

Le Conseil national de l’orientation et de la formation professionnelles pour le développement des compétences, placé auprès du ministre chargé de la formation professionnelle, a pour missions de :

  • Favoriser, au niveau national, la concertation et la coordination en matière d’orientation et de formation professionnelles pour le développement des compétences des actifs ;
  • Contribuer au débat public, notamment en assurant le suivi des études et des évaluations produites au niveau national sur ces sujets et, le cas échéant, en proposant des indicateurs de suivi.

Le conseil exerce ses missions en lien avec le Comité national pour l’emploi et contribue, en tant que de besoin, aux travaux du comité.

Le conseil est composé de représentants de l’État et des régions ainsi que des organisations syndicales de salariés et des organisations professionnelles d’employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel. Chaque collège dispose d’un nombre égal de voix.

Le secrétariat du conseil est assuré par l’institution paritaire nationale (nouvellement créée, voir ci-dessus).

Un décret en Conseil d’État, à paraître, déterminera les modalités d’application, notamment la composition ainsi que les modalités d’organisation et de fonctionnement du conseil. 

Muriel Besnard

Consultant Juridique

[1] Loi n° 2025-989 du 24 octobre 2025 portant transposition des accords nationaux interprofessionnels en faveur de l’emploi des salariés expérimentés et relatifs à l’évolution du dialogue social

[2] Article D. 6323-9 du Code du travail

[3] Article R. 6323-9-1 du Code du travail

[4] Article L. 6323-17-2 du Code du travail

[5] Fonds d’investissement dans la prévention de l’usure professionnelle : ce fonds finance des actions en vue de préserver la santé des salariés les plus exposés à des facteurs de risques ergonomiques (manutention manuelle de charges, postures pénibles, vibrations mécaniques).

[6] Article L. 6323-17-2 du Code du travail au 1er janvier 2026

[7] Article L. 6323-17-3 du Code du travail dans sa version au 1er janvier 2026

[8] Article L. 6323-17-4 du Code du travail

[9] Article L. 6323-17-5 du Code du travail

[10] Articles L. 6323-17-5 et D. 6323-18-1, III du Code du travail

[11] Article L. 6323-17-5-1 du Code du travail

[12] Article L. 6323-17-7 du Code du travail

[13] Article L. 6323-17-8 du Code du travail

[14] Article L. 6323-17-6 du Code du travail

[15] Article L. 6323-17-5-2 du Code du travail

[16] Article L. 6123-5 du Code du travail

[17] Projets de reconversion professionnelle mentionnés au 4° du I de l’article L. 4163-7 du Code du travail

[18] Articles L. 6123-7-1 et L. 6323-17-5-1 du Code du travail

[19] Article L. 6123-1 du Code du travail

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