L’ordonnance n° 2020-387 du 1er avril 2020 avait déjà tenu compte des contraintes imposées par la crise sanitaire en permettant aux employeurs de reporter les entretiens professionnels « bilan des 6 ans » devant intervenir au cours de l’année 2020, jusqu’au 31 décembre 2020 au plus tard. Une nouvelle ordonnance[1] prend acte de la prorogation de l’état d’urgence sanitaire et prévoit un nouveau report au 30 juin 2021.   

La loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 autorise la prorogation de l’état d’urgence sanitaire déclaré par le décret n° 2020-1257 du 14 octobre 2020. Ainsi, l’état d’urgence sanitaire est prorogé jusqu’au 16 février 2021 inclus. L’entretien professionnel fait à nouveau parti des domaines pour lesquels le gouvernement est autorisé à prendre des mesures dérogatoires par ordonnance, au titre de l’état d’urgence. C’est dans ce cadre que l’ordonnance n° 2020-1501 du 2 décembre 2020 accorde un délai supplémentaire aux employeurs pour réaliser les entretiens professionnels.  

Rappel du dispositif

A l'occasion de son embauche, le salarié est informé qu'il bénéficie tous les deux ans d'un entretien professionnel avec son employeur consacré à ses perspectives d'évolution professionnelle, notamment en termes de qualifications et d'emploi. Un accord collectif d'entreprise ou, à défaut, de branche peut prévoir une périodicité des entretiens professionnels différente.

Cet entretien ne porte pas sur l'évaluation du travail du salarié.

De plus, lors de cet entretien, l’employeur apporte des informations relatives à la validation des acquis de l'expérience, à l'activation par le salarié de son compte personnel de formation, aux abondements de ce compte que l'employeur est susceptible de financer et au conseil en évolution professionnelle[2]. A noter qu’un accord collectif d'entreprise ou, à défaut, de branche peut définir un cadre, des objectifs et des critères collectifs d'abondement par l'employeur du compte personnel de formation des salariés.

Cet entretien professionnel donne lieu à la rédaction d'un document dont une copie est remise au salarié.

Par ailleurs, cet entretien est proposé systématiquement au salarié qui reprend son activité à l'issue :

  • D’un congé de maternité (Art. L. 1225-27 du code du travail),
  • D’un congé parental d’éducation (Art. L. 1225-47 du code du travail),
  • D’un congé d’adoption (Art. L.1225-46 du code du travail),
  • D’un congé sabbatique (Art. L. 3142-31 du code du travail),
  • D’une période de mobilité volontaire sécurisée (Art. L. 1222-14 du code du travail),
  • D’une période d’activité à temps partiel dans le cadre du congé parental (Art. L. 1225-47 du code du travail),
  • D’un arrêt longue maladie (Art. L. 324-1 et R. 324-1 du code de la sécurité sociale),
  • Ou à l’issue d’un mandat syndical.

Cet entretien est proposé systématiquement avant et après le départ en :

  • Congé de proche aidant (Art. L. 3142-23 du code du travail),
  • Congé de solidarité familial (Article L. 3142-11 du Code du travail)

Cet entretien peut avoir lieu, à l’initiative du salarié, à une date antérieure à la reprise de poste.

Tous les six ans, l'entretien professionnel fait un état des lieux récapitulatif du parcours professionnel du salarié souvent appelé « Bilan à 6 ans ». Cette durée s'apprécie par référence à l'ancienneté du salarié dans l'entreprise.

Cet état des lieux, qui donne lieu à la rédaction d'un document dont une copie est remise au salarié, permet de vérifier que le salarié a bénéficié au cours des six dernières années des entretiens professionnels prévus et d'apprécier s'il a :

  • 1° Suivi au moins une action de formation ;
  • 2° Acquis des éléments de certification par la formation ou par une validation des acquis de son expérience ;
  • 3° Bénéficié d'une progression salariale ou professionnelle.

Un accord collectif d'entreprise ou, à défaut, de branche peut prévoir d'autres modalités d'appréciation du parcours professionnel du salarié que celles mentionnés ci-dessus.

Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, lorsque, au cours de ces six années, le salarié n'a pas bénéficié des entretiens prévus et d'au moins une formation « non obligatoire »[3] , son compte personnel de formation (CPF) est abondé[4].

Report de l’entretien biannuel et de l’état des lieux récapitulatif

Pour rappel, avant la crise sanitaire et la publication de l’ordonnance du 1er avril 2020, les entretiens professionnels « état des lieux » des salariés en poste avant le 7 mars 2014 devaient être organisé avant le 7 mars 2020.

