En l’absence de réintégration après un licenciement nul, le salarié est-il en droit de bénéficier de congés payés au titre de la période d’éviction ?

M. [Z] a été engagé à compter du 6 juillet 2015 par la société Impair, devenue la société Impairoussot (la société), en qualité de directeur des opérations.

Par lettre recommandée du 17 juillet 2016, le salarié a demandé à son employeur la mise en place des élections des délégués du personnel en l'informant de sa candidature.

Le 11 août 2016, il a été convoqué à un entretien préalable au licenciement avec mise à pied à titre conservatoire.

Il a été licencié le 7 septembre 2016 pour insuffisance professionnelle et faute grave sans que l'employeur ait sollicité de l'inspecteur du travail une autorisation de licenciement.

Le 31 octobre 2016, le salarié a saisi la juridiction prud'homale aux fins de déclarer son licenciement nul, d'ordonner sa réintégration et de condamner l'employeur à lui verser diverses sommes.

Il a fait valoir ses droits à la retraite le 30 juin 2019.

M. [Z], dont le licenciement a été annulé par décision judiciaire en raison de la violation de son statut protecteur contre le licenciement, a demandé le paiement de diverses sommes et notamment des congés annuels payés pour la période comprise entre la date du licenciement et la date de son départ à la retraite.

La cour d’appel de Versailles l’a débouté de sa demande en s’appuyant sur la jurisprudence habituelle de la cour de cassation qui a toujours considéré que l'indemnité due au titre de la violation du statut protecteur est une indemnité forfaitaire, de sorte que le salarié qui ne demande pas sa réintégration ne peut prétendre au paiement des congés payés afférents (Soc., 30 juin 2016, pourvoi n° 15-12.984 ; Soc., 21 novembre 2018, pourvoi n° 17-15.874 ; Soc., 21 novembre 2018, pourvoi n° 17-11.653).

M. [Z] a formé un pourvoi en cassation en s’appuyant sur le droit européen.

En effet, il a fait valoir que la cour de justice de l'Union européenne, dans son arrêt du 25 juin 2020 (CJUE, 25 juin 2020, Varhoven kasatsionen sad na Republika Bulgaria, aff. C- 762/18 et Iccrea Banca, aff. C-37-19), a dit pour droit que l'article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à une jurisprudence nationale en vertu de laquelle un travailleur illégalement licencié, puis réintégré dans son emploi, conformément au droit national, à la suite de l'annulation de son licenciement par une décision judiciaire, n'a pas droit à des congés annuels payés pour la période comprise entre la date du licenciement et la date de sa réintégration dans son emploi, au motif que, pendant cette période, ce travailleur n'a pas accompli un travail effectif au service de l'employeur.

La cour de justice en a déduit que la période comprise entre la date du licenciement illégal et la date de la réintégration du travailleur dans son emploi, conformément au droit national, à la suite de l'annulation de ce licenciement par une décision judiciaire, doit être assimilée à une période de travail effectif aux fins de la détermination des droits au congé annuel payé.

A l’occasion de ce litige, la Cour de cassation a donc poursuivi son revirement de jurisprudence, déjà amorcé en 2021 concernant un salarié protégé dont le licenciement avait été annulé et qui avait été effectivement réintégré (Cass Soc 1er décembre 2021 n°19-24766).

En effet, la cour de cassation considère désormais que, lorsque le salarié protégé, dont le licenciement est nul en l'absence d'autorisation administrative de licenciement et qui a demandé sa réintégration, puis fait valoir, ultérieurement, ses droits à la retraite, rendant ainsi impossible sa réintégration dans l'entreprise, l'indemnité due au titre de la violation du statut protecteur ouvre droit au paiement, au titre des congés payés afférents, à une indemnité compensatrice de congés payés.

Elle précise que dans l'hypothèse où le salarié a occupé un autre emploi au cours de la période comprise entre la date du licenciement illégal et celle de son départ à la retraite, il ne saurait toutefois prétendre, à l'égard de son premier employeur, aux droits au congé annuel correspondant à la période pendant laquelle il a occupé un autre emploi.
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Cour de cassation

Chambre sociale

Audience publique du 21 2022

Pourvoi n°21-13552

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