Mai 2024
Le passeport de prévention a vu le jour avec la loi santé au travail du 2 août 2021[1] et son décret[2] d’application du 29 décembre 2022. Toutefois, pour le moment, seule la partie réservée aux titulaires du passeport est accessible. Les employeurs et les organismes de formation qui devaient rentrer dans la danse en 2024, ne seront finalement attendus que pour 2025.
Le passeport de prévention a un démarrage très progressif. Déjà, le décret qui était attendu pour octobre 2022, n’a été publié qu’en décembre. Pour compenser ce départ tardif du dispositif, un site d’information[3] a été mis à disposition dès octobre 2022. Depuis le 30 mai 2023, les premières fonctionnalités du Passeport de prévention sont disponibles avec l’ouverture de la consultation par les travailleurs. Dès 2024, les employeurs et les organismes de formation devaient remplir leurs obligations et déclarer les formations en santé et sécurité suivies par les titulaires. Cette échéance est reportée en 2025.
Qu’est-ce que le Passeport de prévention ?
Le passeport de prévention recense les attestations, certificats et diplômes obtenus par le travailleur dans le cadre des formations relatives à la santé et à la sécurité au travail.
La loi Santé au travail[4] du 2 août 2021 a intégré le passeport prévention au passeport d'orientation, de formation et de compétences lui-même intégré au système d'information du compte personnel de formation. C'est à ce titre que la Caisse des dépôts et consignations (CDC) assure la gestion du passeport de prévention à l'instar du passeport d'orientation, de formation et de compétences.
A noter que le Comité national de prévention et de santé au travail (CNPST) qui assure le suivi du déploiement.
Qui renseigne le Passeport de prévention ?
Trois acteurs renseignent le passeport de prévention :
- Les salarié(e)s,
- Les employeurs,
- Les organismes de formation.
Les salariés
Au titre des articles L. 4141-5 et L. 4111-5 du code du travail, le passeport de prévention vise les travailleurs et les demandeurs d'emploi.
Ainsi, le travailleur ou le demandeur d’emploi peut inscrire, dans le passeport de prévention, les attestations, certificats et diplômes obtenus dans le cadre des formations qu'il a suivies dans les domaines de la santé et de la sécurité au travail, s'ils sont obtenus à l'issue de formations suivies de sa propre initiative.
Le Passeport de prévention leur est ouvert depuis le 30 mai 2023. Il permet ainsi de répertorier les acquis en matière de santé et sécurité au travail. Actuellement, la déclaration de ces compétences se fait sur la version bêta[5] du passeport de prévention.
Ce service est utilisable de façon sécurisée via FranceConnect+. Les informations préchargées sont traçables et garanties par la Caisse des Dépôts.
Les employeurs
L'employeur renseigne également dans le passeport de prévention les attestations, certificats et diplômes obtenus par le travailleur dans le cadre des formations relatives à la santé et à la sécurité au travail dispensées à son initiative.
A noter que l'employeur reste libre de garder les supports qu'il utilise actuellement pour justifier de la réalisation des formations en cas de contrôle.
Pour optimiser la visibilité de l'employeur sur les formations qu'il a dispensées ou fait réaliser par un organisme de formation, l'employeur pourra activer un espace dédié d'information auquel seul lui ou son délégataire pourra accéder.
Aussi, pour rappel, le passeport ne doit pas :
- Être un moyen de contrôle des compétences des salariés.
- Constituer un prérequis obligatoire à tout recrutement des salariés.
- Être confondu avec les droits du salarié attachés au CPF même s'il est intégré dans le même système d'informations. L'utilisation des droits CPF acquis par les salariés reste à l'unique appréciation de ces derniers.
- Avoir pour finalité d'être un outil de contrôle des formations dispensées par l'employeur. Comme ce dernier renseigne le passeport de prévention, la priorité devra être donnée à un accompagnement de ces derniers, en particulier pour les TPE/PME.
Initialement prévu en 2024, le Passeport sera mis à la disposition des employeurs à partir de 2025[6].
Les organismes de formation
Les organismes de formation ont l'obligation de renseigner le passeport prévention pour les formations qu'ils dispensent :
- Lorsqu'une formation est assurée par un organisme de formation externe à l'entreprise, cet organisme alimente le Passeport de prévention du titulaire pour la formation qu'il aura assurée. Cette alimentation portera notamment sur l'attestation de suivi de formation, ou le cas échéant sur le certificat de réussite.
- Pour les formations débouchant sur une certification, l'alimentation par l'organisme certificateur du passeport d'orientation, de formation et de compétences du salarié entrainera l'alimentation, par ricochet, du passeport de prévention.
Dans ce cadre, les organismes concernés informeront l'employeur par tout moyen qu'ils ont effectivement alimenté le passeport. Cela se traduira par la mise en place d'un système de notification automatique sur l'espace dédié. Cette notification électronique automatique, relatif aux parties intéressées au passeport de prévention, ne s'applique qu'aux formations organisées à l'initiative de l'employeur.