L’ordonnance n° 2020-387 du 1er avril 2020, avait déjà prévu, par dérogation et à l’initiative de l’employeur, un report de l'entretien professionnel faisant un état des lieux récapitulatif du parcours professionnel du salarié intervenant au cours de l'année 2020, jusqu'au 31 décembre 2020.

L’ordonnance du 2 décembre étend cette faculté de report jusqu’au 30 juin 2021.

Mais cette nouvelle ordonnance va plus loin. En effet, elle offre, non seulement la possibilité de reporter l’entretien professionnel faisant l’objet d’un état des lieux récapitulatif (bilan à 6 ans), mais aussi celle de reporter l’entretien professionnel biannuel. L’employeur est donc autorisé à différer tous les entretiens professionnels qui auraient dû se tenir entre le 1er janvier 2020 et le 30 juin 2021.

Report de la sanction

L’ordonnance du 1er avril avait également suspendu, à compter du 12 mars 2020 et jusqu'au 31 décembre 2020 l'application des sanctions prévues par la loi dans le cas où ces entretiens n'auraient pas été réalisés dans les délais.

De même, avec l’ordonnance du 2 décembre, l’application des pénalités dues par les entreprises, d’au moins 50 salariés, qui n’ont pas respecté leurs obligations liées aux entretiens professionnels est suspendue jusqu’au 30 juin 2021.

Ainsi, à compter du 12 mars 2020 et jusqu’au 30 juin 2021, cette sanction ne s’applique pas. A compter du 1er juillet 2021, elle sera de nouveau applicable. Toutefois, pour apprécier son application, la date à laquelle l’employeur a procédé à l’entretien professionnel faisant un état des lieux récapitulatif du parcours professionnel du salarié sera prise en considération compte tenu du nouveau report de délai.  

Prorogation des mesures transitoires

L’entretien professionnel, réalisé au bout des six ans d’ancienneté du salarié, fait l’objet d’un état des lieux aussi appelé « bilan des 6 ans ». C’est également le moment de vérifier que les employeurs d’au moins 50 salariés remplissent leurs obligations, à défaut ils seront susceptibles d’être sanctionnés[5].

Sachant que les dispositions de la loi du 5 septembre 2018 sont entrées en vigueur au 1er janvier 2019, l’ordonnance coquille du 21 août 2019 a prévu une période transitoire, afin de tenir compte sur cette période de 6 ans dans anciennes dispositions prévues par la loi du 5 mars 2014.

Ainsi, selon cette ordonnance, jusqu’au 31 décembre 2020, il existe deux possibilités pour les employeurs pour justifier de leurs obligations : soit par l’application des critères de la sanction selon la loi de 2014, soit par l’application des critères de la sanction selon la loi de 2018 :  

  • Selon la loi du 5 septembre 2018, l’employeur abonde le CPF (Compte personnel de formation) du salarié qui n’a pas bénéficié des entretiens prévus et d’au moins une action de formation « non obligatoire ».
  • Selon la loi du 5 mars 2014, l’employeur abonde le CPF du salarié qui n’a pas bénéficié des entretiens prévus et d’au moins 2 des 3 mesures entre une action de formation, l’acquisition d’éléments de certification et la progression salariale ou professionnelle.

L’ordonnance du 2 décembre prolonge également cette période transitoire de 6 mois.

Ce qui signifie que jusqu’au 30 juin 2021, l’employeur d’au moins 50 salariés, peut justifier de ses obligations soit en appliquant la règle issue de la loi du 5 mars 2014, soit en appliquant la règle issue de la loi du 5 septembre 2018.

À l’issue de cette période transitoire, au 1er juillet 2021, les employeurs n’auront plus d’autre choix que de respecter le nouveau cadre de l’entretien professionnel prévu par la loi « Avenir professionnel » du 5 septembre 2018.

Muriel Besnard

Consultant Juridique


[1] Ordonnance n° 2020-1501 du 2 décembre 2020 – Journal Officiel du 3 décembre 2020

[2] Article L. 6315-1 du Code du travail

[3] Formation « non obligatoire » : formation autre que celle mentionnée à l’article L. 6321-2 du Code du travail

[4] Le CPF est abondé de l’abondement correctif dans les conditions définies à l’article L. 6323-13 du Code du travail

[5] Article L. 6315-1, L. 6323-13 et R. 6323-3 du Code du travail