Environ 1,5 million de salariés et 42 000 entreprises, 78 conventions collectives dont 76 conventions territoriales, une convention relative à la sidérurgie et une autre relative aux ingénieurs et cadres, 25 accords nationaux, tel est l’état du secteur de la métallurgie en 2022. Après un peu plus de cinq années de négociation, interrompues par la crise sanitaire, le secteur est parvenu le 7 février dernier à signer une seule et unique convention collective nationale, applicable à l’ensemble des salariés et des territoires du secteur au 1er janvier 2024.

C’est un véritable chantier pour le secteur de la métallurgie, un « rendez-vous social historique » estime Hubert Mongon délégué général de l’UIMM[1] (organisation patronale du secteur), rendez-vous pris depuis plusieurs années par l’UIMM et les organisations syndicales de salariés signataires. Le 7 février 2022, le texte – de plus de 200 pages pour en remplacer quelques 7 000 – a été entériné par l’UIMM, la CFDT, la CFE-CGC et FO.

Quel calendrier ?

La refonte d’un tel dispositif conventionnel ne peut pas se faire du jour au lendemain, en témoigne les cinq années nécessaires à la négociation et signature de ce nouveau texte.

Aussi, la mise en œuvre de cette convention collective unifiée se fera au 1er janvier 2024 en mode « big bang », sous réserve bien évidemment que l’extension soit validée par le Ministère du Travail. C’est donc en principe à cette date que toutes les nouvelles dispositions conventionnelles s’appliqueront dans les quelques 42 000 entreprises de la branche, sans période transitoire[2]. L’UIMM va travailler dès cet été 2022 avec le Ministère du travail pour que l’extension se passe dans les meilleures conditions possibles.

Outre cet objectif du 1er janvier 2024, deux autres dates sont à garder en tête :

  • 30 juin 2022 : il s’agit de la date butoir à laquelle les négociations territoriales doivent s’achever sur les sujets significatifs des spécificités locales. En effet, la nouvelle convention collective n’ayant pas pu traiter l’ensemble des spécificités des territoires, un délai a été laissé à ces organisations pour signer des accords territoriaux sur certaines thématiques bien identifiés. A la rentrée 2022, les signataires réévalueront l’équilibre global du dispositif, au regard des accords signés au niveau des territoires.
  • 1er janvier 2023 : il s’agit de la date à laquelle le volet protection sociale sera mis en œuvre. L’enjeu porté par le texte est la création d’un régime de protection sociale de branche couvrant à la fois les garanties frais de santé, garanties conventionnelles et prévoyance lourde (décès, incapacité, invalidité), impliquant pour beaucoup la nécessité de revoir les accords et contrats conclus par les entreprise courant 2022.

Quelles modifications ?

Attention, il ne s’agit pas ici de faire une liste exhaustive des modifications apportées par le nouveau texte conventionnel de la métallurgie, seulement d’en lister quelques exemples significatifs.

Classification

Parmi les impacts majeurs de cette nouvelle convention collective unifiée, la refonte du système de classification est certainement l’un des sujets les plus importants pour l’entreprise.

Tous les salariés de la branche devront avoir un nouveau coefficient au 1er janvier 2024. Le nouveau système de classification vient classer l’emploi réellement tenu par le salarié, à travers les notions de groupe d’emploi (de A à I) et de classes d’emploi (de 1 à 18) par le biais de six critères classants : complexité de l’activité, connaissances, autonomie, contribution, encadrement-coopération et communication. La nouvelle classification n’intègre plus que les notions de non-cadres et cadres ; les distinctions ouvriers, techniciens, agents de maitrise disparaissent.

Les entreprises de la branche devront donc s’atteler à coter les emplois présents dans leur entreprise pour ensuite déterminer le nouveau coefficient du salarié (qu’il conviendra d’afficher sur le bulletin de paie). A ce coefficient s’attachera comme actuellement une rémunération minimale.

Rémunération et primes

Les salaires minimums applicables sont impactés par la nouvelle grille de classification. Aussi, il y aura désormais 18 salaires minimums hiérarchiques applicables : un pour chaque classe d’emploi.

L’UIMM avait dénombré environ 1 200 natures de primes et modalités de calcul de primes différentes. La nouvelle convention collective les regroupe autour de moins de 10 grandes primes, en sachant que pour certaines des déclinaisons territoriales pourront exister (et c’est notamment l’enjeu des négociations en cours dans les territoires jusqu’au 30 juin 2022).

La prime d’ancienneté est également revue puisqu’il y aura désormais un taux de la base spécifique en fonction de la classe d’emploi, et la prise en compte de la valeur du point pour les salariés non-cadres.

Maladie, maternité, accident de travail et autres absences

La détermination d’un socle de prévoyance commun à la branche conduit les signataires à revoir la quasi-totalité des garanties applicable en cas d’absence maladie, maternité ou accidents de travail. Ainsi, pour les salariés non-cadres, les garanties conventionnelles applicables en cas de maladie sont améliorées puisqu’elles prévoient un maintien à 100% de la rémunération nette du salarié jusqu’à 180 jours (toujours en fonction de l’ancienneté).

De la même manière, les jours de congés pour enfants malade évoluent avec l’entrée d’une indemnisation partielle de ceux-ci et une détermination du nombre de jours en fonction du nombre d’enfants à charge.

Quel accompagnement ?

Bien évidemment, compte tenu de l’ampleur des changements générée par cette nouvelle convention collective, l’UIMM incite très fortement les entreprises à engager le dialogue avec les membres du CSE dans l’entreprise, quand celle-ci en est dotée. Le dialogue doit aussi se faire y compris en l’absence de CSE.

Un réseau d’environ 80 correspondants a été lancé au sein des chambres territoriales de la métallurgie pour aider les territoires et les entreprises à mettre en place cette nouvelle convention (et notamment toute la partie classification). Des ateliers pédagogiques sont également programmés par les chambres territoriales.

Un site a été créé par les organisations syndicales et patronales signataires de la nouvelle convention : on y trouve notamment le texte et les accords, mais aussi un référentiel d’analyse ou un glossaire pour la classification des emplois. Un support pour les salariés est également mis à disposition. Il s’agit du site suivant : https://www.convention-collective-branche-metallurgie.fr/

L’entreprise dans le champ de la métallurgie entame donc un travail de longue haleine pour les services ressources humaines, pour s’approprier, apprivoiser la nouvelle réglementation conventionnelle, et surtout l’adapter à ses propres spécificités.

ADP s’est d’ores-et-déjà emparé du sujet : nous sommes en échange avec l’UIMM pour comprendre les impacts de ce changement conventionnel d’ampleur sur nos systèmes d’informations, et pouvoir accompagner nos clients sur ces évolutions dans nos SI.

Elodie Chailloux

Consultant juridique Veille et Droit social

 

[1] Union des industries et métiers de la métallurgie

[2] Une exception est à noter concernant les nouvelles grilles de salaire minima pour les entreprises de moins de 150 salariés, dès lors que les nouvelles grilles auront un impact sur la masse salariale de plus de 5% et qu’elles toucheront au moins 25% des salariés. Encore faut-il que cette disposition passe le cap de l’extension pour être applicable.