Un employeur peut-il produire en justice des extraits du compte privé Facebook d’un salarié ?


Mme X... a été engagée à compter du 1er juillet 2010 en qualité de chef de projet export par la société Petit Bateau.

Par lettre du 15 mai 2014, elle a été licenciée pour faute grave, notamment pour avoir manqué à son obligation contractuelle de confidentialité en publiant le 22 avril 2014 sur son compte Facebook une photographie de la nouvelle collection printemps/été 2015 présentée exclusivement aux commerciaux de la société.

Contestant son licenciement, la salariée a saisi la juridiction prud’homale de diverses demandes.

La salariée reproche à la Cour d’appel d’avoir jugé son licenciement fondé sur une faute grave.

Elle considère que son employeur ne pouvait accéder à son compte privé Facebook sans y avoir été autorisé.

Dès lors, son employeur ne pouvait utiliser comme preuve dans une procédure disciplinaire des extraits figurant sur son compte Facebook privé, même rapportées par l’intermédiaire d’un autre salarié de l’entreprise autorisé à y accéder.

Elle considère également qu’une telle preuve porte nécessairement une atteinte disproportionnée et déloyale au droit au respect de la vie privée.

La Cour de cassation rappelle, à l’occasion de ce litige, que si en vertu du principe de loyauté dans l’administration de la preuve, l’employeur ne peut avoir recours à un stratagème pour recueillir une preuve, la cour d’appel, qui a constaté que la publication litigieuse avait été spontanément communiquée à l’employeur par un courriel d’une autre salariée de l’entreprise autorisée à accéder comme « amie » sur le compte privé Facebook de Mme X..., a pu en déduire que ce procédé d’obtention de preuve n’était pas déloyal.

Ensuite, il résulte des articles 6 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 9 du code civil et 9 du code de procédure civile, que le droit à la preuve peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie privée à la condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit proportionnée au but poursuivi.

En l’espèce, la production en justice par l’employeur d’une photographie extraite du compte privé Facebook de la salariée, auquel il n’était pas autorisé à accéder, et d’éléments d’identification des « amis » professionnels de la mode destinataires de cette publication, constituait une atteinte à la vie privée de la salariée.

Cependant, la cour d’appel a constaté que, pour établir un grief de divulgation par la salariée d’une information confidentielle de l’entreprise auprès de professionnels susceptibles de travailler pour des entreprises concurrentes, l’employeur s’était borné à produire la photographie de la future collection de la société publiée par l’intéressée sur son compte Facebook et le profil professionnel de certains de ses « amis » travaillant dans le même secteur d’activité et qu’il n’avait fait procéder à un constat d’huissier que pour contrecarrer la contestation de la salariée quant à l’identité du titulaire du compte.

En l’état de ces constatations, la cour d’appel a fait ressortir que cette production d’éléments portant atteinte à la vie privée de la salariée était indispensable à l’exercice du droit à la preuve et proportionnée au but poursuivi, soit la défense de l’intérêt légitime de l’employeur à la confidentialité de ses affaires.

Dans ces conditions, la contestation de la salariée a été rejetée.
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Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 30 septembre 2020

N° de pourvoi: 19-12058

Tags: Code du travail Relations sociales