Afin d’attirer plus aisément les candidats et de booster ses recrutements, l’organisation Saur a décidé, depuis le 1er mars 2021, de supprimer purement et simplement la période d’essai. Managers, dirigeants ou bien alternants, plus aucune nouvelle recrue n'observe de période d'essai.

Selon Xavier Savigny , le DRH de Saur, faire l’impasse sur la période d’essai a indéniablement été bénéfique pour l’organisation et « a fait évoluer positivement le recrutement, l’intégration et le rapport entre managers et recrutés. » [1]

Cette décision iconoclaste de se priver de ce « filet de sécurité » a largement été saluée par la profession et a été couronnée du prix de l’innovation RH 2021. Il faut dire que cette initiative est facilement activable et présente de nombreux avantages . Je vous propose de passer tout cela en revue dans cet article !

Cadre juridique

Peu de personnes semblent le savoir mais la période d’essai n’est en aucun cas une obligation légale en France. Rien n’oblige, en effet, les organisations à imposer une période d’essai à leurs nouveaux collaborateurs en CDI. Cela est laissé à leur bon vouloir. L’article L1221-19 du Code du travail précise juste que « le contrat de travail à durée indéterminée peut comporter une période d’essai ».

D’ailleurs, ce n’est, là encore, pas forcément très connu mais dans la fonction publique territoriale, lorsqu'un « agent » change de poste et de structure dans le cadre d’une mobilité, il n’est pas soumis à une période d’essai. C’est bien la preuve que cela peut très bien fonctionner si c’est une donnée intégrée en amont dans le processus et les modalités de recrutement.

Ainsi, une entreprise peut tout à fait décider de ne pas inclure de période d’essai dans ses contrats. Cela ne nécessitera aucune démarche ou montage particuliers et lourds de sa part si ce n’est de supprimer la mention d’une période d’essai dans ses contrats de travail.

Il conviendra, bien évidemment, qu’elle en informe préalablement les candidats car une période d’essai « bénéficie » aussi bien aux organisations qu’aux candidats. Certains candidats peuvent, en effet, craindre et déplorer l’absence d’une période d’essai. Saur a cependant fait le choix de ne pas permettre aux candidats de choisir s’ils souhaitaient ou non maintenir ou activer une période d’essai « car si quelque chose n’est pas sûr dès le départ, c’est que le projet n’est pas clair ou qu’il manque des éléments pour que le candidat prenne une décision éclairée. » [1] Mais d’autres organisations comme Shodo, ont décidé de la supprimer par défaut mais de permettre aux candidats de la conserver s’ils le souhaitaient. C’est un arbitrage simple à la main de l’organisation.

Regain d’attractivité

Supprimer la période d’essai est tout à fait possible juridiquement comme nous venons de le voir. C’est, de plus, une manière extrêmement efficace d’attirer de plus nombreux candidats et de renforcer l’attractivité de son organisation . Dans le contexte de « guerre des talents » - expression galvaudée s’il en est – que nous ne connaissons tous que trop bien, la suppression de la période d’essai est une arme redoutable dans l’arsenal des moyens à disposition des entreprises et une véritable carte maîtresse.

En effet, une organisation peut facilement « oublier » ou en tout cas perdre de vue l’impact pour un candidat d’être en période d’essai. Mais pour les candidats, avoir cette épée de Damoclès au-dessus de leur tête et ce sur une période pouvant s’étendre jusqu’à 8 mois, est une source indéniable de stress et un des principaux freins pour changer de poste.

Faire l’impasse sur la période d’essai est donc un argument réellement différenciant et permet d’attirer en plus grand nombre des candidats qualifiés et prêts à s’engager qui auraient pu être freinés par l’application d’une période d’essai jugée précarisante.

Impact positif sur la marque employeur

Supprimer la période d’essai envoie un message extrêmement positif aux candidats qui se disent que si on les recrute c’est que d’une, l’entreprise a pleinement confiance dans leur capacité à exercer avec succès leur nouvelle fonction et, de deux, que l’organisation fera le maximum pour que leur intégration soit une franche réussite.

C’est donc une initiative extrêmement positive qui illustre, concrètement, au-delà des grandes déclarations et des « mission statement » qui claquent, une culture d’entreprise réellement basée sur la confiance. Et quel plus beau message à adresser aux candidats ?!?

Responsabilisation accrue des managers

Supprimer la période d’essai revenant à se priver délibérément d’un filet de sécurité et de la possibilité de se séparer aisément d’un collaborateur ne donnant pas satisfaction [2], une attention accrue se porte naturellement sur la qualité des recrutements. Et je ne peux que m’en réjouir !

