RH info, le portail des Ressources Humaines : Infos, actus, témoignages, tendances, innovations, débats, prospective...

Management et leadership en entreprise

Le pardon en entreprise, tabou ou levier du vivre ensemble ?

Le pardon en entreprise

Devinette : Le conflit a été résolu il y a six mois. (Une médiation est passée par là). Pourtant, le salarié X refuse toujours de parler au salarié Y. Que manque-t-il, et combien cela coûte-t-il à l'entreprise ?

Réponses :

  • Il manque la démarche contenue dans un mot tabou : "le pardon".
  • Et le coût pour l'individu et l'entreprise : Charge mentale, stress, burnout, désengagement, évitement des uns par les autres, ambiance délétère, blocage de la créativité, manque de souplesse ...

Pardonner est un terme qui ne semble pas avoir sa place en entreprise : trop proche de la religion ou trop moralisant. Même le "lâcher-prise" est usé, lessivé, relégué aux conseils de développement personnel. Et pourtant, la vie professionnelle, comme la vie privée, est tissée de maladresses, de désaccords, de fautes managériales et de crises en tous genres. Dans une société "à cran", il est probable que nous conservons tous beaucoup trop de ressentiments étouffés dans notre "cocotte-minute" personnelle.

En entreprise, le non-pardon est un facteur de risque psychosocial majeur. Blâmer autrui, dorloter un sentiment d'injustice, ou se poser en victime permanente sont désastreux pour la santé mentale. Cette rumination installe un état de stress chronique, prive de sommeil et cause une fatigue dévastatrice pour le corps et l'esprit.

Sans compter qu'il nous arrive de devoir nous pardonner à nous-mêmes. Et nos propres travers doivent aussi être abordés avec bienveillance. Si l'être humain parfait existait, cela se saurait ! Alors rebondissons autrement : osons pardonner, osons le désengagement émotionnel et le lâcher-prise.

Osons le "pardon", car c'est un acte de résilience nécessaire à la qualité de vie personnelle et collective. Mais soyons vigilants : cette démarche sera favorable uniquement si elle est bien comprise et bien abordée. Elle sera contreproductive si elle est présentée comme une injonction de plus, qui pèse uniquement sur le salarié.

Pardonner n'est pas renoncer à ses droits

D'abord, s'il y a eu blessure, faute ou préjudice, il est absolument nécessaire que les faits soient établis et que le dommage soit réparé ou au minimum officiellement reconnu.

Le pardon n'est pas un abandon de ses droits ni un effacement des responsabilités. Il s'agit d'une démarche à la fois émotionnelle et cognitive pour se libérer du ressentiment, pour soi-même d'abord et pour le bien-être collectif ensuite.

Puisque le pardon n'est ni religieux, ni naïf. Puisqu'il est un acte de gestion du risque psychologique, il ne doit pas être abordé comme une affaire strictement privée. Pour qu'il prenne corps, sa place doit être pensée et activée par les trois acteurs clés de l'organisation : l'entreprise elle-même, le manager, et l'individu.

Le Pardon dans la culture de l'organisation : instaurer le droit à l'erreur

La culture d’entreprise donne le ton : elle révèle sans le dire ce qui est permis ou interdit, valorisé ou sanctionné. Or, dans un climat de peur ou de blâme, le pardon n'a pas de terreau pour s’enraciner. L’organisation doit donc, elle aussi, apprendre à pardonner au quotidien, en acceptant l’échec ou l'erreur, en valorisant l’apprentissage, et en créant des espaces de débriefing où ce qui n'a pas fonctionné devient matière à progrès.

Cela suppose un cadre clair : on ne banalise pas les fautes, on en tire des enseignements. Une culture où les erreurs sont accueillies permet aux collaborateurs d'exprimer des désaccords sans craindre d'être marginalisés. Cette sécurité psychologique est l'oxygène nécessaire pour éviter les postures défensives et instaurer des relations plus humaines. Le pardon est plus accessible dans des milieux où l’on se sent écouté, soutenu et compris. L’instauration d’une culture d’empathie renforce les liens professionnels et facilite la résolution des conflits.

