Le recours régulier aux heures supplémentaires peut-il entrainer une modification du contrat de travail ?

M. [P] a été engagé, courant 1976, en qualité de peintre par la société Tôlerie moderne (la société) suivant un contrat de travail oral.

Le salarié a été licencié pour faute grave, le 7 novembre 2014, pour non-respect de ses heures de travail de et a saisi la juridiction prud'homale à l'effet d'obtenir l'annulation de trois avertissements et d'une mise à pied disciplinaire, la reconnaissance de ce que son licenciement était sans cause réelle et sérieuse et la condamnation de la société au paiement de diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.

La Cour d’appel a jugé que le licenciement du salarié était dépourvu de cause réelle et sérieuse et a condamné l’employeur au paiement de diverses sommes au titre de la rupture du contrat de travail.

A cette occasion, la Cour d’appel d’Orléans a jugé que le recours systématique à des heures supplémentaires avait modifié le contrat de travail du salarié en portant sa durée du travail de 35 heures à 39 heures, de sorte qu'à défaut d'accord exprès du salarié, le fait de quitter son travail à 16 heures 30 ne caractérisait pas une inexécution fautive de sa prestation de travail.

Pour l’employeur, les heures supplémentaires constituent l'exécution du contrat de travail et relèvent de son pouvoir de direction. En conséquence, les heures supplémentaires imposées par l'employeur dans la limite du contingent dont il dispose légalement et en raison des nécessités de l'entreprise ne constituent pas une modification du contrat de travail, nonobstant le recours habituel aux dites heures

La cour de cassation ne partage pas cette analyse.

Elle considère que dans la mesure où la cour d’appel a relevé que le recours systématique à des heures supplémentaires portait la durée du travail du salarié de 35 heures à 39 heures, c’est à bon droit que les juges du fond ont retenu que le caractère systématique de ce recours modifiait le contrat de travail de l'intéressé, et qu’ils en ont exactement déduit que la société ne pouvait valablement augmenter la durée hebdomadaire de travail du salarié qu'avec son accord exprès, faisant ainsi ressortir que le refus de cette modification n'était pas fautif.
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Cour de cassation

Chambre sociale

Audience publique du 8 septembre 2021

Pourvoi : 19-16.908

Tags: Heures supplémentaires Contrat de travail