Logiquement, abolir la période d’essai a pour conséquence de responsabiliser davantage les managers et parties prenantes du recrutement ! Les managers et différents acteurs impliqués vont plus s’investir dans le processus de recrutement, être davantage tenus responsables de la qualité même des recrutements et de facto moins se défausser sur « les RH ».

Attention cependant au revers de la médaille qui peut être l’allongement des processus de recrutement et la multiplication d’entretiens et d’évaluations en tout genre afin de sécuriser au maximum la prise de décision avec, à la clé, l’explosion des délais de recrutement. Cela irait, bien évidemment, totalement à l’encontre de l’objectif initial de la démarche de recruter plus, plus vite et mieux !

Refonte des processus de recrutement

Pour ce faire, la condition sine qua non de la suppression de la période d’essai est l’existence préalable ou la mise en œuvre, en parallèle, d’un processus de recrutement clair, structuré et fluide avec un RACI connu de tous allant de la définition du besoin à l’intégration même . Sans cela, il y a fort à parier que les délais de recrutement grimperaient en flèche !

Dans l’exemple de Saur, l’organisation a bien repensé l’ensemble de son processus de recrutement « dans une logique de simplification et de réduction de la chaîne de décision, grâce notamment à de nouveaux outils digitaux ». [3]

Saur a ainsi procédé à une refonte de son processus de recrutement. Elle a ainsi redéfini et mieux formalisé ses besoins de recrutement, amélioré la rapidité de son processus ( recrutement en mode speed dating sur une journée pour certains postes, sélection au fil de l’eau des candidats, réponse sous 24H, signature digitale du contrat…) renforcé le suivi et mis en œuvre un outil informatique plus efficace. Résultat, le groupe affirme avoir réduit la durée de ses recrutement de 10 %. [ 4]

L’attention portée à la qualité de l’intégration ou onboarding a également été revue à la hausse ; toutes les parties prenantes et tout particulièrement le manager direct ayant un intérêt accru à ce que le début de collaboration se passe au mieux et que le nouvel embauché soit immergé et prenne au plus tôt ses marques dans l’entreprise.

Diminution du taux de turnover

Enfin, Saur a constaté « trois fois moins de départs de candidats pendant les premiers mois qu’auparavant ». [1] Je ne suis pas surprise car parallèlement à cette mesure de suppression de la période d’essai, la qualité même du processus de recrutement et de l’intégration a été fortement améliorée. De plus, comme Saur a pu le constater, les candidats qui avaient des doutes quant à leur adéquation avec le poste proposé ont préféré, en l’absence de période d’essai, abandonner leur démarche au cours du processus de recrutement. Cela est, à nouveau, totalement bénéfique pour l’organisation qui jouit d’une « qualité de sélection supérieure et d’un engagement plus fort » de la part de ses candidats.

Conclusion

La période d’essai n’existe officiellement plus au sein de Saur depuis le 1 er mars 2021. Cette décision a fait couler beaucoup d’encre et a été couronnée du prix de l’innovation RH 2021. Pourtant, dans les faits, force est de constater que rares sont les sociétés qui lui ont emboîté le pas… C’est fort dommage car cette suppression présente d’indéniables avantages : attractivité décuplée, marque employeur renforcée, délai de recrutement et taux de turnover en baisse, engagement plus fort des collaborateurs ainsi embauchés et relation manager-managé plus constructive.

Enfin avec un « recrutement sans période d’essai » Saur s’inscrit « dans une logique de confiance, de responsabilisation et de soutien . » pour citer le DRH Xavier Savigny. Et là, je ne peux que signer des deux mains !

Références

[1] Article « Supprimer la période d’essai, l’expérience réussie de la Saur » - Site de l’ANDRH |https://www.andrh.fr/article/supprimer-la-periode-dessai-lexperience-reussie-de-la-saur

[2] C’est d’ailleurs le principal argument des organisations pour ne pas supprimer la période d’essai. Rappelons, néanmoins, qu’il est toujours possible de procéder à une rupture conventionnelle si les deux parties sont d’accord pour acter la fin de la collaboration que cela soit à l’initiative du collaborateur ou bien de l’entreprise. S’il n’y a pas de possibilité d’accord sur le sujet, le collaborateur pourra démissionner et/ou l’entreprise pourra licencier son collaborateur « à moindres frais » au vu de l’ancienneté du salarié et du barème d’indemnisation Macron.

[3] « Innovations RH & managériales : 70 pratiques innovantes pour passer à l’action » - Michel Barabel, Sophie Loeuilleux, Olivier Meier | Ems Management et sociétés

[4] Article du 11/10/2021 « Embauches : le groupe Saur supprime la période d’essai » - Le Parisien

Tags: Période d'essai Recrutement Responsabilité