Transparence salariale 2026 : les entreprises sont-elles prêtes ?
La transparence des rémunérations devient un enjeu majeur pour les entreprises - non seulement parce que la réglementation en fait une réalité imminente, mais aussi parce que les candidat·es et salarié·es la placent au cœur de leurs attentes. Pourtant, en France, parler salaire reste souvent délicat.
Un tabou persistant… alors que tout le monde parle d’argent
L’argent demeure un sujet sensible dans le monde du travail : rares sont les entreprises qui affichent clairement leurs fourchettes salariales, et les discussions internes autour des écarts de rémunération sont fréquemment évitées. Ce manque de transparence nourrit un sentiment d’opacité, parfois d’injustice ou de frustration, qui peut fragiliser l’engagement des équipes.
Pourtant, le salaire reste le première critère de choix d’une offre d’emploi : selon le baromètre “France 2025” de Generali France - Viavoice - Radio Classique, 64 % des actifs interrogés considèrent le placent critère principal pour choisir une entreprise, devant le bien-être au travail (47 %) et la localisation (31 %).
Par ailleurs, selon l’étude Randstad France “Employer Brand Research 2024”, 43 % des salariés français déclarent qu’une rémunération insuffisante face au coût de la vie constitue le principal motif pour envisager un changement d’employeur.
Si le salaire ne fait évidemment pas tout, il reste le premier déclencheur, à la fois dans l’attractivité d’un poste et dans les départs.
La transparence salariale, une obligation légale en 2026
Avec la directive européenne “pay transparency” adoptée en 2023, les États membres doivent instaurer de nouvelles obligations - accès aux critères de rémunération, publication d’indicateurs, analyse des écarts femmes-hommes, et surtout, obligation d’afficher une fourchette salariale dans les offres d’emploi.
La France doit transposer cette directive au plus tard le 7 juin 2026. Autrement dit, il ne vous reste que quelques mois pour vous adapter.
Entre un cadre réglementaire qui se renforce et une demande sociale qui s’impose, la transparence salariale devrait devenir l’un des grands sujets RH de l’année 2026. Voici trois pistes d’action pour prendre de l’avance.
Trois pistes d’actions pour être à la pointe sur la transparence des salaires
Anticiper dès maintenant la transparence dans les offres d’emploi
Renseigner une fourchette dès la publication d’une offre permet d’éviter les allers-retours inutiles, les candidatures non pertinentes et les déceptions en fin de parcours.
Les données le confirment : selon une analyse menée sur plus de 16 000 annonces publiées sur la plateforme Jobs that makesense, les offres comprenant une indication salariale reçoivent 31% de candidatures supplémentaires par rapport à celles qui n’en affichent aucune.
Mettre en place cette transparence dès maintenant ne demande pas de révolution : il suffit de définir une fourchette indicative, d’expliciter ses composantes (fixe, variable, avantages), de mettre à jour les modèles d’annonce et de former les recruteurs pour qu’ils puissent communiquer sereinement sur le sujet. L’enjeu est moins de se conformer à une obligation que d’adopter une posture d’ouverture qui fluidifie le recrutement.
Mettre en place une grille de salaires claire et partagée
La création et la publication d’une grille de salaires est un autre levier structurant. Elle permet de garantir l’équité interne, de rendre les décisions lisibles, de mieux cadrer les négociations et de réduire les risques de discrimination, notamment entre les femmes et les hommes.
L’exemple d’Alan illustre bien cette dynamique : l’entreprise a construit une grille claire basée sur des critères objectifs, accessible et expliquée publiquement, qui est devenue un véritable outil de marque employeur.
Pour mettre en place votre propre grille, commencez par cartographier les postes, définir des niveaux selon des critères objectifs (responsabilités, autonomie, impact), intégrer éventuellement des spécificités géographiques et surtout expliciter la méthode de calcul, la fréquence de révision et les critères d’évolution. Son efficacité dépend ensuite de sa bonne appropriation par les managers et les équipes RH, qui doivent être capables de la présenter, de la contextualiser et de la défendre.
Explorer l’autodétermination des salaires
Certaines organisations à impact ou dotées de cultures plus horizontales vont plus loin en explorant l’autodétermination salariale. L’idée n’est pas de laisser chacun fixer librement son salaire, mais de responsabiliser les salarié·es, de les impliquer dans les décisions et de réduire les biais. Ce type de modèle favorise l’équité, renforce la compréhension de la politique de rémunération et améliore l’acceptation des décisions, même lorsqu’elles sont contraignantes.
L’association makesense a ainsi développé un modèle participatif où chaque salarié·e s’auto-positionne à l’aide d’une grille de compétences lors du recrutement, puis peut demander une revalorisation lorsqu’il ou elle estime avoir franchi un palier en termes d’autonomie ou de contribution. La demande n’est pas automatique : elle est soumise à l’avis des pairs et doit s’inscrire dans une enveloppe budgétaire définie collectivement. Lorsque la somme des demandes dépasse cette enveloppe, un processus de médiation permet d’aboutir à un consensus.
Ce système est plus exigeant en termes de temps et de coordination, mais il génère davantage d’équité perçue, limite les écarts injustifiés et renforce la confiance dans la politique salariale.
Plutôt que de considérer la transparence salariale comme une contrainte, les entreprises ont tout intérêt à l’aborder comme une opportunité pour renforcer leur attractivité, clarifier leurs pratiques, soutenir leur politique d’égalité et nourrir la confiance en interne. Mais pour fonctionner, cette transparence doit s’inscrire dans une vision RH plus large, qui lie rémunération, reconnaissance, sens et conditions de travail.
