Décembre 2023

Entré en vigueur depuis le 1er juillet 2023[1], le montant net social est une nouvelle mention obligatoire du bulletin de paie servant au calcul des prestations sociales (RSA et prime d’activité). L’objectif du gouvernement avec cette réforme de la « solidarité à la source » est que l’utilisation de cette nouvelle donnée se fasse progressivement pour davantage de prestations sociales, pour réduire notamment le non-recours aux prestations.

Dans une série de trois articles publiés au printemps 2023[2], nous avions détaillé les nouveautés de l’arrêté du 31 janvier 2023 instaurant la nouvelle mention « montant net social » sur les bulletins de paie et modifiant la maquette du bulletin de paie clarifié.

Suite à de nombreuses remontées terrain de la part notamment des organisations syndicales de salariés, la Direction de la Sécurité Sociale (DSS) a décidé de modifier le calcul du montant net social pour un effet au 1er janvier 2024. Cette information a été publiée le 14 novembre 2023 sur le BOSS[3], l’arrêté modificatif de l’arrêté du 31 janvier 2023 devant être publié d’ici la fin d’année 2023 (en attente à date de publication de cet article).

Cette modification de calcul concerne le traitement des indemnités journalières de sécurité sociale (IJSS) et des contributions aux régimes de prévoyance complémentaire et retraite supplémentaire.

IJSS

Entre le 1er juillet 2023 et le 31 décembre 2023

Initialement, la Foire aux Questions disponible sur le site du Ministère du Travail, reprise dans le BOSS[4], excluait expressément le montant des indemnités journalières de sécurité sociale du brut social servant au calcul du montant net social, et ce dans toutes les situations (que l’employeur soit subrogé ou non).

Ces IJSS étaient déclarées par ailleurs par les CPAM pour que les allocataires en tiennent compte dans leurs ressources servant au calcul des prestations sociales, en plus du montant net social déclaré par l’employeur.

En cas d’absence maladie par exemple, l’allocataire devait alors déclarer la somme du montant net social calculé par l’employeur et des IJSS déclarées par la CPAM (peu important par ailleurs qu’il les ait effectivement perçues par le biais de son employeur en cas de subrogation ou directement par la CPAM).

A partir du 1er janvier 2024

S’inspirant de ce qui se passe sur le prélèvement à la source et dans un souci de contemporanéité de perception des sommes vs leur déclaration, la DSS a décidé de modifier le calcul du montant net social : à partir du 1er janvier 2024, l’employeur devra prendre en compte, dans le montant net social qu’il calcule, les IJSS subrogées qu’il perçoit en lieu et place de son salarié[5].

Cette intégration des IJSS subrogées se fait quel que soit le motif de l’arrêt de travail, et pour toute la durée de la subrogation pratiquée par l’employeur[6]. Autrement dit, à partir du moment où l’employeur n’est plus subrogé dans la perception des IJSS, il n’a plus à intégrer le montant des IJSS directement perçues par le salarié au calcul du montant net social.

De la même manière, s’il n’y a pas du tout de subrogation par l’employeur, il ne prendra jamais en compte les IJSS dans le calcul du montant net social qu’il effectuera.

Il convient de noter que le BOSS se contente d’indiquer que « ces modifications entrent en vigueur le 1er janvier 2024 ». Nous avons décidé au sein d’ADP d’appliquer ces nouveautés à partir de la période d’emploi de janvier 2024, soit en pratique pour les IJSS subrogées constatées sur la période d’emploi de janvier 2024 même si elles ont trait à une absence antérieure (du fait de la période de recueil par exemple)[7]

Régime de protection sociale complémentaire

Du 1er juillet 2023 au 31 décembre 2023

Originellement, l’arrêté du 31 janvier 2023 et le BOSS indiquaient que seules les cotisations d’origine légale peuvent être déduites du brut social servant au calcul du montant net social. Concernant la protection sociale complémentaire, cela signifie que seules les garanties frais de santé remplissaient ce critère « d’origine légale » puisque l’article L. 911-7 du Code de la Sécurité sociale impose la mise en place d’une couverture frais de santé uniquement. Dès lors que la cotisation du salarié finançait des garanties frais de santé, elle devenait déductible du brut social servant au calcul du montant net social et la part patronale à ces garanties ne majorait pas le brut social[8].