C'est aux RH ensuite de s'assurer que les chartes managériales et les procédures de feedback encouragent l'honnêteté plutôt que la perfection. Il peut être intéressant aussi d'organiser des ateliers de résolution de conflits, centrés sur l’écoute active, la reformulation, et la réparation émotionnelle. Et surtout, il faut en finir avec le mythe de l’infaillibilité des cadres et dirigeants. Dire ses erreurs, assumer ses maladresses, c’est déjà renforcer la confiance et servir le bien commun.

Le rôle du manager : accuser réception, puis tourner la page

C'est le manager qui permet la verbalisation de l'impact des dommages. C'est une étape clé pour que l'individu se sente reconnu dans son vécu. Il est aussi le pivot qui permet d'aller de l'avant, empêchant le ressentiment de polluer l'avenir du collectif. Il occupe une position unique : observateur des signaux faibles et des humeurs, mais aussi facilitateur des relations inconfortables. S’il est solidement formé (notamment à l'écoute active), il saura prendre de la hauteur, dépersonnaliser les situations, se concentrer sur les faits et transformer les erreurs en leviers d’amélioration. Il garantit en quelque sorte le "Reset" : la remise à zéro nécessaire pour repartir sur des bases saines.

Le choix individuel : pardonner, pour se libérer du passé et rebondir

L'entreprise et le manager créent le terrain favorable, mais la démarche finale de pardon ou de libération émotionnelle reste un acte infiniment personnel.

C'est un passage que l'on peut choisir (ou pas), qui arrive à son heure, et qui ne doit pas être forcé. Ce choix est possible si le salarié est armé des bons outils de gestion émotionnelle. Il est alors un processus graduel, avec des étapes de réflexion et d'intégration

- Se pardonner à soi-même : l'auto-bienveillance comme technique de prévention.

C'est sans doute la perspective la plus hors de portée aux yeux d'une personne aux tendances perfectionnistes ou en proie au syndrome de l'imposteur ! Et pourtant : le dénigrement de soi, la dévalorisation de ses capacités et de ses compétences est la principale source de déstabilisation, de stress et d'anxiété. En formation QVCT il est indispensable de mettre en valeur la distinction entre responsabilité et culpabilité.

- Se débarrasser du ressentiment envers autrui : s'évader de la prison émotionnelle.

Le ressentiment est une cage intellectuelle et émotionnelle : il limite notre horizon, empêche de se concentrer et tire en arrière. La seule façon de couper ce fil à la patte est de désactiver le pouvoir de la blessure. Pour cela, l'individu doit apprendre à réorienter son énergie. Au lieu de ruminer la colère ou l'injustice, il s'agit d'utiliser ce carburant comme un indicateur pour formuler une demande d'amélioration du système (par exemple, formaliser une demande de clarification de processus au lieu de s'agacer contre un collègue). Cela demande il est vrai une bonne dose d'affirmation de soi.

Le pardon en entreprise, un levier de maturité collective.

La recherche actuelle en psychologie du travail et en comportement organisationnel montre que la portée du pardon dépasse la sphère personnelle : on parle bien de levier collectif.
Lorsqu’il est compris, soutenu, et facilité, ce processus favorise la cohésion d’équipe, apaise les tensions, réduit les conflits latents et renforce la capacité d’adaptation face aux défis.

En entreprise, pardonner ne relève pas de la morale mais d’une stratégie de QVCT : c’est une manière de restaurer la confiance, de prévenir l’épuisement professionnel et de consolider les relations interpersonnelles. Intégrer cette notion dans les formations en leadership, les politiques RH ou les dispositifs de gestion du stress, c’est investir dans une culture d'entreprise plus résiliente, plus responsable et plus humaine. Car le pardon, bien compris, n’efface pas le passé : il permet simplement d’en être libre pour construire l’avenir ensemble.

Outils et Ressources

Découvrez tout ce que propose ADP : articles, mises à jour législatives, publications, rapports d'analystes, formations, évènements, etc.

Voir toutes les ressources

Vous pouvez contribuer !

Vous souhaitez partager une réflexion, une expérience, une innovation RH ? N’hésitez pas à prendre la plume pour contribuer à RH info !

Contactez-nous