Le salarié est aussi informé de l'alimentation de son passeport par l'organisme de formation ou de certification par le biais d'une notification électronique.
De même que pour les employeurs, initialement prévu en 2024, le Passeport sera mis à la disposition des organismes de formation à partir de 2025.
Un outil géré par le salarié
Le passeport est un outil géré par le salarié, c'est à ce dernier d'apprécier ce qu'il rend consultable/communicable par un employeur ou son délégataire, sous réserve du respect des conditions de traitement des données à caractère personnel, y compris :
- Les données que l'employeur n'a pas versées dans le passeport,
- Les formations que le titulaire du passeport a suivies de sa propre initiative (données relatives aux attestations, certificats et diplômes dans des formations sur la santé et la sécurité au travail).
Le salarié peut donner son accord pour un accès, total ou partiel, par son employeur, au passeport le concernant, ou lui refuser cet accès. Les modalités de cet accord et les conditions de cet accès seront précisées par arrêté du ministre chargé du travail à paraître.
Le travailleur peut donc autoriser l'employeur à consulter l'ensemble des données contenues dans le passeport de prévention, y compris celles que l'employeur n'a pas versées lui-même. En effet, ces informations peuvent aider au suivi des obligations de l’employeur en matière de formation à la santé et à la sécurité. A noter toutefois que cette autorisation sera possible sous réserve du respect des conditions de traitement des données à caractère personnel prévues à l'article 4 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.
Le contenu du passeport de prévention
Le périmètre du contenu du passeport de prévention est composé :
- Des attestations, certificats et diplômes dispensés en interne au sein de l'entreprise, y compris à l'étranger ou en externe par le biais d'organisme de formation.
Ces attestations, certificats ou diplômes permettent de s'assurer de la bonne réalisation de la formation dans les conditions fixées par la réglementation du code du travail ou garanties par tout autre dispositif de validation.
- D'informations recensées dans le passeport qui relèvent de 5 catégories :
- Les données relatives à l'identification de l'employeur ;
- Les données relatives à l'identification de l'organisme de formation ;
- Les données relatives à l'identification du titulaire du passeport de prévention ;
- Les données relatives aux attestations, certificats et diplômes obtenus par le titulaire du passeport de prévention dans le cadre des formations relatives à la santé et à la sécurité au travail ;
- Les certificats en santé et sécurité au travail obtenus par le titulaire du passeport de prévention et recensées dans son passeport d'orientation, de formation et de compétences[7].
Une mise en œuvre progressive
Le passeport se développera de façon progressive dans la mesure où il ne pourra pas intégrer d'emblée l'ensemble des « attestations, certificats et diplômes »
Il est donc proposé d'intégrer dans un premier temps les formations transférables c'est-à-dire des formations qui peuvent être transférées aisément d'une entreprise à une autre, ce qui correspond à des formations en santé-sécurité visées par le code du travail et réalisées par des organismes de formation externes ou réalisées en interne par l'entreprise.
Ces premières formations concerneront dans un premier temps les formations obligatoires spécifiques au titre du code du travail (amiante, travaux sous tension, travaux en hauteur, travaux hyperbares, appareils de levage ou équipement de travail mobile auto-moteur), exceptées les formations liées à la prise de poste de travail et à son évolution, les « Formations non réglementées avec objectif précisé par la réglementation pour des postes qui nécessitent l'habilitation par l'employeur » (CACES, risque pyrotechnique), et pas l'habilitation elle-même.
Selon le décret, l'attestation doit permettre, lorsque le travailleur le souhaite, de renseigner le nouvel employeur afin de lui permettre d'adapter les formations à mettre en œuvre, en tant que de besoin.
Enfin, l'alimentation du passeport de prévention ne concerne pas les formations qui ont été dispensées antérieurement à la mise en œuvre effective de ce dispositif. Le travailleur conserve néanmoins la faculté d'y intégrer ces formations suivies antérieurement.
Muriel Besnard
Consultant Juridique
[1] Loi n° 2021-1018 du 2 août 2021 pour renforcer la prévention en santé au travail, publiée au journal officiel du 3 août 2021
[2] Décret n° 2022-1712 du 29 décembre 2022, publié au journal officiel du 30 décembre 2022 – Date d’entrée en vigueur : 31 décembre 2022
[3] https://passeport-prevention.travail-emploi.gouv.fr/
[4] Article L. 4141-5 du Code du travail
[5] https://prevention.moncompteformation.gouv.fr/espace-public/
[6] https://entreprendre.service-public.fr/actualites/A15846
[7] Il s’agit du passeport d’orientation, de formation et de compétences mentionné au second alinéa du II de l’article » L. 6323-8 du Code du travail.