Les autres cotisations de protection sociale complémentaire (prévoyance, invalidité, retraite supplémentaire) étaient alors considérées comme d’origine conventionnelle et ne pouvaient donc être déduites du brut social servant au calcul du montant net social. Et ce, quand bien même, l’adhésion du salarié à ces régimes complémentaires était obligatoire dans l’entreprise au sens de l’acte juridique instituant les garanties (accord collectif, accord ratifié ou décision unilatérale de l’employeur).  A contrario des garanties frais de santé, l’application de ce régime « facultatif » aux cotisations de protection sociale complémentaire (prévoyance, invalidité, retraite supplémentaire) avait l’impact suivant sur la détermination du montant net social :

  • La part salariale ne venait pas en déduction du brut social servant au calcul du montant net social
  • La part patronale était ajoutée au brut social servant au calcul du montant net social.

A partir du 1er janvier 2024

Dans un souci d’équité entre tous les salariés, la DSS a finalement fait machine arrière sur sa conception des garanties de protection sociale complémentaire et leurs impacts sur le montant net social. A partir du 1er janvier 2024, les cotisations finançant des garanties de protection sociale complémentaire collective prévue à l’article L. 911-1 du Code de la sécurité sociale sont déduites pour leur part salariale et ne majorent pas le brut social pour leur part patronale[9].

Le BOSS détaille les garanties pouvant être couvertes par la prévoyance complémentaire : sont ainsi visés les risques décès, incapacité de travail, invalidité, inaptitude, chômage, dépendance ou perte d’autonomie[10].

Il faut néanmoins que les garanties de protection sociale complémentaire aient été mises en place conformément à l’article L. 911-1 du Code de la sécurité sociale, soit en pratique :

  • Convention ou accord collectif
  • Accord ratifié à la majorité des intéressés
  • Décision unilatérale de l’employeur.

L’article L. 911-1 du C. Séc. Soc. indique qu’il s’agit de garanties visant à compléter celles résultant de l’organisation de la sécurité sociale. Sont donc aussi visées les garanties liées à la vieillesse ou la retraite supplémentaire, en plus de la liste faite par le BOSS pour la prévoyance complémentaire.

Ces garanties doivent être collectives : autrement dit, elles doivent par principe bénéficier à tous les salariés ou à une catégorie de salariés considérée comme objective pour la détermination de la protection sociale complémentaire. La DSS va toutefois encore plus loin : « les options individuelles rattachées à des garanties collectives ne doivent pas être prises en compte pour la part patronale et doivent être déduites pour la part salariale ». La quasi-totalité des cotisations passant en paie sont donc concernées par ce nouveau traitement au regard du montant net social.

En pratique donc, seules les cotisations ne présentant pas un caractère collectif (c’est-à-dire n’étant pas prévues par un accord collectif, ou un accord ratifié à la majorité des intéressés ou par une décision unilatérale de l’employeur) viendront majorer le brut social pour la part patronale (si elle existe) et ne seront pas déductibles pour la part salariale.

Il convient de noter que le BOSS ne dissocie pas les différentes typologies de retraite supplémentaire (à cotisations définies, à prestations définies qu’ils soient différentiels ou additifs). Nous avons resollicité la DSS sur ce point.   

Prochaines étapes

Bien évidemment, l’arrêté du 31 janvier 2023 prévoit l’application d’une nouvelle maquette de bulletin de paie pour le 1er janvier 2025 ayant pour objectif une lisibilité facilitée pour le salarié du calcul du montant net social. A date, les cotisations de prévoyance complémentaire et retraite supplémentaire sont donc dans le pavé « Cotisations facultatives ». Cette mise à jour du calcul du montant net social implique pour la DSS de revoir la maquette de bulletin de paie applicable au 1er janvier 2025.

Nous sommes donc dans l’attente d’un nouvel arrêté modificatif à paraitre au Journal Officiel. Il n’empêche que les nouvelles modalités de calcul du montant net social doivent être mises à jour.

Exemples

Pour les IJSS subrogées

Actuellement

 

Montant salarial

Montant patronal

Salaire de base

2 000€

 

Absence maladie

- 780€

 

Maintien maladie

+ 780€

 

IJSS maladie

- 245€

 

TOTAL BRUT

1 755€

 

Cotisations obligatoires

330€

700€

Mutuelle de base

63€

63€

Option mutuelle

30€

 

IJSS nettes

+ 200€

 

MONTANT NET SOCIAL

1 332€

(=1755 – 330 – 63 – 30)


A compter de janvier 2024

 

Montant salarial

Montant patronal

Salaire de base

2 000€

 

Absence maladie

- 780€

 

Maintien maladie

+ 780€

 

IJSS maladie

- 245€

 

TOTAL BRUT

1 755€

 

Cotisations obligatoires

330€

700€

Mutuelle de base

63€

63€

Option mutuelle

30€

 

IJSS nettes

+ 200€

 

MONTANT NET SOCIAL

1 532€

(=1755 – 330 – 63 – 30 + 200)

Pour les garanties prévoyance

Actuellement

 

Montant salarial

Montant patronal

Salaire de base

2 000€

 

TOTAL BRUT

2 000€

 

Cotisations obligatoires

330€

700€

Mutuelle de base obligatoire

63€

63€

Option mutuelle

30€

 

Prévoyance

25€

110€

MONTANT NET SOCIAL

1 662€

(=2000– 330 – 63 – 30 + 110)


A compter de janvier 2024

 

Montant salarial

Montant patronal

Salaire de base

2 000€

 

TOTAL BRUT

2 000€

 

Cotisations obligatoires

330€

700€

Mutuelle de base obligatoire

63€

63€

Option mutuelle

30€

 

Prévoyance

25€

110€

MONTANT NET SOCIAL

1 555€

(=2000– 330 – 63 – 30 – 25)

Elodie Chailloux

Responsable Veille légale et DSN

[1] Arrêté du 31 janvier 2023 modifiant l’arrêté du 25 février 2016 fixant les libellés, l’ordre et le regroupement des informations figurant sur le bulletin de paie mentionnées à l’article R. 3243-2 du code du travail, JO du 7 février, NOR : SPRS2219968A

[2] Articles info d’experts de Mars 2023 (https://www.fr.adp.com/ressources/documentations/articles/e/evolutions-legales-03-2023-evolutions-du-bulletin-de-paie-1.aspx), Mai 2023 (https://www.fr.adp.com/ressources/documentations/articles/e/evolutions-du-bulletin-de-paie-2.aspx) et Juillet 2023 (https://www.fr.adp.com/ressources/documentations/articles/e/evolutions-du-bulletin-de-paie-3.aspx)

[3] https://boss.gouv.fr/portail/accueil/actualites-boss/2023/novembre/mise-a-jour-montant-net-social.html

[4] BOSS, Bull. de paie, Montant net social, II-A-1 dans sa version en vigueur du 1er juillet 2023 au 31 décembre 2023

[5] BOSS, Bull. de paie, Montant net social, II-B-13 bis dans leur version en vigueur à partir du 1er janvier 2024

[6] Pour rappel, dans le cadre du prélèvement à la source, l’application du prélèvement à la source et sa durée varie selon le motif d’arrêt de travail. BOFiP-IR-PAS-20-10-10-28/07/2020-§§80 à 110

[7] Ce point nous a été confirmé par oral de la réunion mensuelle GIPMDS-éditeurs de paie du 24 novembre 2023

[8] BOSS, Bull. de paie, II-A-1, II-A-2, II-C-28 dans leurs versions en vigueur du 1er juillet 2023 au 31 décembre 2023

[9] BOSS, Bull. de paie, II-A-10 dans leur version en vigueur à partir du 1er janvier 2024

[10] BOSS, Bull. de paie, II-A-10 bis dans leur version en vigueur à partir du 1er janvier 2024